Imaginez un instant : vous prenez la parole lors d’une manifestation pour défendre une cause qui vous tient à cœur, et soudain, vos mots se retrouvent sous le feu des projecteurs judiciaires. C’est exactement ce qu’a vécu Ramy Shaath, un militant égypto-palestinien, figure de proue de la révolution égyptienne de 2011. Ses propos, tenus lors d’un rassemblement à Paris en novembre 2023, ont déclenché une enquête pour apologie du terrorisme. Pourtant, en octobre 2024, cette procédure a été classée sans suite. Une victoire pour la liberté d’expression ? C’est ce que nous allons explorer dans cet article, en plongeant dans le parcours de cet homme, le contexte de ses déclarations, et les implications plus larges de cette décision.
Ramy Shaath : Un Combattant des Droits Humains
Ramy Shaath n’est pas un inconnu dans le monde du militantisme. Âgé d’une cinquantaine d’années, il est une figure emblématique de la révolution égyptienne de 2011, un mouvement qui a secoué les fondations du pouvoir autoritaire dans son pays natal. Mais ce n’est pas tout : Shaath est également un fervent défenseur de la cause palestinienne. En Égypte, il a coordonné le mouvement Boycott, Désinvestissement, Sanctions (BDS), une initiative mondiale visant à faire pression sur Israël pour mettre fin à l’occupation des territoires palestiniens. Ce combat, souvent controversé, place Shaath au cœur des débats sur la justice internationale et les droits humains.
Son engagement n’a pas été sans coût. Entre 2019 et 2022, Shaath a passé 900 jours en détention en Égypte, accusé de fomenter des troubles contre l’État. Libéré grâce à des pressions internationales, notamment de la France, il a continué son militantisme, notamment à Paris, où il s’est exprimé lors d’un rassemblement en soutien au peuple palestinien en novembre 2023. C’est là que tout a basculé.
Les Propos qui Ont Déclenché la Polémique
Lors de ce rassemblement, Shaath a prononcé des mots forts. Selon des sources, il aurait déclaré, en arabe, que « le vrai terrorisme, c’est celui qui bombarde les hôpitaux » et que la résistance palestinienne ne saurait être assimilée à du terrorisme, mais plutôt à un droit légitime face à l’occupation. Ces déclarations, traduites et relayées, ont attiré l’attention des autorités françaises. Le préfet de police de Paris a estimé que ces propos franchissaient une « ligne rouge », suggérant que Shaath minimisait les actes du Hamas, organisation classée comme terroriste par l’Union européenne.
Le peuple palestinien, comme tous les peuples sous occupation, a le droit de se défendre et de résister.
– Traduction des propos de Ramy Shaath, novembre 2023
Ces mots, bien que porteurs d’une conviction profonde, ont été interprétés par certains comme une justification implicite d’actes violents. Pourtant, pour d’autres, ils reflètent une vérité brutale sur les réalités du conflit israélo-palestinien. J’ai toujours trouvé fascinant, et parfois troublant, à quel point un même discours peut diviser si radicalement les opinions. Mais une question se pose : où se situe la frontière entre liberté d’expression et apologie du terrorisme ?
Une Enquête Classée Sans Suite : Que Signifie-t-elle ?
En octobre 2024, l’enquête visant Ramy Shaath a été classée sans suite, une décision saluée par ses avocats comme une reconnaissance du caractère infondé des accusations. Selon eux, Shaath n’a jamais appelé à la haine ni glorifié le terrorisme. Au contraire, son discours visait à dénoncer les violations du droit international dans les territoires palestiniens. Cette issue met en lumière un débat plus large : la criminalisation des discours politiques.
Pour mieux comprendre, examinons les faits. Shaath a été entendu en audition libre peu après le rassemblement de novembre 2023. Les autorités ont scruté ses propos, cherchant à déterminer s’ils constituaient une infraction pénale. Mais, comme l’ont souligné ses avocats, ces déclarations s’inscrivent dans une critique politique, un droit fondamental dans une démocratie comme la France. Le classement sans suite semble indiquer que les juges ont reconnu cette distinction.
Ce n’est pas la première fois que des militants pro-palestiniens font face à de telles accusations en France. Ces dernières années, plusieurs affaires similaires ont suscité des débats sur la liberté d’expression. Personnellement, je trouve que ces cas révèlent une tension : d’un côté, la nécessité de condamner toute forme d’incitation à la violence ; de l’autre, le risque de museler des voix critiques sous prétexte de sécurité.
Le Contexte du Conflit Israélo-Palestinien
Pour saisir l’ampleur des propos de Shaath, il faut replonger dans le contexte du conflit israélo-palestinien. Ce différend, vieux de plusieurs décennies, oppose deux peuples revendiquant des droits sur une même terre. Les tensions se sont intensifiées ces dernières années, avec des flambées de violence régulières, notamment dans la bande de Gaza et en Cisjordanie. Les bombardements d’hôpitaux, comme ceux évoqués par Shaath, ont été documentés, suscitant l’indignation internationale.
Le mouvement BDS, que Shaath a soutenu en Égypte, est un acteur clé dans ce débat. Son objectif ? Utiliser des moyens non violents – boycott économique, désinvestissement, sanctions – pour faire pression sur Israël. Mais ce mouvement divise. Certains y voient une stratégie légitime pour défendre les droits palestiniens ; d’autres le considèrent comme antisémite ou trop radical. Shaath, en tant que coordinateur, s’est retrouvé au cœur de cette controverse.
- Boycott : Refus d’acheter des produits issus des colonies israéliennes.
- Désinvestissement : Pression sur les entreprises pour qu’elles cessent leurs activités dans les territoires occupés.
- Sanctions : Demande de mesures internationales contre les violations des droits humains.
Ces trois piliers du BDS illustrent une approche qui cherche à éviter la violence tout en exerçant une pression économique et politique. Mais dans un climat géopolitique tendu, soutenir une telle initiative peut rapidement attirer des accusations graves, comme celle d’apologie du terrorisme.
La Liberté d’Expression à l’Épreuve
Le cas de Ramy Shaath soulève une question essentielle : jusqu’où peut-on aller dans la critique d’un État sans être accusé d’incitation à la haine ? En France, la liberté d’expression est un pilier de la démocratie, mais elle est encadrée par des lois strictes contre l’apologie du terrorisme. Ces lois, bien que nécessaires, peuvent parfois être utilisées pour intimider des militants.
La criminalisation des propos politiques est une menace pour la démocratie, surtout lorsqu’elle vise à réduire au silence ceux qui dénoncent des injustices.
– Avocat spécialisé en droits humains
Ce n’est pas un débat abstrait. D’autres militants, en France et ailleurs, ont été poursuivis pour des discours similaires. En 2019, par exemple, des militants BDS ont été condamnés en France pour des appels au boycott jugés discriminatoires. Ces affaires montrent à quel point le sujet est sensible. Pour ma part, je trouve qu’il est crucial de protéger le droit de critiquer, même lorsque les propos dérangent. Sinon, à quoi sert la liberté d’expression ?
Un Parcours Semé d’Embûches
Revenons à Ramy Shaath. Son histoire est celle d’un homme qui a payé un prix élevé pour ses convictions. Ses 900 jours de détention en Égypte, dans des conditions souvent inhumaines, témoignent de sa détermination. Libéré en 2022, il a continué à porter son message, malgré les risques. Son cas illustre une réalité : les militants des droits humains opèrent souvent dans un climat d’hostilité, où chaque mot peut être scruté, déformé, ou utilisé contre eux.
| Événement | Date | Contexte |
| Révolution égyptienne | 2011 | Shaath devient une figure clé du mouvement pro-démocratie. |
| Détention en Égypte | 2019-2022 | Accusé de troubles contre l’État, libéré après pressions internationales. |
| Propos à Paris | Novembre 2023 | Enquête pour apologie du terrorisme après un discours pro-palestinien. |
| Classement sans suite | Octobre 2024 | Confirmation que les accusations étaient infondées. |
Cette chronologie montre un homme qui, malgré les obstacles, n’a jamais abandonné. Mais son cas soulève aussi des inquiétudes. Ses avocats ont averti que l’administration pourrait utiliser cette enquête, même classée, pour compliquer son statut en France, notamment pour l’obtention d’un titre de séjour. Une injustice de plus ?
Et Maintenant ? Les Enjeux pour l’Avenir
Le classement sans suite de l’enquête est une victoire, mais elle ne marque pas la fin des défis pour Shaath et d’autres militants. La question de la liberté d’expression reste brûlante, tout comme celle de la reconnaissance des droits palestiniens. Dans un monde où les tensions géopolitiques s’exacerbent, comment garantir que les voix dissidentes ne soient pas étouffées ?
Pour Shaath, l’avenir reste incertain. Son combat pour la Palestine continue, mais il doit naviguer dans un environnement où chaque mot peut devenir une arme. Cette affaire nous rappelle une vérité essentielle : défendre une cause, c’est souvent marcher sur une corde raide. Et pourtant, c’est cette audace qui fait avancer les débats, même quand ils dérangent.
En tant que rédacteur, je ne peux m’empêcher de penser que cette histoire est une leçon. Elle nous pousse à réfléchir à ce que nous tolérons, à ce que nous défendons, et à ce que nous sommes prêts à risquer pour dire ce que nous croyons juste. Ramy Shaath, lui, a déjà répondu à cette question. Et vous, que feriez-vous à sa place ?
En conclusion, le classement sans suite de l’enquête contre Ramy Shaath est plus qu’une simple décision judiciaire. C’est un signal fort pour la liberté d’expression et un rappel que la lutte pour les droits humains, bien que semée d’embûches, reste essentielle. Shaath, avec son parcours et sa résilience, incarne cette lutte. Mais ce n’est pas la fin de l’histoire. Le débat sur la Palestine, sur la liberté de parole, et sur la justice internationale continuera de faire rage. Et quelque part, dans cette tempête, des voix comme celle de Shaath continueront de se faire entendre, coûte que coûte.
