Vous savez ce bruit sourd qui vous tire du canapé un samedi soir ? Celui des moteurs qui hurlent, des pneus qui crissent, et parfois d’un coup de klaxon rageur ? En Seine-et-Marne, on commence à bien le connaître. Même quand la météo est pourrie, même quand il pleut des cordes, certains ne résistent pas à l’appel du bitume mouillé et des parkings déserts après la fermeture des magasins.
Cette fois, c’était le dernier week-end de novembre. Et franchement, on aurait pu croire que le froid allait calmer les ardeurs. Eh bien non.
Une soirée mouvementée sur deux fronts
Vers 22 heures, les premiers signalements tombent. Une cinquantaine de voitures, parfois tunées jusqu’à l’os, parfois simplement puissantes, se retrouvent sur l’immense parking du centre commercial Carré Sénart à Lieusaint. Les vidéos tournent déjà sur les réseaux, les stories s’enchaînent : on voit des drifts, des accélérations brutales, des nuages de fumée blanche qui montent dans la nuit.
Les policiers, qui connaissent désormais les spots par cœur, rappliquent rapidement. Premier round : le groupe se disperse, direction Cesson, à quelques kilomètres. Le temps que les forces de l’ordre se réorganisent, les voilà déjà de retour à Lieusaint. Là, cette fois, plus question de jouer. Les agents bloquent les accès, contrôlent, verbalisent. Bilan : 16 procès-verbaux dressés en quelques minutes. Amendes pour conduite dangereuse, défaut d’assurance, pneus lisses, pots d’échappement modifiés… la liste est longue.
Pendant ce temps, à une cinquantaine de kilomètres plus au nord, même scénario à Saint-Thibault-des-Vignes. Une quinzaine de voitures tournent sur un autre parking bien connu des amateurs. Là encore, les policiers interviennent. Et cette fois, ils ne se contentent pas de verbaliser.
Un jeune de 20 ans en garde à vue
Repéré en train d’enchaîner les drifts, un conducteur de 20 ans se fait arrêter net. Direction le commissariat, menottes aux poignets. Sa voiture ? Direct à la fourrière. Et croyez-moi, quand on connaît le prix de certaines de ces machines, ça fait mal au cœur – et surtout au portefeuille.
Le reste du groupe tente bien de se replier vers Croissy-Beaubourg, mais vers 3 heures du matin, c’est fini. Tout le monde rentre chez soi, certains avec une amende salée, d’autres avec la peur au ventre d’avoir été filmés.
« On sait très bien où ils vont se poser. Ce n’est plus une surprise, c’est presque devenu une routine le samedi soir. »
Un policier habitué des interventions
Des lieux qui reviennent sans cesse
Ce qui frappe, c’est la récurrence. Le Carré Sénart ? C’est tous les quinze jours minimum. Saint-Thibault-des-Vignes ? Pareil. Il y a deux semaines à peine, une centaine de voitures avaient déjà fait le spectacle dans le parc d’activités de la Courtillère avant de se disperser sans trop de casse.
Pourquoi toujours les mêmes endroits ? Parce qu’ils cochent toutes les cases : parkings immenses, éclairage puissant, peu de circulation après 21 heures, accès rapides aux départementales. Bref, le terrain de jeu idéal pour ceux qui veulent « s’amuser » sans trop de témoins… enfin, c’est ce qu’ils croient.
Moi, ce qui me sidère à chaque fois, c’est le mélange des profils. Il y a le jeune qui vient de récupérer le permis et qui veut frimer avec la Golf GTI héritée de son grand frère. Il y a le mécano de 30 ans qui a passé six mois à préparer sa BMW pour qu’elle hurle à 9000 tours. Et puis il y a ceux qui viennent juste pour filmer et poster sur TikTok ou Instagram. Tout ce petit monde forme une communauté éphémère, le temps d’une soirée.
Les risques, bien réels
On a beau dire que « ça reste sur le parking », les dangers sont là. Un pneu qui éclate, une perte de contrôle, un piéton qui traverse sans être vu… Ça peut très vite tourner au drame. Sans parler du bruit qui rend fous les riverains. J’ai déjà vu des vidéos où des familles avec des enfants en bas âge habitent à moins de 300 mètres et n’arrivent plus à dormir avant 4 heures du matin.
- Conduite sans permis ou permis annulé (fréquent)
- Véhicules non assurés ou non homologués
- Alcool ou stupéfiants au volant (pas systématique, mais ça arrive)
- Refus d’obtempérer lors des contrôles
- Mise en danger délibérée de la vie d’autrui
Et pourtant, malgré les amendes qui peuvent grimper à plusieurs milliers d’euros, malgré les saisies de véhicules, malgré les gardes à vue, ils reviennent. Comme une sorte de défi permanent lancé aux forces de l’ordre.
Que faire pour stopper le phénomène ?
La question que tout le monde se pose, c’est : comment arrêter ça durablement ? Les contrôles renforcés, c’est bien. Les verbalisations massives, ça calme un temps. Mais il manque clairement des solutions de fond.
Certains proposent des pistes de drift ou des circuits fermés accessibles à bas prix le week-end. En Allemagne ou en Angleterre, ça existe et ça marche plutôt bien. En France, on en est encore loin. Résultat : les parkings de centres commerciaux restent l’option la moins chère… et la plus risquée.
D’autres parlent de vidéosurveillance renforcée, de barrières automatiques qui se baissent après 21 heures, voire de plots rétractables. Des maires y pensent sérieusement. Après tout, quand on voit le coût des interventions policières chaque week-end, ça finirait peut-être par être rentable.
Et puis il y a la répression pure et dure. Depuis la loi de 2018 contre les rodéos urbains, les peines sont lourdes : jusqu’à un an de prison et 15 000 € d’amende en cas de récidive, sans parler de la confiscation possible du véhicule. Mais pour l’instant, on en est encore souvent à l’amende et à la mise en fourrière temporaire.
Un phénomène qui dépasse la Seine-et-Marne
Ne nous leurrons pas : ce qui s’est passé samedi soir n’a rien d’exceptionnel. On voit la même chose dans l’Essonne, dans le Val-d’Oise, dans les Yvelines. Partout où il y a de grands parkings et une jeunesse qui cherche à se défouler. Les réseaux sociaux amplifient le phénomène : une date est lancée sur un groupe privé, 200 personnes sont prévenues en dix minutes, et c’est parti.
Ce qui change, peut-être, c’est que les forces de l’ordre sont de plus en plus coordonnées. Les services de police échangent désormais les informations en temps réel. Un groupe qui quitte Lieusaint est immédiatement signalé à la brigade voisine. Le jeu du chat et de la souris devient de plus en plus compliqué pour les participants.
Est-ce que ça suffira à faire disparaître les rodéos ? Probablement pas. Mais à force de perdre du temps, de l’argent et parfois leur voiture, certains finiront peut-être par se lasser. Ou par trouver une autre passion, qui sait.
En attendant, les riverains continueront à guetter les gyrophares bleus dans la nuit. Et moi, je continuerai à me demander pourquoi, en 2025, on n’a toujours pas trouvé mieux que de transformer des parkings en circuits sauvages un samedi soir pluvieux de novembre.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Vous vivez près d’un de ces spots ? Vous avez déjà été réveillé par les vrombissements ? Dites-le moi en commentaire, ça m’intéresse vraiment.
