Imaginez-vous seul, à 18 ans, au cœur des Carpates roumaines, avec pour seul objectif d’atteindre ce château légendaire qu’on associe à Dracula. Le vent hurle, la neige tombe dru, et soudain votre corps ne répond plus. Vous composez le numéro des secours… et puis plus rien. Dix jours plus tard, on retrouve votre sac à dos rempli de matériel, mais aucune trace de vous. Cette histoire n’est pas tirée d’un film d’horreur. Elle est bien réelle et elle glace le sang.
Une randonnée qui tourne au cauchemar dès le premier jour
George, étudiant britannique tout juste majeur, décide sur un coup de tête de quitter son campus pour une aventure solitaire en Roumanie. Direction : le célèbre château de Bran, popularisé à l’étranger comme le « château de Dracula ». Parti un dimanche matin de Poiana Brașov, une station de ski connue, il prévoit une boucle jusqu’au village de Bran. En théorie, une belle randonnée d’une journée pour un jeune sportif.
Mais dès les premières heures, tout bascule. Transi de froid et épuisé, il appelle les secours en montagne. Il parle d’hypothermie, de fatigue extrême. Les opérateurs tentent de le géolocaliser, lui prodiguent les premiers conseils. Et puis la communication s’interrompt brutalement. C’est le dernier signe de vie.
Un sac à dos retrouvé… et des questions qui s’accumulent
Quelques jours plus tard, les équipes de secours retrouvent son sac à dos exactement dans la zone d’où provenait l’appel. À l’intérieur ? Tout le matériel nécessaire pour bivouaquer : tente, sac de couchage, réchaud, nourriture en quantité. Bref, de quoi tenir plusieurs jours en autonomie.
« On a trouvé de la nourriture un peu partout, le matériel était complet. Franchement, on ne comprend pas pourquoi il a abandonné tout ça. »
– Un responsable des secours en montagne de Brașov
Cette découverte est troublante. En cas d’hypothermie avancée, la victime peut paradoxalement ressentir une chaleur intense et se déshabiller (on appelle ça le paradoxical undressing). Mais là, il a laissé absolument tout derrière lui. Pourquoi ?
Des conditions dantesques qui compliquent tout
Fin novembre dans les Carpates, c’est déjà l’hiver complet. Les secouristes parlent de plus de deux mètres de neige fraîche par endroits, de températures largement négatives la nuit, de brouillard à couper au couteau et de risques d’avalanche élevés. Autant dire que fouiller la zone relève de l’exploit.
- Hélicoptère Black Hawk mobilisé pour survoler les zones inaccessibles
- Chiens pisteurs spécialisés dans la neige profonde
- Drones équipés de caméras thermiques
- Une vingtaine de secouristes déployée pendant plusieurs jours
Malgré ces moyens impressionnants, les recherches ont dû être suspendues à plusieurs reprises. Quand la météo devient trop dangereuse, même les sauveteurs professionnels ne peuvent plus avancer sans mettre leur propre vie en péril.
La détresse d’une mère qui traverse l’Europe
La mère de George a pris le premier vol pour la Roumanie dès qu’elle a appris la nouvelle. Elle décrit son fils comme un jeune homme sportif, solide, responsable. Comment a-t-il pu disparaître ainsi ? Elle participe elle-même aux recherches, arpente les sentiers, diffuse la photo de son fils partout.
Ce qu’elle dit est déchirant : il a quitté le Royaume-Uni sans prévenir personne, juste avec son sac à dos et cette idée fixe d’aller voir le château de Dracula. Une impulsion d’adolescent ? Une quête personnelle ? On ne le saura peut-être jamais.
Les dangers méconnus de la randonnée solo en hiver
Je vais être franc : partir seul en randonnée hivernale dans les Carpates quand on n’est pas du coin, c’est prendre un risque énorme. Et pourtant, ça arrive tous les ans. Les paysages sont magnifiques, les tarifs attractifs, les mythes autour de Dracula attirent les aventuriers… mais la montagne, elle, ne pardonne pas.
Beaucoup sous-estiment trois facteurs clés :
- La rapidité avec laquelle la météo peut tourner (il peut faire +5 °C le matin et -15 °C le soir)
- La désorientation totale quand la neige efface les sentiers
- Le poids du sac qui, combiné à la neige profonde, épuise même les plus entraînés
George avait l’air préparé. Mais la préparation théorique et l’expérience réelle, ce n’est pas la même chose. Et à 18 ans, on se sent souvent invincible.
Le mythe de Dracula qui attire… et parfois piège
Il y a quelque chose de fascinant et de tragique à la fois. Le château de Bran n’a presque rien à voir avec le vrai Vlad l’Empaleur, et encore moins avec le roman de Bram Stoker. Pourtant, des milliers de touristes viennent chaque année pour cette aura vampirique. Et certains, comme George, veulent vivre l’expérience jusqu’au bout, loin des circuits balisés.
Cette quête d’authenticité, cette envie de sortir des sentiers battus, je la comprends. Moi-même, j’ai déjà ressenti ce frisson quand on s’éloigne des foules. Mais il y a une ligne fine entre l’aventure et l’imprudence.
Que peut-il s’être passé ? Les hypothèses qui circulent
Dix jours après, sans nouvelle, les scénarios les plus sombres viennent à l’esprit. Mais il faut rester prudent. Voici les pistes envisagées par les secouristes et les proches :
- Une chute dans un ravin ou une crevasse masquée par la neige
- Une désorientation totale suivie d’un épuisement fatal (hypothermie stade 3 ou 4)
- Une rencontre avec la faune locale (ours, loups – rares mais possibles)
- Une décision volontaire de continuer sans le sac pour aller plus vite (erreur fatale)
- Et, bien sûr, l’espoir qu’il ait été recueilli par quelqu’un dans un refuge isolé
La vérité, c’est que dans ces conditions, chaque heure compte. Passé 72 heures, les chances de survie diminuent drastiquement. On dépasse maintenant les 240 heures…
Ce que cette histoire nous rappelle, cruellement
Derrière le côté sensationnel – « disparu près du château de Dracula » –, il y a une leçon brutale. La montagne n’a pas besoin de vampires pour être mortelle. Elle l’est naturellement quand on la sous-estime.
Si vous prévoyez une randonnée, même courte, en hiver :
- Informez toujours quelqu’un de votre itinéraire précis et de votre heure de retour prévue
- Emportez un GPS avec balise de détresse (type Garmin inReach ou PLB)
- Vérifiez la météo plusieurs fois et sachez faire demi-tour
- Ne partez jamais seul si vous n’avez pas une expérience solide du milieu
George, lui, n’avait apparemment prévenu personne. Une erreur qui coûte peut-être la vie.
Et maintenant ?
Les recherches continuent, même si elles sont désormais réduites. La mère refuse d’abandonner. Les secouristes roumains, connus pour leur ténacité, non plus. Tant qu’il y aura une chance, même infime, ils retourneront la montagne.
Quelque part dans ces étendues blanches, un jeune homme de 18 ans attend peut-être qu’on le trouve. Ou peut-être que son histoire deviendra l’une de ces légendes modernes dont les Carpates ont le secret.
En attendant, cette disparition nous laisse tous avec un goût amer. Celui d’une aventure qui n’aurait jamais dû mal tourner. Et d’un sac à dos abandonné qui continue de hanter ceux qui l’ont découvert.
(Article mis à jour le 3 décembre 2025 – les recherches sont toujours en cours)
