Imaginez-vous en train de siroter un café en terrasse mi-décembre, avec 20 °C au thermomètre, pendant que, à quelques kilomètres de là, les glaciers fondent à vue d’œil à 3 000 mètres. Cela ressemble à un scénario de film catastrophe ? Eh bien non, c’est la France de décembre 2025.
Je ne sais pas vous, mais moi, quand j’ai vu les prévisions la semaine dernière, j’ai cru à une erreur de modèle. Puis une deuxième source a confirmé. Puis une troisième. Et là, j’ai compris : on va vivre quelque chose d’exceptionnel, presque inquiétant par son intensité et sa durée.
Un redoux qui n’a rien d’anodin
À partir de ce dimanche, un puissant anticyclone remontant du Maghreb va littéralement aspirer une masse d’air subtropical sur toute la France. Le résultat ? Des températures qui vont grimper bien au-delà des normales de saison, et pas juste un ou deux jours.
On parle d’un épisode qui pourrait durer dix jours, quinze jours, peut-être plus. Certains scénarios le voient même tenir jusqu’à Noël. C’est du jamais-vu à cette échelle en plein cœur de l’hiver météorologique.
Des chiffres qui font tourner la tête
Dans le Sud-Ouest, on attend facilement 18 à 20 °C en plaine dès lundi et mardi prochains. À Toulouse, Bordeaux ou Pau, on pourrait flirter avec des records décennaux. Plus au nord, ce sera moins extrême, mais Paris devrait tout de même atteindre 13-15 °C en milieu de semaine, soit 8 à 10 °C au-dessus des moyennes.
Mais le plus fou, c’est en altitude. L’isotherme zéro degré (la limite où il fait 0 °C) va monter jusqu’à 3 200-3 500 mètres en milieu de semaine prochaine. Pour vous donner une idée, cela signifie qu’il fera plus chaud au sommet du Mont Blanc qu’en plaine un jour de janvier normal. Hallucinant.
- 15-20 °C attendus du Sud-Ouest à la vallée du Rhône
- 12-15 °C à Paris et dans le Nord
- 8-12 °C sur la façade est et en Bretagne
- Isotherme 0 °C autour de 3 400 m (record pour un mois de décembre)
- Pluviométrie faible : quasiment pas de précipitations pendant 10 jours
La montagne prend cher (et ce n’est pas une expression)
Les stations de ski qui avaient enfin reçu de belles quantités de neige fin novembre sont en train de vivre un cauchemar. Les domaines alpins, pyrénéens, voire vosgien ou jurassien, voient leur manteau blanc fondre à une vitesse effrayante.
À 2 000 mètres, on attend des maximales de 8 à 12 °C. À 3 000 mètres, on parle de 3 à 6 °C en journée. Autant dire que la neige fraîche va se transformer en soupe, puis disparaître purement et simplement sur les versants exposés sud.
« On n’avait pas vu une fonte aussi haute et aussi longue depuis l’hiver 2015-2016, et encore, c’était moins intense », confie un glaciologue spécialisé dans les Alpes.
Les conséquences sont multiples :
- Ouverture partielle ou reportée pour de nombreuses stations
- Risque d’avalanche de neige humide accru en début de semaine
- Glissement de terrain possible sur certains versants déstabilisés
- Perte définitive de plusieurs dizaines de centimètres d’équivalent eau
Pourquoi c’est si rare (et si préoccupant)
En temps normal, un anticyclone d’hiver apporte du froid en hiver. Là, il vient du sud-ouest et charrie de l’air chaud du Sahara et de l’Atlantique subtropical. C’est une configuration qu’on voit plutôt au printemps ou à l’automne.
Le jet-stream, cette rivière d’air rapide en altitude, est complètement déformé. Il dessine une immense boucle qui laisse la porte grande ouverte aux masses d’air chaud. Résultat : la France se retrouve coincée dans une bulle de douceur pendant que l’Europe de l’Est grelotte à -15 °C.
D’après les archives, on n’a pas connu un épisode aussi long et intense depuis l’hiver 1989-1990 dans certaines régions, et encore, les températures étaient un cran en dessous.
Et après ? Retour du froid ou prolongation ?
La grande question que tout le monde se pose. Les modèles numériques divergent encore. Certains voient un effondrement brutal de l’anticyclone vers le 15-18 décembre avec retour d’un flux d’ouest plus frais et humide. D’autres, notamment le modèle européen, maintiennent la douceur jusqu’à Noël, voire au-delà.
Ce qui est sûr, c’est que même en cas de retour à des températures plus de saison fin décembre, le déficit d’enneigement sera très difficile à combler. Il faudrait un épisode neigeux majeur à basse altitude pour rattraper le coup, et rien ne le laisse entrevoir pour l’instant.
Ce que ça nous dit sur le climat (et ce n’est pas joyeux)
Je ne vais pas vous apprends rien en disant que le réchauffement climatique favorise ce genre d’épisodes extrêmes. Ce qui est nouveau, c’est leur fréquence. On en a déjà eu plusieurs ces dernières années (février 2019, décembre 2022, janvier 2024…), mais jamais aussi précoces et durables en plein mois de décembre.
Les scientifiques parlent d’une augmentation de 30 à 50 % de la probabilité de tels événements dans le contexte actuel. Et avec +1,5 °C déjà atteint au niveau mondial, ces derniers mois, ces “coups de chaud” hivernaux risquent de devenir la nouvelle norme.
Pour les glaciers alpins, c’est une catastrophe supplémentaire. Chaque épisode de ce type accélère leur recul de plusieurs années. On comprend mieux pourquoi certains experts parlent désormais d’une disparition quasi totale des glaciers à moins de 3 500 m d’ici 2050-2060.
Que faire concrètement si vous aviez prévu les sports d’hiver ?
Soyons honnêtes : si vous avez réservé pour la semaine du 14 au 21 décembre, il y a de fortes chances que vous skiez sur… de l’herbe. Les stations haut-savoyardes ou iséroises qui culminent à plus de 2 500-3 000 m devraient sauver les meubles, mais en dessous de 2 000 m, c’est très compromis.
Mon conseil ? Gardez un œil sur les webcams et les bulletins d’enneigement toutes les 24 h. Certaines stations vont sûrement proposer des reports ou annulations sans frais. Et si vous pouvez décaler à janvier ou février, c’est peut-être le moment.
En attendant, profitez (si on peut dire) de cette douceur pour faire ce qu’on ne fait jamais en décembre : une rando en t-shirt dans les Pyrénées, un pique-nique en bord de Garonne ou une balade à vélo sans gants. Parce que oui, c’est agréable… mais ça fait aussi réfléchir.
Parce que derrière la carte postale printanière, il y a une montagne qui pleure sa neige, des glaciers qui reculent et un hiver qui, peu à peu, perd son identité.
Et vous, vous le vivez comment ce redoux complètement fou ? Dites-moi en commentaire si vous avez déjà ressorti les tongs ou si vous pleurez devant vos skis qui prennent la poussière…
