Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi Sciences Po fait autant parler d’elle dès qu’une cause explose dans l’actualité ? Occupations d’amphis, prises de position tranchées, débats enflammés… L’école de la rue Saint-Guillaume semble toujours au cœur de la tempête. Pourtant, quand on discute vraiment avec ceux qui y étudient, une image bien plus contrastée apparaît. Et franchement, elle mérite qu’on s’y arrête cinq minutes.
Sciences Po, l’usine à militants qui boude les partis
Il y a quelques années encore, intégrer une grande école comme celle-ci signifiait presque automatiquement une carte au PS, à l’UMP ou dans un syndicat étudiant bien structuré. Aujourd’hui ? C’est terminé. Les étudiants se mobilisent comme jamais, mais l’idée même d’une carte de parti leur donne presque des boutons.
Ce qui les fait vibrer, ce n’est plus le vieux schéma « je prends ma carte, je grimpe les échelons, je change le système de l’intérieur ». Non. Ils choisissent une cause – le climat, les droits humains, la justice sociale – et ils s’y jettent corps et âme. Ensuite, ils cherchent le job qui colle parfaitement à cette cause. ONG internationale, fondation, think tank… tout plutôt que le siège d’un parti.
Ils voient les partis comme une arène à influencer de l’extérieur plutôt qu’un tremplin personnel.
Une gauche majoritaire, mais pas monolithique
Oui, reconnaissons-le, la grande majorité penche à gauche. C’est une réalité chiffrée et assumée. Mais attention : être « de gauche » ne veut plus dire la même chose qu’il y a vingt ans. En 2002, les étudiants plébiscitaient encore massivement le candidat socialiste au premier tour. En 2022 ? Plus de la moitié se tournait vers l’extrême gauche, mais seulement un gros quart soutenait réellement le parti correspondant.
Traduction : ils votent à gauche, parfois très à gauche, mais ils refusent de s’encarter. L’engagement partisan est perçu comme ringard, trop compromettant, trop « boomer ». À la place, on préfère la liberté de pouvoir critiquer tout le monde, y compris ceux qu’on a soutenus la veille.
- Ils signent des pétitions en deux clics
- Ils occupent un amphi quand la cause est brûlante
- Mais ils gardent leurs distances avec les appareils
C’est peut-être ça, la vraie révolution silencieuse de cette génération.
Peut-on survivre à Sciences Po sans être militant ?
Absolument. Et c’est même plus facile qu’on ne le croit. Sur les 15 000 étudiants répartis sur sept campus, tout le monde ne vit pas au rythme des assemblées générales. À Paris ou à Reims, il suffit de choisir ses cercles d’amis, ses associations, parfois même ses horaires de cours pour vivre dans une bulle totalement apolitique.
Sur les petits campus en revanche – Menton, par exemple –, c’est plus compliqué. Quand tout le monde se connaît et que l’amphi est bloqué, impossible de faire l’autruche. Mais globalement ? Chacun construit sa propre expérience. Certains passent trois ans sans jamais assister à une manif. D’autres enchaînent les actions toute l’année. Les deux mondes coexistent, parfois sans même se croiser.
La radicalité ? Classique à 20 ans
On nous ressort souvent l’argument : « Ils sont devenus fous, trop radicaux, l’école va mal finir ». Sauf que… la jeunesse a toujours été radicale. Regardez les années 68-70, c’était autrement plus explosif. Aujourd’hui, les réseaux sociaux amplifient tout, donnent l’impression d’un campus en feu permanent. En réalité, la plupart des étudiants restent capables de discuter, de débattre, et surtout de changer d’avis avec le temps.
Ce qui change, c’est la polarisation générale de la société. Quand les adultes eux-mêmes peinent à dialoguer calmement, comment reprocher aux 20 ans d’être un peu tranchés ? L’aspect le plus intéressant, c’est justement de voir comment cette radicalité passagère va se transformer en convictions plus nuancées dans dix ou quinze ans.
Et les recruteurs dans tout ça ?
C’est la grande question que se posent les parents autour d’un café : « Mais avec cette image, est-ce que mon enfant trouvera du travail ? ». La réponse est claire : oui, et plutôt bien même. Quelques mécènes ont froncé les sourcils lors des épisodes les plus chauds, c’est vrai. Mais les chiffres d’insertion restent excellents.
Les cabinets de conseil, les organisations internationales, les ministères continuent de recruter massivement. Pourquoi ? Parce que les recruteurs savent faire la différence entre une poignée d’activistes très visibles et la grande majorité d’étudiants brillants, polyglottes et hyper-adaptables.
À de très rares exceptions près, aucun diplômé ne regrette son choix.
– Témoignage recueilli auprès de nombreux alumni
L’héritage Descoings toujours vivant
Depuis le décès brutal de Richard Descoings, les directeurs se succèdent à un rythme soutenu. Chaque arrivée fait trembler les murs : va-t-on tout changer ? Retour de l’écrit au concours ? Recentrage disciplinaire ? En réalité, les grandes orientations restent solides.
L’année obligatoire à l’étranger, l’ouverture internationale, la professionnalisation poussée : tout cela perdure. Les directeurs peuvent ajuster la forme, jamais le fond. Et c’est tant mieux. Car c’est précisément cette formule qui attire des milliers de candidats chaque année via Parcoursup.
Une formation qui ouvre sur le monde entier
Aujourd’hui, faire Sciences Po, ce n’est plus forcément rêver de l’ENA ou du Quai d’Orsay. C’est vouloir travailler à l’ONU, chez Greenpeace, à la Commission européenne ou dans une grande fondation américaine. Les organisations internationales et les ONG se sont multipliées et elles recrutent à tour de bras des profils exactement comme ceux formés rue Saint-Guillaume.
Et ça, c’est nouveau. Il y a vingt ans, ces débouchés n’existaient quasiment pas. La carte du monde professionnel s’est élargie, et l’école a su s’adapter sans perdre son âme.
Des cours loin d’être indoctrinants
On entend parfois que les professeurs imposeraient une pensée unique. Franchement ? C’est faux. Avec plus de 300 enseignants permanents et 4 500 vacataires venus du privé, de la haute fonction publique et de l’université, la palette idéologique est large. Bien sûr, chacun amène sa sensibilité. Mais la liberté académique reste la règle d’or.
En cours, on vous donne des outils, des méthodes, des retours d’expérience. Pas des vérités toutes faites. Et surtout, avec des centaines d’électifs possibles, chacun construit son parcours comme il l’entend. Vous voulez éviter tel professeur ou tel sujet ? C’est possible. Vous voulez creuser une thématique à fond ? Pareil.
Au final, Sciences Po reste un formidable supermarché intellectuel. On y entre avec ses convictions, on en ressort souvent avec des convictions… un peu différentes. Et c’est précisément ce qui fait la richesse de l’expérience.
Alors oui, l’école fait parfois trembler les unes des journaux. Oui, elle reste un miroir grossissant des passions de la jeunesse. Mais derrière les images choc et les titres racoleurs, il y a surtout des milliers d’étudiants qui construisent, jour après jour, leur propre vision du monde. Et ça, personne ne pourra leur reprocher.
Vous avez vécu Sciences Po de l’intérieur ou vous hésitez à candidater ? Dites-moi tout en commentaire, j’ai hâte de lire vos expériences !
