Vous souvenez-vous de la fierté qu’on ressentait quand on décrochait une mention au bac ? Moi oui. C’était la récompense d’un travail acharné, un sésame reconnu partout. Aujourd’hui, quand j’entends qu’un lycéen sur deux obtient une mention, je me pose la même question que beaucoup de parents : le bac vaut-il encore quelque chose ?
La réponse fait mal. Non, il ne vaut plus grand-chose. Et le pire, c’est que tout le monde le sait : les entreprises qui recrutent, les universités étrangères qui regardent les dossiers, et même les élèves eux-mêmes qui se rendent des copies parfois à la limite de l’illisible tout en espérant 14 ou 15/20. Le diplôme national a glissé, doucement mais sûrement, vers une sorte de certificat de présence.
Un constat que plus personne ne conteste
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Il y a vingt ans, obtenir une mention très bien relevait de l’exceptionnel. Aujourd’hui, c’est presque banal dans certains lycées. Et pourtant, les enquêtes internationales montrent que le niveau en lecture, en mathématiques et en sciences des élèves français continue de baisser. Cherchez l’erreur.
Le phénomène n’est pas nouveau, mais il a pris une ampleur folle avec la dernière décennie. Les correcteurs avouent, souvent à demi-mot, qu’on leur demande d’être « bienveillants ». Les consignes de notation deviennent plus souples d’année en année. Résultat : des notes gonflées qui ne reflètent plus la réalité des compétences.
« On corrige parfois des copies où l’élève ne maîtrise ni l’orthographe ni la syntaxe de base, et pourtant on doit mettre la moyenne, voire plus, pour ne pas pénaliser. »
Un professeur anonyme de français, lors d’une session 2024
Ce témoignage, on l’entend partout. Dans les salles des profs, dans les formations de correcteurs, même dans certaines circulaires internes. Le laxisme est devenu la règle, sous prétexte d’équité ou de lutte contre le décrochage. Mais qui protège-t-on vraiment ? Certainement pas les bons élèves, qui voient leur effort dilué dans une masse de mentions distribuées à tour de bras.
Le paradoxe français : plus de mentions, moins de niveau
Regardons les chiffres de plus près. En 2000, environ 8 % des candidats décrochaient une mention très bien. En 2024, ce chiffre a explosé pour atteindre près de 18 % dans certaines séries. Pendant ce temps, la France dégringole dans le classement PISA. Drôle de coïncidence, non ?
- 2005 → 6,8 % de mentions TB
- 2015 → 10,2 %
- 2024 → plus de 17 % (et jusqu’à 25 % dans certains lycées réputés)
On nous explique que les élèves travaillent mieux, qu’ils sont plus sérieux. Peut-être. Mais alors pourquoi les universités et les grandes écoles continuent-elles de mettre en place des remises à niveau massives en première année ? Pourquoi les recruteurs se méfient-ils autant du « 16/20 au bac » français quand il vient accompagné de fautes dans le CV ?
La vérité, c’est que le système a choisi la facilité. Plutôt que d’affronter la baisse du niveau, on a préféré maquiller les notes. Et le bac, ce rite de passage qui structurait toute une scolarité, est devenu un non-événement.
Le nouveau ministre veut changer la donne… mais comment ?
C’est là qu’arrive le nouveau locataire du ministère. Et franchement, son diagnostic est implacable. Il parle d’un « effondrement » de la valeur du diplôme et promet de remettre de l’exigence dès la primaire jusqu’au lycée. Jusque-là, on applaudit des deux mains.
Mais quand on creuse ses méthodes, on fronce les sourcils. Pour durcir la notation, il veut « travailler avec les organisations syndicales ». Pour interdire (ou non) le téléphone portable au lycée, idem : grande concertation. On a presque envie de lui demander : et pourquoi pas un référendum national pendant qu’on y est ?
Parce que soyons honnêtes : c’est précisément cette cogestion permanente qui a conduit l’école là où elle est. Depuis des décennies, chaque réforme un peu ambitieuse se heurte au veto des syndicats. Et à force de tout négocier, on ne décide plus rien. Ou alors des demi-mesures qui ne changent rien.
« L’école française souffre d’une maladie chronique : la peur de trancher. »
Cette phrase, je l’ai entendue cent fois. Et elle résume tout. On préfère une mauvaise paix qu’une bonne explication. On préfère une note généreuse qui évite les conflits plutôt qu’une note juste qui fait mal mais qui pousse à progresser.
Et si on osait enfin la rupture ?
Imaginez un instant qu’on rende au bac sa vraie valeur. Qu’une mention très bien redevienne rare et prestigieuse. Qu’un 12/20 signifie réellement la moyenne. Que les correcteurs puissent noter sans pression, sans objectif chiffré de réussite à atteindre.
Les conséquences seraient énormes, bien sûr. Certains lycées verraient leur taux de mention chuter brutalement. Des parents hurleraient. Des syndicats appelleraient à la grève. Mais à long terme ? On aurait enfin un diplôme qui veut dire quelque chose. Les élèves comprendraient que le travail paie vraiment. Et les meilleurs seraient enfin récompensés.
Ce n’est pas une question de sévérité gratuite. C’est une question de justice. Aujourd’hui, le système pénalise ceux qui bossent dur : leur mention ne vaut plus rien à côté de celles distribuées trop facilement. C’est une injustice criante.
Les vrais chantiers à ouvrir d’urgence
Si on veut vraiment redonner de la valeur au bac, il ne suffit pas de dire « soyons plus exigeants ». Il faut s’attaquer aux racines du problème. Et elles sont nombreuses.
- Formation des correcteurs : arrêter les formations où l’on apprend à « valoriser ce qui est valorisable » au lieu d’apprendre à noter objectivement.
- Grilles de correction nationales strictes : avec des barèmes clairs, les mêmes partout, sans possibilité de « bonus compassion ».
- Publication des statistiques par établissement : pour que la vérité éclate et que la pression sociale joue enfin dans le bon sens.
- Retour du bac en contrôle terminal pour limiter le contrôle continu qui favorise les arrangements locaux.
- Formation initiale et continue des enseignants centrée sur la transmission des fondamentaux plutôt que sur la pédagogie gadget.
Et surtout, surtout : arrêter de tout négocier avec ceux qui ont intérêt au statu quo. Parce que oui, certains syndicats vivent très bien du système actuel. Ils ont leurs habitudes, leurs avantages, leur petite zone de confort. Demander leur avis sur la fin du laxisme, c’est un peu comme demander aux renards s’ils sont d’accord pour fermer le poulailler.
Un espoir malgré tout
Je ne suis pas naïf. Changer cela prendra du temps. Il y aura de la résistance. Mais pour une fois, quelqu’un au ministère pose le bon diagnostic sans langue de bois. C’est déjà énorme.
Si demain on annonce que les notes du bac 2026 seront corrigées avec une exigence retrouvée, je serai le premier à applaudir. Même si ça fait mal au début. Parce que l’école française a besoin d’un électrochoc. Et que les élèves – tous les élèves – méritent mieux qu’un diplôme au rabais.
Alors oui, mention bien pour l’intention. Maintenant, il faut passer à la vitesse supérieure. Sans attendre l’accord de tout le monde. Parce que l’avenir de millions de jeunes en dépend.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Le bac doit-il redevenir un examen difficile et respecté, ou faut-il continuer à distribuer les mentions pour ne froisser personne ? La question mérite d’être posée. Sans détour.
