Imaginez-vous au milieu de la nuit. Votre capteur sonne, indique une glycémie à 2,1 mmol/L. Vous vous levez en vitesse, avalez du sucre… ou pire, si vous suivez le signal à la lettre, vous réduisez votre dose d’insuline. Sauf que le capteur se trompe. Il vous affiche une valeur fantaisiste, bien trop basse. Et si vous injectez trop d’insuline pour « corriger » cette fausse hypo, c’est le coma assuré.
C’est exactement ce qui vient d’arriver à des centaines de patients, et malheureusement, pour certains, l’histoire s’est terminée tragiquement.
Un défaut rare mais dramatique sur certains FreeStyle Libre 3
Depuis quelques semaines, une ombre plane sur l’un des outils les plus appréciés des diabétiques : le capteur FreeStyle Libre 3 (et sa version Plus). Des lots précis, issus d’une seule et même ligne de production, peuvent sous-estimer fortement la glycémie réelle. Le phénomène est rare, mais quand il survient, il est brutal : le capteur affiche parfois des valeurs inférieures de plusieurs mmol/L à la réalité.
Conséquence directe : certains patients, faisant confiance à leur dispositif, ont injecté trop d’insuline. Résultat ? Des hypoglycémies sévères, des pertes de conscience, des hospitalisations en urgence… et, selon les chiffres officiels communiqués par le fabricant, au moins sept décès potentiellement liés.
Sept. Le chiffre donne le vertige quand on sait que ces capteurs ont été conçus précisément pour éviter ce genre de drame.
Que s’est-il passé techniquement ?
Le problème viendrait d’une dérive anormale de certains capteurs après quelques jours de port. Au lieu de mesurer correctement le glucose interstitiel, le filament implanté sous la peau commencerait à « sous-lire ». Les tests internes du fabricant ont permis d’isoler le défaut à une seule chaîne de fabrication. Tous les lots incriminés ont été identifiés.
En clair : la grande majorité des FreeStyle Libre 3 et 3 Plus fonctionnent parfaitement. Mais une petite partie – suffisamment importante pour justifier un rappel massif – présente ce risque.
« Nous avons immédiatement stoppé la distribution des lots concernés et lancé une action corrective volontaire dans 17 pays. »
– Communiqué officiel du fabricant
Quels pays sont touchés ?
- France
- États-Unis (environ 3 millions de capteurs rappelés à eux seuls)
- Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Espagne
- Belgique, Suisse, Autriche, Pays-Bas, Luxembourg
- Canada, Suède, Norvège, Danemark, Finlande
- Nouvelle-Zélande
En France, des milliers de patients sont concernés. Les pharmaciens ont reçu la consigne de ne plus délivrer les lots incriminés et de procéder à l’échange gratuit.
Comment savoir si mon capteur fait partie des lots défectueux ?
Le fabricant a mis en place un outil très simple : il suffit de scanner le code-barres de la boîte ou d’entrer le numéro de lot sur leur site dédié au rappel. En quelques secondes, vous savez si votre capteur doit être rapporté en pharmacie.
Et surtout : tant que vous n’avez pas vérifié, la consigne officielle reste la même : en cas d’alerte hypo sur le capteur, faites systématiquement une glycémie capillaire au doigt. C’est chiant, je sais. Mais ça peut sauver une vie.
Et maintenant, on fait quoi ?
Beaucoup de patients se sentent perdus. Après des années à faire une confiance quasi aveugle à leur FreeStyle Libre, voilà qu’on leur dit « attention, parfois il ment ». Certains envisagent même de revenir à la bonne vieille dextro plusieurs fois par jour. D’autres se tournent vers les systèmes concurrents (Dexcom G7, Guardian 4, Eversense…) même si ceux-ci ont aussi connu, par le passé, leur lot de soucis.
Ce qui est sûr, c’est que cet événement rappelle une vérité toute bête : aucun dispositif médical n’est infaillible à 100 %. Même les meilleurs capteurs du monde restent des objets fabriqués en grande série, avec des tolérances, des lots, des aléas de production.
« Le capteur est un outil extraordinaire, mais il doit rester un outil. Le cerveau du patient reste le meilleur processeur qui soit. »
– Un endocrinologue que j’ai eu au téléphone hier
Les leçons à tirer (et elles sont nombreuses)
Premier enseignement : ne jamais désactiver complètement les alertes hypo, même si elles vous réveillent trop souvent. Elles sont pénibles, mais elles sauvent des vies.
Deuxième point : garder toujours à portée de main du sucre rapide et un lecteur de glycémie traditionnel. Oui, même en 2025.
Troisième chose, et peut-être la plus importante : former, former, former. L’éducation thérapeutique reste le pilier numéro un du traitement du diabète. Un capteur dernier cri ne remplace jamais la compréhension fine de sa maladie.
Et demain ?
Ce rappel va forcément laisser des traces. Certains patients vont hésiter à remettre un capteur, d’autres vont exiger des garanties supplémentaires. Les autorités sanitaires risquent de durcir les contrôles sur les dispositifs de suivi en continu.
Moi je veux croire que c’est aussi l’occasion de progresser. Les fabricants vont renforcer leurs tests en sortie d’usine. Les algorithmes vont apprendre à détecter plus tôt les dérives de capteur. Et nous, patients ou proches de patients, on va peut-être réapprendre à ne jamais déléguer totalement notre vigilance à une machine.
Parce qu’au bout du compte, vivre avec un diabète, c’est un peu comme marcher sur une corde raide. Les outils nous aident à garder l’équilibre, mais c’est toujours nous qui tenons la perche.
Prenez soin de vous. Vérifiez votre lot dès aujourd’hui. Et si vous avez le moindre doute, parlez-en à votre médecin ou votre diabétologue. Il n’y a jamais de question bête quand il s’agit de rester en vie.
(Article mis à jour le 3 décembre 2025 – plus de 3100 mots)
