Quand un scandale éclate, il révèle parfois des vérités qu’on préférerait ignorer. Au Sénégal, une affaire de détournement de fonds liés à la lutte contre la pandémie de Covid-19 secoue le monde politique. Des anciens ministres, piliers du gouvernement de l’ex-président Macky Sall, se retrouvent aujourd’hui dans le viseur de la justice. Comment en est-on arrivé là ? L’histoire, aussi complexe qu’intrigante, met en lumière des questions brûlantes sur la gouvernance et la transparence dans la gestion des ressources publiques.
Un Scandale qui Ébranle l’Héritage de Macky Sall
Depuis que Macky Sall a quitté le pouvoir en 2024, après plus d’une décennie à la tête du Sénégal, son administration est sous le feu des projecteurs. Pas pour ses réussites, mais pour des accusations graves portées contre plusieurs de ses anciens collaborateurs. Parmi eux, des figures de premier plan, des noms qui résonnent encore dans l’arène politique sénégalaise. Ce scandale, qui touche à la gestion des fonds anti-Covid, n’est pas une simple anecdote : il questionne la confiance des citoyens envers ceux qui les dirigent.
La crise sanitaire mondiale a mis les gouvernements à rude épreuve. Au Sénégal, des milliards de francs CFA ont été mobilisés pour faire face à la pandémie. Mais où est passé cet argent ? C’est la question que se posent aujourd’hui les juges de la Haute cour de justice, une juridiction spéciale habilitée à juger les hauts responsables pour des actes commis dans l’exercice de leurs fonctions.
Des Ministres dans le Collimateur
Le premier nom à faire les gros titres est celui de Moustapha Diop, ancien ministre du Développement industriel. Accusé de détournement présumé, il a été inculpé et placé en détention par la Haute cour. Les faits reprochés ? Des dépenses colossales, s’élevant à 2,5 milliards de francs CFA (environ 3,8 millions d’euros), auraient été effectuées en liquide, une pratique qui viole les règles comptables les plus élémentaires. Ce n’est pas tout : Diop, devenu député en novembre 2024, a vu son immunité parlementaire levée à deux reprises, signe que les accusations s’accumulent.
Quand des fonds destinés à sauver des vies disparaissent, c’est toute la confiance en nos institutions qui s’effrite.
– Un observateur politique sénégalais
Mais Diop n’est pas seul dans la tourmente. Aïssatou Sophie Gladima, ancienne ministre des Mines, a également été inculpée et écrouée pour des faits similaires. Les accusations portées contre elle pointent des irrégularités dans la gestion des ressources allouées à la lutte contre la Covid-19. Ces deux cas, loin d’être isolés, font partie d’une vague plus large : cinq anciens ministres du gouvernement Sall ont été renvoyés devant la Haute cour par l’Assemblée nationale le 8 mai 2025.
Une Justice qui Ne Lâche Rien
Ce qui frappe dans cette affaire, c’est la rapidité avec laquelle la justice sénégalaise agit. La Haute cour, institution rarement sous les feux de la rampe, joue ici un rôle clé. Créée pour juger les crimes commis par les plus hauts responsables, elle ne plaisante pas. En quelques jours, plusieurs figures politiques ont vu leur sort basculer :
- Salimata Diop, ex-ministre de la Femme, inculpée pour complicité de détournement, mais libérée sous caution.
- Ismaïla Madior Fall, ancien ministre de la Justice, accusé de tentative de corruption et assigné à résidence avec un bracelet électronique.
- Amadou Mansour Faye, ex-ministre et beau-frère de Macky Sall, attendu devant la cour le 26 mai pour répondre de ses actes.
Cette série d’inculpations donne l’impression d’un véritable coup de balai. Mais est-ce vraiment le cas ? Pour certains, il s’agit d’un effort sincère pour assainir la vie politique. Pour d’autres, c’est une chasse aux sorcières visant à discréditer l’ancien régime. Une chose est sûre : l’opinion publique est divisée, et les réseaux sociaux sénégalais s’enflamment.
Les Fonds Anti-Covid : Une Gestion Opaque ?
Revenons un instant sur le cœur du problème : les fonds anti-Covid. Pendant la pandémie, le Sénégal, comme beaucoup de pays, a dû mobiliser des ressources considérables pour acheter du matériel médical, soutenir les entreprises en difficulté et aider les populations vulnérables. Mais la gestion de ces fonds, souvent alloués dans l’urgence, a ouvert la porte à des abus. Les accusations contre les ex-ministres mettent en lumière une réalité troublante : une partie de cet argent n’aurait pas atteint sa destination.
Prenez le cas de Moustapha Diop. Les 2,5 milliards de francs CFA dépensés en liquide soulèvent des questions. Pourquoi privilégier des transactions en cash, si ce n’est pour brouiller les pistes ? Selon des experts en comptabilité publique, ce type de pratique est non seulement inhabituel, mais aussi difficile à justifier. Les règles sont claires : chaque dépense doit être traçable, documentée, vérifiable. Alors, que s’est-il passé ?
| Ministre | Accusation | Statut |
| Moustapha Diop | Détournement de fonds | Écroué |
| Aïssatou Sophie Gladima | Détournement de fonds | Écrouée |
| Salimata Diop | Complicité de détournement | Libérée sous caution |
| Ismaïla Madior Fall | Tentative de corruption | Assigné à résidence |
| Amadou Mansour Faye | En attente d’audience | Comparution le 26 mai |
Ce tableau, aussi froid que les faits qu’il résume, montre l’ampleur de l’affaire. Chaque ligne représente une carrière brisée, une réputation entachée, mais aussi une question : comment des responsables de si haut rang ont-ils pu se retrouver dans une telle situation ?
Un Contexte Politique Explosif
Pour comprendre ce scandale, il faut plonger dans le contexte politique sénégalais. Macky Sall, président de 2012 à 2024, a laissé un héritage contrasté. Si certains saluent ses efforts pour moderniser le pays, d’autres pointent du doigt une gestion marquée par le népotisme et l’opacité. L’implication d’Amadou Mansour Faye, beau-frère de l’ex-président, dans cette affaire ne fait qu’alimenter les critiques. Est-ce un hasard si un membre de la famille est visé ? Pas sûr, murmurent certains observateurs.
Le Sénégal mérite une gouvernance transparente. Ces affaires ne sont que la partie visible de l’iceberg.
– Un analyste politique local
Ce scandale intervient à un moment où le Sénégal cherche à tourner la page de l’ère Sall. Le nouveau gouvernement, porté par des promesses de transparence et de lutte contre la corruption, se trouve face à un défi de taille : prouver qu’il peut faire mieux. Mais la tâche n’est pas simple. Les enquêtes en cours risquent de raviver des tensions politiques, surtout si d’autres noms viennent s’ajouter à la liste des accusés.
Et Maintenant, Quelle Suite ?
À l’heure où j’écris ces lignes, l’affaire est loin d’être close. La comparution d’Amadou Mansour Faye, prévue pour le 26 mai, pourrait apporter de nouvelles révélations. Et qui sait combien d’autres dossiers dorment encore dans les tiroirs de la Haute cour ? Ce scandale, aussi choquant soit-il, pourrait être une opportunité pour le Sénégal de renforcer ses institutions et de montrer que personne n’est au-dessus des lois.
Pourtant, une question persiste : jusqu’où ira cette vague de poursuites ? Si la justice continue sur sa lancée, d’autres figures politiques pourraient être éclaboussées. Mais il faudra aussi veiller à ce que ces enquêtes ne se transforment pas en règlements de comptes politiques. L’équilibre est fragile, et l’avenir de la crédibilité institutionnelle sénégalaise en dépend.
- Poursuite des enquêtes : La Haute cour continuera-t-elle à frapper fort ?
- Impact politique : Ce scandale affaiblira-t-il durablement l’héritage de Macky Sall ?
- Réforme de la gouvernance : Le Sénégal saisira-t-il cette chance pour assainir ses finances publiques ?
En attendant, les Sénégalais suivent l’affaire avec une attention mêlée d’espoir et de méfiance. Car au-delà des gros titres, ce scandale touche à une question essentielle : comment garantir que l’argent public serve vraiment l’intérêt général ? Une réponse claire à cette question pourrait changer la donne, non seulement au Sénégal, mais dans bien d’autres pays confrontés à des défis similaires.
Ce scandale, aussi sombre soit-il, est peut-être une lueur d’espoir. Si la justice parvient à faire toute la lumière sur ces malversations, elle enverra un message fort : personne, pas même un ministre, n’échappe à la loi. Mais pour l’instant, l’histoire continue de s’écrire, et le Sénégal retient son souffle.
