Imaginez : vous êtes élu maire un jeudi matin et, dès le lendemain, vous devez déjà penser à votre campagne pour… rester maire. C’est exactement ce qui arrive à Alexandre Garcin à Roubaix. À peine l’écharpe tricolore posée sur les épaules, il sait que dans quatre petits mois il remettra son siège en jeu. Bienvenue dans la politique version express.
Je ne sais pas vous, mais moi, ce genre de situation me fascine. Une ville de 100 000 habitants, l’une des plus pauvres de France, qui change de capitaine en plein sprint vers les élections. C’est presque du scénario de série politique.
Un départ forcé qui fait trembler l’hôtel de ville
L’histoire commence mal pour l’ancien maire. Condamné en première instance, puis en appel, et enfin par la Cour de cassation pour escroquerie en bande organisée dans une affaire de micro-partis et de défiscalisation frauduleuse, Guillaume Delbar a épuisé tous ses recours. Deux ans d’inéligibilité, six mois avec sursis : la sentence est tombée comme un couperet.
Pendant des mois, le pourvoi en cassation avait suspendu la peine. Il était resté maire. Mais quand la plus haute juridiction a dit « non », plus d’échappatoire. Conseil municipal exceptionnel convoqué en urgence, et hop, passage de témoin.
« Je veux tourner ce mandat vers l’avenir »
Alexandre Garcin, nouveau maire de Roubaix
La phrase est belle. Elle sonne juste. Mais dans les couloirs de l’hôtel de ville, tout le monde sait que l’avenir, c’est dans 120 jours maximum.
Alexandre Garcin : l’homme de la situation… ou de la transition ?
Qui est donc ce successeur tombé presque du ciel ? Ancien adjoint à la Transition écologique, sans étiquette politique claire, Alexandre Garcin a été élu avec 37 voix contre 6 pour le candidat socialiste. Un plébiscite, en somme.
Ce qui frappe, c’est son profil technique plus que politique. Ingénieur de formation, il connaît les dossiers environnementaux de la ville sur le bout des doigts. Rénovation thermique des logements, verdissement des quartiers, mobilité douce… Des sujets cruciaux dans une agglomération où la précarité énergétique touche des milliers de foyers.
Mais être bon technicien ne fait pas forcément un bon candidat. Et là, le défi est colossal.
- Il doit gérer les affaires courantes d’une ville en grande difficulté financière
- Il doit préparer un budget 2026 dans l’urgence
- Et surtout… il doit faire campagne pour garder son poste
Autant dire que les nuits vont être courtes jusqu’en mars.
Une gauche explosée en trois (voire quatre) morceaux
À gauche, c’est Beyrouth. Ou presque.
Vous avez d’abord David Guiraud, député insoumis, qui laboure le terrain depuis plus d’un an. Son slogan ? « Roubaix mérite mieux ». Son discours ? Radical sur la justice sociale, la sécurité, le logement. Il parle cash, il parle fort, et surtout il parle tous les jours sur les réseaux. Résultat : il est déjà très implanté.
Ensuite, il y a Karim Amrouni, actuel chef de l’opposition municipale, qui tente de fédérer une gauche plus classique (PS, PCF, écologistes modérés) autour d’une liste d’union. Objectif affiché : proposer une alternative crédible et rassembleuse.
Et puis Mehdi Chalah, qui a déjà tenté sa chance lors du conseil municipal extraordinaire et qui devrait repartir avec une liste 100 % socialiste ou presque.
Résultat des courses ? Trois listes de gauche au minimum. Peut-être quatre si une partie des écologistes fait cavalier seul. Dans une ville où la droite a gagné en 2014 et 2020 grâce à la division adverse, c’est une aubaine inespérée pour… qui exactement ?
Et la droite dans tout ça ?
Guillaume Delbar, même inéligible, reste influent. Beaucoup d’adjoints et de conseillers lui restent fidèles. La question est simple : vont-ils investir Alexandre Garcin comme candidat officiel de la majorité sortante ? Ou vont-ils chercher un autre cheval ?
Parce que Garcin, sans étiquette, peut aussi décider de faire bande à part. Voire de se présenter sous une étiquette écologiste pure. Dans ce cas, la droite risque de se retrouver, elle aussi, éclatée.
Ce qui est sûr, c’est que personne ne veut revivre le scénario de 2020 où la dispersion des voix à gauche avait permis à Delbar de l’emporter dès le premier tour.
Roubaix, laboratoire de la France d’en bas
On oublie trop souvent que Roubaix n’est pas une ville comme les autres. Taux de pauvreté supérieur à 45 %, chômage des jeunes qui frôle les 50 % dans certains quartiers, espérance de vie parmi les plus basses de France… Les chiffres font mal.
Et pourtant, il y a une énergie folle. Des associations qui tiennent à bout de bras le lien social, des entrepreneurs qui croient encore au textile, des habitants qui refusent de baisser les bras.
Celui ou celle qui saura parler à cette Roubaix-là, sans démagogie mais sans langue de bois non plus, a toutes ses chances.
« Ici, les gens ne votent pas pour un parti. Ils votent pour quelqu’un qui les regarde dans les yeux et qui dit la vérité. »
Un ancien élu roubaisien qui a préféré garder l’anonymat
Les grands enjeux qui vont structurer la campagne
Alors, concrètement, de quoi va-t-on parler pendant ces quatre mois ?
- Sécurité : la ville a connu une vague de violences cet été. Les habitants veulent des actes, pas des effectifs de police municipale renforcés, des caméras ? Tout est sur la table.
- Logement indigne : des immeubles entiers sont dans un état lamentable. La rénovation urbaine patine. Qui aura le courage de s’attaquer aux marchands de sommeil ?
- Emploi et formation : comment ramener des entreprises ? Comment former les jeunes aux métiers d’avenir (numérique, transition écologique) ?
- Éducation : les collèges et lycées sont souvent classés parmi les plus difficiles du département. Le prochain maire aura-t-il une stratégie ?
- Propreté et cadre de vie : un sujet récurrent. Les Roubaisiens en ont marre des dépôts sauvages et des trottoirs défoncés.
Autant de thèmes qui reviennent dans toutes les bouches. Et qui risquent de faire basculer l’élection.
Un scrutin sous haute tension
Ce qui rend cette élection passionnante, c’est qu’elle n’est pas jouée d’avance. Contrairement à certaines grandes villes où tout est plié six mois à l’avance, à Roubaix, tout reste possible.
Une triangulaire ? Une quadrangulaire ? Un second tour à cinq listes ? Tout le monde y pense. Et tout le monde s’y prépare.
En attendant, Alexandre Garcin a quatre mois pour faire ses preuves. Quatre mois pour montrer qu’il n’est pas juste un maire par intérim. Quatre mois pour transformer l’essai.
Et nous, on va suivre ça de très près. Parce que Roubaix, en 2026, ce n’est pas qu’une élection locale. C’est un révélateur de ce que vit une partie de la France qu’on entend trop peu.
Alors, qui succédera vraiment à Guillaume Delbar en mars prochain ? Réponse dans quelques mois. Mais une chose est sûre : ça va secouer.
Et vous, vous en pensez quoi ? Vous croyez que la gauche va enfin réussir à s’unir ? Ou est-ce que la division va encore profiter à une droite recomposée ? Dites-moi tout en commentaire, j’ai hâte de lire vos analyses !
