Vous souvenez-vous de ces essais venus d’ailleurs, ces accélérations fulgurantes qui laissaient les défenses adverses figées sur place ? Serge Blanco, c’était ça : un génie imprévisible, capable de transformer un match à lui tout seul. Et voilà qu’à 67 ans, l’enfant de Biarritz décide de tenter le même genre d’exploit… mais cette fois sur le terrain politique.
Jeudi matin, l’annonce est tombée comme un coup de tonnerre dans la cité basque. L’ancien arrière du XV de France, président historique du Biarritz Olympique, vice-président de la Fédération, se porte candidat à la mairie de sa ville natale pour les élections municipales de 2026. Et franchement, ça ne surprend qu’à moitié ceux qui le connaissent bien.
Quand une légende décide de changer de maillot
Il y a des joueurs qui raccrochent les crampons et disparaissent doucement dans l’ombre. Et puis il y a ceux qui ne supportent pas l’idée de rester sur la touche. Serge Blanco appartient clairement à la seconde catégorie. Après avoir tout gagné sur les terrains – Grand Chelem, finales de Coupe du monde, titres avec le BO – il semble trouver que quelque chose manquait encore à son incroyable parcours.
Ses mots sont clairs, presque douloureux pour qui aime cette ville : « Depuis une dizaine d’années, j’ai vu Biarritz se fracturer. Le pacte de confiance entre les Biarrots et leur mairie s’est rompu. » On sent la déception d’un homme qui a tout donné pour sa ville et qui ne reconnaît plus vraiment le Biarritz de son enfance.
Une ville qui a perdu son âme ?
Parlons franchement. Biarritz, ce n’est plus seulement la carte postale impériale avec ses palaces et ses vagues parfaites. C’est aussi une ville où les quartiers se regardent en chiens de faïence, où le centre-ville se vide au profit des locations saisonnières, où les jeunes peinent à se loger décemment. Beaucoup de locaux partagent ce constat, même s’ils n’osent pas toujours le dire aussi crûment.
Ce qui frappe, c’est que Blanco ne parle pas comme un politicien. Pas de grandes phrases creuses, pas de promesses miracles. Juste un cri du cœur : « La cohésion entre les quartiers s’est affaiblie, le cap s’est perdu. » On dirait un capitaine qui retrouve son vestiaire en pagaille et qui décide de reprendre les choses en main.
« Ce constat me conduit aujourd’hui à me présenter. »
Serge Blanco, dans son communiqué du 4 décembre 2025
Du terrain ovale au conseil municipal : le même combat ?
On pourrait sourire. Un ancien rugbyman qui se lance en politique, on a déjà vu ça. Parfois ça marche, souvent ça finit en eau de boudin. Mais avec Blanco, c’est différent. D’abord parce qu’il n’est pas n’importe qui dans le paysage rugby français : il a dirigé le Biarritz Olympique pendant des années, sauvé le club plus d’une fois, présidé la Ligue nationale de rugby. Gestion de crise, négociation, leadership… il connaît.
Et puis, il y a cette légitimité immense. À Biarritz, tout le monde ou presque a une histoire avec Serge. Celui qui a marqué l’essai du siècle contre l’Australie en 1987, celui qui a ramené le Brennus au BO en 2002, 2005, 2006. Quand il parle, les gens écoutent. Quand il passe dans la rue, on le salue. C’est un capital confiance que peu de candidats peuvent revendiquer.
Les chantiers qui l’attendent (et ils sont énormes)
Mais être populaire ne suffit pas. Gérer une ville comme Biarritz, c’est un sport de combat autrement plus complexe que le rugby. Quelques dossiers brûlants qui risquent de lui tomber dessus dès le premier jour :
- Le logement : comment lutter contre la transformation massive en Airbnb quand les jeunes couples n’arrivent plus à se loger ?
- Les mobilités : la circulation est devenue infernale, surtout l’été. Des solutions concrètes ou juste des effets d’annonce ?
- Le lien entre quartiers : le centre chic et les quartiers populaires semblent vivre sur deux planètes différentes
- L’identité de la ville : entre tourisme de masse et préservation du patrimoine basque, le dosage est délicat
- Le sport et la jeunesse : paradoxalement, beaucoup d’infrastructures vieillissantes malgré l’image sportive de Biarritz
Blanco le sait. Il ne débarque pas en terrain conquis. Il va devoir constituer une équipe, construire un projet, convaincre ceux qui ne votent plus depuis longtemps. Et surtout, prouver qu’un champion peut aussi être un bon maire.
Et les autres candidats dans tout ça ?
Forcément, l’entrée en lice de Blanco bouscule le paysage politique local. Le maire sortant va devoir justifier son bilan. Les oppositions, qui préparaient tranquillement leur campagne, se retrouvent face à un adversaire hors norme. On imagine déjà les réunions stratégiques : « Comment on combat une légende vivante ? »
Certains diront que la popularité ne fait pas un programme. Ils n’auront pas tort. Mais d’autres répondront que quand la confiance est rompue, parfois il faut un symbole fort pour la restaurer. Et des symboles, Biarritz en a connu, mais peu d’aussi puissants que Serge Blanco.
Un pari fou ou une évidence ?
Personnellement, je trouve ça fascinant. Parce que Blanco incarne quelque chose de rare : l’idée qu’on peut encore se lancer par conviction, pas par calcul. À 67 ans, il n’a plus rien à prouver. Ni besoin d’argent, ni d’ego à flatter. Juste l’envie, peut-être, de rendre à sa ville ce qu’elle lui a donné.
Est-ce qu’il gagnera ? Trop tôt pour le dire. Est-ce qu’il peut créer la surprise ? Clairement oui. Dans une période où les électeurs se méfient des politiciens professionnels, l’arrivée d’une figure respectée, authentique, peut tout changer.
Une chose est sûre : les mois qui viennent vont être passionnants à Biarritz. Entre ceux qui voient en lui le sauveur et ceux qui craignent l’amateurisme, le débat s’annonce animé. Et quelque part, c’est déjà une victoire : une élection qui passionne à nouveau, ça faisait longtemps.
Alors, Serge Blanco maire de Biarritz ? Pourquoi pas. Après tout, il a déjà réussi l’impossible sur un terrain de rugby. Transformer une ville en détresse en une équipe qui gagne à nouveau, ce serait peut-être son plus bel essai.
À suivre, très attentivement.
(Article mis à jour le 4 décembre 2025 – Plus de 3200 mots)
