Imaginez : vous avez passé des années à repousser vos limites physiques, à vous entraîner comme une acharnée pour atteindre le sommet de votre sport, et soudain, on vous annonce que votre prochaine adversaire possède peut-être un avantage biologique que rien ne pourra jamais effacer complètement. C’est exactement ce sentiment qu’a exprimé la numéro 1 mondiale du tennis féminin il y a quelques jours. Et elle n’a pas mâché ses mots.
Dans une interview très suivie, Aryna Sabalenka a déclaré tout net qu’elle trouvait injuste que des femmes transgenres puissent participer aux compétitions du circuit professionnel féminin. Une prise de position franche, presque brutale, qui a immédiatement fait réagir. Parce que oui, le sujet est sensible. Mais il est aussi inévitable quand on parle d’équité dans le sport de haut niveau.
Quand la n°1 mondiale brise le tabou
Ce n’est pas tous les jours qu’une joueuse encore en activité, et surtout classée tout en haut de la hiérarchie, ose aborder de front la question de la transidentité dans le sport féminin. Pourtant, c’est bien ce qu’a fait la Biélorusse, quadruple vainqueur en Grand Chelem. Interrogée sur le sujet, elle a répondu sans détour :
« Je n’ai rien contre ces personnes, vraiment. Mais j’estime qu’elles conservent un avantage énorme sur les femmes qui n’ont jamais transitionné. Biologiquement, c’est différent. Et je trouve ça tout simplement injuste. »
Elle ajoute même, avec cette pointe d’émotion qu’on lui connaît sur le court : une femme travaille toute sa vie pour repousser ses limites, et d’un coup, elle se retrouve à affronter quelqu’un qui a grandi avec un corps d’homme. Pour elle, c’est un mur insurmontable. Et franchement, on comprend pourquoi ça la travaille.
Un avantage physique impossible à nier ?
Le cœur du débat, c’est bien sûr la question biologique. On peut tourner autour du pot autant qu’on veut, mais les études scientifiques sont là : la puberté masculine apporte des avantages durables. Masse musculaire plus importante, densité osseuse supérieure, capacité cardiovasculaire souvent meilleure… Même après plusieurs années de traitement hormonal, certains de ces bénéfices persistent.
Dans le tennis, sport d’explosivité et d’endurance, ces différences peuvent tout changer. Un service plus puissant, une meilleure couverture du terrain, une résistance accrue lors des échanges longs. Sabalenka, qui tape la balle à plus de 180 km/h en moyenne, sait de quoi elle parle quand elle dit qu’une joueuse ayant connu une puberté masculine part avec une longueur d’avance.
- Force musculaire conservée même après baisse de testostérone
- Structure osseuse plus large (épaules, bassin)
- Taille moyenne supérieure (avantage au service et à la volée)
- Capacité pulmonaire souvent plus développée
Et ces éléments ne disparaissent pas comme par magie avec quelques années d’hormonothérapie. C’est un fait. Pas une opinion.
Que dit vraiment le règlement WTA ?
Actuellement, le circuit féminin autorise la participation de femmes transgenres, mais sous conditions strictes. Il faut notamment prouver que son taux de testostérone est resté inférieur à 2,5 nanomoles par litre pendant au moins deux ans. Il faut aussi fournir une déclaration écrite confirmant son identité de genre féminine ou non binaire.
Sur le papier, ça paraît encadré. Dans la réalité ? Aucune joueuse transgenre n’occupe aujourd’hui le moindre rôle dans le top 100, voire le top 500. Est-ce parce que les critères sont trop stricts ? Ou parce que, même avec ces restrictions, l’avantage reste trop évident pour être compétitif au plus haut niveau sans susciter de polémique ? La question mérite d’être posée.
Renée Richards, le précédent qui hante encore
Il y a eu un cas célèbre dans l’histoire du tennis féminin. Dans les années 1970, une joueuse américaine, née homme en 1934, a transitionné et repris la compétition chez les femmes. Elle a même atteint les demi-finales d’un tournoi important et entraîné par la suite une légende du circuit.
À l’époque, le débat avait déjà fait rage. On avait parlé d’avantage injuste, de menace pour le sport féminin. Près de cinquante ans plus tard, on y est toujours. Sauf que maintenant, la science est plus précise. Et les voix qui s’élèvent sont de plus en plus nombreuses, y compris parmi les joueuses actuelles.
Martina Navratilova en première ligne depuis longtemps
Sabalenka n’est pas la première à dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. Une ancienne numéro 1 mondiale, icône du tennis et membre de la communauté LGBTQ+, s’oppose depuis des années à la participation des femmes transgenres dans les compétitions féminines. Elle a été l’une des premières à briser le silence, au prix d’insultes et d’accusations parfois violentes.
Quand on lui a demandé si elle partageait cet avis, la réponse de la n°1 actuelle a été claire : oui, elle pense que cette légende a « tout à fait raison ». Et ça, ça pèse lourd.
Et les hommes dans tout ça ?
Il y a une ironie dans ce débat. Fin décembre, Sabalenka va affronter un homme – un vrai, cette fois – lors d’un match exhibition très médiatisé à Dubaï. Une sorte de « Bataille des sexes » version 2025, face à un joueur connu pour son tempérament explosif et son service canon. Lors de la même émission, ce dernier a d’ailleurs soutenu la Biélorusse à 100 %.
Drôle de contraste : quand c’est pour le spectacle, affronter un homme est amusant. Quand c’est en compétition officielle, ça devient une question d’équité fondamentale. La frontière est mince, mais elle existe.
Inclusion ou équité : faut-il vraiment choisir ?
Voilà le nœud du problème. Personne – ou presque – ne remet en cause le droit des personnes transgenres à pratiquer le sport. Le débat n’est pas là. Il est sur la catégorie dans laquelle elles doivent concourir quand les enjeux sont professionnels, les prize money colossaux et les carrières entières en jeu.
D’un côté, il y a la volonté légitime d’inclusion. De l’autre, la réalité brutale de la biologie et du mérite sportif. Entre les deux, les instances peinent à trouver un équilibre qui satisfasse tout le monde. Et pendant ce temps, les joueuses, elles, doivent gérer la pression, les regards, et parfois la peur de parler.
Ce que dit Sabalenka, c’est finalement assez simple : elle ne veut pas que des années de sacrifices soient balayées parce que le règlement n’a pas su trancher clairement. Et quelque part, on sent que beaucoup de ses collègues pensent exactement la même chose, même si elles n’osent pas encore le dire publiquement.
Vers une séparation des catégories plus stricte ?
Certains sports ont déjà pris des décisions radicales. La natation, le cyclisme, l’athlétisme : de plus en plus de fédérations internationales créent des catégories « ouvertes » ou réservent le haut niveau féminin aux seules personnes nées femmes. Le tennis, lui, reste dans une zone grise.
Est-ce que l’interview choc de la n°1 mondiale va faire bouger les lignes ? Possible. Quand la meilleure joueuse du monde dit que quelque chose cloche, ça a tendance à faire réfléchir les décideurs. Surtout quand elle est soutenue par des légendes et par une partie grandissante de l’opinion publique.
Ce qui est sûr, c’est que le sujet ne va pas disparaître. Il va revenir, encore et encore, à chaque fois qu’une athlète transgenre approchera du haut niveau dans un sport où la physiologie joue un rôle déterminant. Et à chaque fois, la question sera la même : jusqu’où peut-on ignorer la biologie au nom de l’inclusion ?
Pour l’instant, le circuit féminin continue d’appliquer ses règles. Mais le vent tourne. Et quand la n°1 mondiale elle-même monte au créneau, ça veut dire que quelque chose est en train de changer. Peut-être pas demain. Peut-être pas l’année prochaine. Mais ça finira par arriver.
En attendant, Sabalenka continue de dominer son sport. Avec ou sans débat, elle reste la patronne. Et elle vient de prouver qu’on pouvait être au sommet… et avoir le courage de dire ce que beaucoup murmurent dans les vestiaires.
Respect.
