Vous souvenez-vous de l’époque où un gamin de seize ans faisait déjà trembler les chronos des plus grands ? Moi, franchement, je n’avais pas vu ça venir aussi vite. Et pourtant, en cette fin d’année 2025, un nom commence à circuler dans tous les bassins de France comme une traînée de poudre : Sauveur Cristofini.
À l’heure où j’écris ces lignes, ce Marseillais tout juste seizième anniversaire derrière lui s’apprête à plonger pour la première fois avec l’équipe de France A. Rien que ça. Et pas n’importe où : aux Championnats d’Europe en petit bassin, à Lublin, en Pologne. Le genre d’événement où les cadors viennent chercher des médailles et des sensations avant les gros rendez-vous en grand bassin.
Un gamin qui joue déjà dans la cour des monstres
Octobre dernier, à Taverny, lors des Championnats de France petit bassin, le gosse a tout simplement fait tomber cinq records nationaux jeunes qui appartenaient à des noms qu’on n’a pas besoin de présenter : Léon Marchand et Yannick Agnel. Deux records des moins de 16 ans, trois des moins de 17 ans. Quand on sait le niveau stratosphérique qu’ont atteint ces deux-là, on mesure l’exploit.
Et le plus fou ? Il l’a fait avec une déconcertante facilité, presque en roue libre, comme s’il découvrait seulement ce dont il était capable. Les chronos parlent d’eux-mêmes : sur 400 m nage libre, il claque un 3’39’’69 qui constitue déjà le record d’Europe junior. Le record du monde de la catégorie ? 3’37’’92, réalisé par le Sud-Africain Matthew Sates à… 18 ans et deux mois. Autant dire que Sauveur a deux années d’avance sur le phénomène qui avait lui-même marqué les esprits.
« Il a le corps parfait pour exploser dans l’eau »
– Un entraîneur national, ébahi devant les mensurations du jeune homme
1m90, des paluches de géant et une pointure 50
Parlons physique, parce que là, on touche au surréaliste. À seize ans tout juste, Sauveur mesure déjà 1m90. Ses mains ? Des pelles de déménageur. Ses pieds ? Pointure 50. Quand il se met sur les starting-blocks, il a l’air d’un adulte au milieu des juniors. Et pourtant, techniquement, il est encore un cadet première année.
Cette morphologie hors norme, c’est un avantage évident en natation moderne. Plus de longueur de bras, plus d’appui, plus de puissance dans les coulées. Mais attention : beaucoup de grands nageurs ont échoué parce qu’ils n’ont jamais su coordonner tout ça. Lui, visiblement, a déjà trouvé la recette.
- Bras immenses qui attrapent des litres d’eau à chaque cycle
- Jambes interminables qui propulsent comme des hélices
- Un torse taillé pour fendre l’eau sans résistance
- Et surtout, une souplesse de fou qui lui permet de garder une technique propre même à haute intensité
Philippe Lucas, l’homme qui façonne les monstres
Derrière chaque prodige, il y a souvent un sorcier. Pour Sauveur, c’est Philippe Lucas. Oui, le même qui a fait de Laure Manaudou une légende, le même qui a sorti Federica Pellegrini de l’ordinaire, le même qui continue, à Martigues, de transformer des jeunes en machines de guerre.
Depuis qu’il a rejoint le groupe Lucas, le gamin a pris une autre dimension. Les séances sont dantesques – on parle de 80 à 100 km par semaine, parfois plus – mais le résultat est là. Et surtout, il y a cette culture de la gagne, cette exigence absolue que Lucas inculque à tous ses athlètes.
J’ai discuté avec des gens qui gravitent autour du bassin de Martigues. Tous disent la même chose : Sauveur bosse comme un fou, ne se plaint jamais, et quand Lucas lui demande de faire une série en 110 %, il fait 112 %. Cette mentalité, à seize ans, c’est presque effrayant.
Une maturité qui fait peur
Ce qui impressionne peut-être encore plus que les chronos, c’est la tête. Le gamin parle comme un vieux briscard. Il analyse ses courses, décortique ses virages, sait exactement où il a perdu ou gagné des dixièmes. Il est capable de vous ressortir ses temps intermédiaires au centième près, sans regarder la feuille.
« Je ne suis pas là pour faire de la figuration. Si je viens en équipe de France A, c’est pour performer tout de suite. »
– Sauveur Cristofini, avec le calme d’un mec de 25 ans
Et il le pense. Vraiment. Quand il annonce qu’il vient à Lublin pour chercher le record du monde junior sur 400 m, il ne fanfaronne pas. Il l’a calculé. Il sait qu’avec un départ propre et une dernière longueur dans les clous, c’est jouable. Dès sa première course sous le maillot Bleu.
Et maintenant ? Les Euros, puis le monde
Ce mardi matin, à 10 heures précises, tous les regards seront braqués sur le couloir qu’on lui aura attribué. 400 m nage libre. La course reine. Celle où Léon Marchand a bâti sa légende. Celle où Yannick Agnel a explosé aux yeux du monde.
Derrière, il y aura aussi le 200 m, le 800 m, peut-être le 1500 m. Bref, tout ce qui est long et qui fait mal. Son terrain de jeu favori.
Et après ? 2026 sera l’année des grands bassins, des Mondiaux, peut-être déjà des premiers minimas olympiques. Car oui, on parle déjà de Los Angeles 2028. Et quand on voit la trajectoire, on se dit que ça ne relève plus de la science-fiction.
Pourquoi ce gamin nous fascine autant
Il y a quelque chose de profondément excitant à voir surgir un talent brut comme ça. Dans une natation française déjà riche – Marchand, Grousset, Wattel, Bonnet, et j’en passe – voilà qu’arrive un phénomène qui semble venir d’une autre planète.
On a tous en tête les images de Michael Phelps à 15 ans, de Ian Thorpe à 16, de Katie Ledecky à 15. Ces gamins qui débarquent et qui, dès le début, nagent comme des adultes. Sauveur Cristofini entre dans cette catégorie-là. Celle des élus.
Et le meilleur, c’est qu’il n’a pas encore tout montré. Loin de là. Son corps est encore en train de se construire. Ses muscles vont continuer à se densifier. Sa technique va encore s’affiner. Bref, on n’a vu que l’introduction.
Alors oui, ce mardi matin à Lublin, je serai devant mon écran comme un gamin. Parce que parfois, le sport nous offre ces moments où on sent qu’on est en train d’assister au début de quelque chose de grand. Très grand.
Sauveur Cristofini, 16 ans, 1m90, mains de géant et rêves encore plus grands. Retenez bien ce nom. Dans quelques années, on se dira tous qu’on l’avait vu venir.
Et franchement ? J’ai hâte.
