Vous êtes-vous déjà demandé si nos routes pourraient un jour produire de l’électricité plutôt que de simplement nous porter d’un point A à un point B ? Franchement, moi, pendant longtemps, j’imaginais ça réservé aux films de science-fiction. Et puis, un matin de décembre, en lisant les projets qui se concrétisent en France, je tombe sur cette nouvelle qui m’a scotché : en Corrèze, on est en train de construire la toute première ombrière photovoltaïque géante au-dessus d’une route départementale. Pas des panneaux collés sur la chaussée (on sait tous comment ça s’est terminé ailleurs), non : un véritable toit solaire de 52 000 m² suspendu au-dessus de la route. Et ça démarre maintenant.
Une route qui produit plus qu’elle ne consomme
Ce qui rend ce projet complètement dingue, c’est son échelle. On parle de 3,4 kilomètres de route entièrement ombragés par des panneaux solaires. Quand on additionne tout, ça représente une surface équivalente à plus de sept terrains de football couverts de cellules photovoltaïques dernier cri. Et le chiffre qui fait tourner la tête : 13 000 MWh par an. Pour vous donner une idée, c’est grosso modo la consommation électrique annuelle (hors chauffage) de 10 000 habitants. Autrement dit, une petite ville entière alimentée par… une route.
Le coût ? 16,1 millions d’euros. Oui, c’est énorme. Mais quand on sait que l’installation devrait rapporter environ 1,2 million d’euros par an à la collectivité grâce à la revente et à l’autoconsommation, on commence à comprendre que l’équation financière tient la route (sans mauvais jeu de mots).
Pourquoi cette fois, ça peut marcher (et pourquoi l’ancien modèle a échoué)
On va être honnête deux minutes. En 2016, la « route solaire » normande avait fait rêver tout le monde. Un kilomètre de chaussée recouvert de dalles photovoltaïques, présenté comme la huitième merveille du monde. Résultat ? Quelques années plus tard, les dalles se décollaient, le rendement était catastrophique, le bruit infernal pour les riverains… Un fiasco retentissant qui a durablement refroidi les ardeurs.
La grande différence ici ? On ne touche plus à la chaussée. Les panneaux sont posés en hauteur, sur une structure dédiée, exactement comme on le fait déjà sur les parkings ou certains canaux. Résultat : pas d’usure prématurée, un entretien beaucoup plus simple, et surtout un rendement bien supérieur. On est sur une technologie éprouvée, pas sur un prototype expérimental.
« On profite de la construction d’une déviation pour installer l’ombrière. C’est du deux-en-un : on améliore la circulation et on produit de l’énergie propre sans artificialiser un seul mètre carré supplémentaire. »
– Un responsable du projet
Le combat réglementaire qui a tout changé
Ce qui est fascinant dans cette histoire, c’est qu’il a fallu littéralement faire évoluer la loi pour que le projet voie le jour. À l’origine, les routes n’étaient pas éligibles aux ombrières photovoltaïques. Seuls les canaux et certains parkings l’étaient. Il a fallu des mois de discussions, de lobbying intelligent et de conviction pour que la réglementation bouge.
Et devinez quoi ? La Corrèze a gagné. Le cadre a été modifié spécialement pour rendre ce type de projet possible. C’est assez rare en France pour être souligné : une collectivité locale qui parvient à faire plier l’administration pour une bonne cause. Ça redonne presque foi en la décentralisation.
Zéro artificialisation : le bonus écologique qui change tout
Dans un pays où la loi ZAN (zéro artificialisation nette) fait trembler tous les élus locaux, ce projet tombe à pic. Parce qu’en installant les panneaux au-dessus d’une route déjà existante (ou en cours de création pour la déviation), on n’emprunte pas un seul hectare de terre agricole ou naturelle en plus. C’est même l’argument numéro un brandi par le département : on produit de l’énergie renouvelable massive sans toucher aux paysages.
- Aucun terrain agricole sacrifié
- Aucune nouvelle emprise au sol
- Protection de la biodiversité préservée
- Exemplarité parfaite pour la loi ZAN
Franchement, quand on voit la guerre que se livrent certains projets solaires au sol avec les associations environnementales, cette solution apparaît presque comme la quadrature du cercle.
Un modèle reproductible sur 400 000 km de routes départementales
Et là, on touche au plus excitant. La France compte plus de 400 000 kilomètres de routes départementales. Si seulement 1 % de ces routes étaient équipées d’ombrières similaires, on parlerait d’une production électrique absolument colossale. Certains experts estiment qu’on pourrait couvrir une part significative des besoins nationaux rien qu’avec ce gisement inexploité.
Déjà, en Corrèze, deux autres déviations sont dans les cartons avec, à chaque fois, le même principe d’ombrière intégrée dès la conception. Le président du département l’a dit sans détour : il est convaincu que d’autres collectivités vont suivre. Et personnellement, je veux bien le croire. Quand un projet allie rentabilité, respect de l’environnement et acceptabilité sociale, il a toutes les chances de faire école.
Et pour les automobilistes, ça change quoi concrètement ?
Concrètement ? Vous roulerez à l’ombre en été (et ça, en pleine canicule, croyez-moi que c’est appréciable), la route sera protégée des intempéries (moins de dégradations, donc moins de travaux), et surtout, vous participerez sans même y penser à la production d’énergie propre. Un petit côté « je sauve la planète en allant faire mes courses » qui ne fait pas de mal.
Les travaux ont commencé fin 2025, la structure sera totalement posée fin janvier 2027 et la mise en service est prévue pour février 2027. Soit dans à peine plus d’un an, on pourra rouler sous le plus grand toit solaire routier de France.
Ce que ce projet nous dit de la France de 2025
Au-delà des chiffres et des aspects techniques, il y a quelque chose de profondément encourageant dans cette histoire. Dans un pays qu’on accuse souvent d’être bloqué par ses réglementations, une collectivité a su montrer qu’avec de la volonté politique, de l’ingéniosité et une bonne dose de persévérance, on peut encore faire bouger les lignes.
C’est aussi la démonstration que la transition énergétique ne passe pas forcément par des choix radicaux ou clivants. Parfois, la solution est là, juste au-dessus de nos têtes – ou plutôt au-dessus de nos routes. Et quand on arrive à combiner infrastructure utile, production d’énergie et respect du territoire, on tient peut-être la recette du succès pour les années à venir.
Alors oui, 2027 paraît encore loin. Mais quand je pense qu’on pourra bientôt traverser la Corrèze en se disant qu’on roule littéralement sous une centrale solaire géante… j’ai envie de dire que l’avenir, parfois, il suffit de lever les yeux pour le voir arriver.
Et vous, prêt à rouler sous le soleil… qui produit de l’électricité ?
