Vous souvenez-vous de votre première fois à Roissy-Charles de Gaulle ? Moi oui. J’ai atterri un soir d’hiver, fatigué, valise à la main, et j’ai passé vingt minutes à tourner en rond entre deux terminaux parce que le 2F n’était visiblement pas là où mon instinct le plaçait. Et je ne parle même pas des correspondances quand il faut changer de terminal en courant. Franchement, on s’est tous sentis un peu idiots un jour devant ces panneaux cryptiques.
Eh bien bonne nouvelle : ça va changer. Et pas qu’un peu.
Le plus grand aéroport de France veut redevenir humain
Quand on pense hub européen, on imagine souvent quelque chose d’efficace, fluide, presque magique. À Francfort, à Amsterdam ou à Munich, on suit des couleurs, des numéros simples, et hop, on arrive. À Roissy ? On déchiffre. On traduit. On demande son chemin. Parfois on pleure un peu intérieurement quand le vol est dans vingt minutes et qu’on vient de découvrir que le terminal 2G, c’est en fait un satellite accessible uniquement par navette.
Le constat est partagé depuis des années par des millions de voyageurs. Et visiblement, ceux qui dirigent l’aéroport l’ont enfin entendu.
« Les voyageurs étaient très perturbés par notre système actuel »
Le nouveau patron du gestionnaire des aéroports parisiens, en poste depuis février 2025
La phrase est simple, presque brutale. Et pourtant, elle résume tout.
Un système hérité d’une autre époque
Pour comprendre pourquoi c’est aussi compliqué aujourd’hui, il faut remonter un peu dans le temps. Charles de Gaulle a grandi par morceaux, au fil des décennies. Chaque nouveau terminal, chaque nouvelle salle d’embarquement portait une lettre supplémentaire. Le terminal 1 d’abord, rond et futuriste. Puis le terminal 2, divisé en 2A, 2B, 2C… jusqu’à 2G. Le terminal 3 ensuite, plus modeste. Et entre tout ça, des couloirs, des navettes, des trains internes.
Résultat ? Un patchwork génial sur le plan technique, mais un cauchemar pour l’orientation. Un voyageur qui arrive du Japon et doit rejoindre un vol pour Porto peut très bien passer par quatre codes différents en une heure. 2E, porte K, puis navette vers 2G… C’est du niveau expert.
J’ai même vu des gens prendre des photos des panneaux pour s’en souvenir, comme si c’était un jeu de piste.
2027 : l’année du grand ménage
Le projet est ambitieux, presque titanesque selon les termes employés. Tout va être renommé. Tout. Les terminaux garderont leurs numéros principaux – 1, 2 et 3 – mais les lettres et sous-divisions disparaissent au profit d’une logique beaucoup plus intuitive.
Concrètement, on passe à un système en trois grandes zones :
- Terminal 1 – tout ce qui est déjà dans le bâtiment circulaire historique
- Terminal 2 – l’ensemble des anciennes sous-divisions 2A à 2G réunies sous une seule bannière
- Terminal 3 – l’ancien T3, dédié aux low-cost et aux vols régionaux
À l’intérieur du Terminal 2, les anciennes salles conserveront peut-être des repères simples (genre « zone bleue », « zone verte »), mais fini les hiéroglyphes. L’idée, c’est qu’un enfant de 10 ans puisse comprendre où il va sans demander de l’aide.
Plus qu’un changement de nom : une nouvelle philosophie
Ce qui m’impressionne le plus dans cette annonce, c’est le changement de posture. Pendant des années, l’aéroport semblait presque fier de sa complexité – comme une marque de grandeur. « Regardez comme on est gros, comme on est compliqué, on est un vrai hub international. »
Aujourd’hui, le discours a basculé. On parle d’expérience voyageur, de fluidité, de bien-être. On assume que les gens sont fatigués, parfois perdus, souvent pressés. Et qu’un aéroport, aussi grand soit-il, doit d’abord être accueillant.
« Se déplacer va devenir hyperintuitif »
Cette phrase, je l’ai relue plusieurs fois. Hyperintuitif. Dans un aéroport de 80 millions de passagers par an. Si ça marche, ce sera une petite révolution.
Ce qui va vraiment changer pour vous
Imaginons que vous arriviez en 2028 (le temps que tout soit bien en place). Vous descendez de l’avion. Au lieu de voir « 2E – Portes K, L, M », vous lirez simplement « Terminal 2 – Toutes destinations Europe ». Une flèche. Une couleur. Et c’est tout.
Pour les correspondances longues, des zones de repos clairement identifiées. Pour les courtes, des cheminements prioritaires sans détour. Et surtout, la fin de cette angoisse : « Mais je suis dans le bon terminal ou pas ? »
- Moins de stress avant même d’embarquer
- Moins de correspondances ratées
- Plus de temps pour un café ou un sandwich correct (oui, on peut rêver)
- Une image enfin moderne d’un aéroport qui représente la France à l’international
Et pour les habitués parisiens ? On va devoir réapprendre. Comme quand la ligne 14 a été prolongée ou quand les numéros de quais ont changé à Gare du Nord. Un petit moment de flottement, puis le soulagement.
Et les autres aéroports dans tout ça ?
Ce qui se passe à Roissy n’est pas isolé. Partout dans le monde, les grands hubs se réinventent. Singapour avec son Jewel, Istanbul avec son aéroport gigantesque et ultra-lisible, même Heathrow qui simplifie doucement ses panneaux. La compétition est rude. Et Paris, qui a longtemps vécu sur son aura, doit maintenant jouer dans la cour des meilleurs en termes d’expérience.
Parce qu’au fond, un aéroport ce n’est pas seulement des pistes et des avions. C’est la première et la dernière image qu’un touriste emporte de notre pays. Et là, on a du retard à rattraper.
Un chantier qui ne fait que commencer
Attention, on n’y est pas encore. Les premiers changements visibles arriveront progressivement dès 2026, avec une bascule complète prévue pour mars 2027. D’ici là, des tests, des ajustements, sans doute quelques cafouillages aussi. Changer la signalétique d’un aéroport en fonctionnement, c’est un peu comme refaire la peinture d’une maison pendant que les gens y vivent encore.
Mais l’intention est là. Claire. Massive. Et pour une fois, elle va dans le bon sens.
Alors la prochaine fois que vous pestez devant un panneau 2ACDEFG à Roissy, souriez un peu. Dans quelques mois, ce cauchemar appartiendra au passé. Et on pourra enfin dire que Paris, oui, Paris aussi, sait accueillir ses visiteurs avec simplicité et élégance.
Personnellement, j’ai hâte. Vraiment.
(Article écrit en décembre 2025 – les travaux sont en cours, le futur s’annonce plus clair)
