Imaginez la scène : l’hémicycle de l’Assemblée nationale, ses bancs en demi-cercle, le brouhaha habituel… et puis une chaise désespérément vide. Celle réservée aux représentants d’un des géants mondiaux de la mode jetable. Ce mardi 2 décembre 2025, Shein brillait par son absence. Et ça ne passe pas du tout.
Je vous avoue que quand j’ai appris la nouvelle, j’ai d’abord cru à une blague. Une entreprise qui pèse des milliards, qui inonde les feed Instagram de millions d’ados, qui livre en dix jours des tops à 3,99 €… et qui refuse tout simplement de venir s’expliquer devant les élus de la nation ? Franchement, il fallait oser.
Un bras de fer qui sent la poudre
Sandrine Le Feur, présidente de la commission du développement durable, n’a pas mâché ses mots. L’élue a annoncé qu’elle saisissait dès ce soir la procureure de la République. Motif ? Outrage à l’Assemblée, ni plus ni moins. En droit français, ignorer une convocation officielle d’une commission d’enquête parlementaire, c’est pas juste malpoli. C’est potentiellement pénal.
Et là, vous vous dites peut-être : « Mais pourquoi tant de haine contre une marque de vêtements pas chers ? » La réponse est simple : Shein, c’est devenu le symbole parfait de tout ce qui ne va pas dans l’ultra fast-fashion.
Des pratiques qui font grincer des dents depuis longtemps
Reprenons depuis le début. Shein, c’est 6 000 nouveaux modèles par jour. Oui, par jour. Pour vous donner une idée, Zara c’est environ 40 000 références par an. Shein, c’est ça… mais en une semaine. Résultat : une montagne de vêtements produits à la va-vite, souvent dans des conditions plus que douteuses.
Des enquêtes ont montré des semaines de 75 heures dans certaines usines partenaires. Des enfants de 14 ans retrouvés à coudre. Des cotons du Xinjiang, région où la question du travail forcé ouïghour reste explosive. Et puis il y a les substances chimiques : plomb, phtalates, perturbateurs endocriniens détectés dans des vêtements pour enfants. Sympa le petit pyjama licorne à 7 euros, non ?
« Quand une entreprise vend des produits interdits en France et refuse de venir s’en expliquer, on n’est plus dans le commerce, on est dans l’irresponsabilité totale. »
Une députée membre de la commission, en aparté
Le coup du report « stratégique »
La semaine dernière, Shein avait déjà tenté le coup du report. Argument massue : « Attendez, on a une audience vendredi au tribunal de Paris, l’État veut nous suspendre, c’est pas le moment. » Traduction : on préfère jouer la montre plutôt que d’affronter les questions qui dérangent.
Car oui, l’État français a effectivement demandé la suspension pure et simple du site en raison de la vente de produits dangereux ou interdits. On parle de jouets, de cosmétiques, de vêtements avec des taux de substances toxiques hors normes. Rien que ça.
- Des baskets pour enfants avec 400 fois la dose autorisée de phtalates
- Des bijoux contenant du cadmium et du plomb en quantités folles
- Des vêtements qui libèrent des colorants azoïques cancérigènes au lavage
- Des jouets magnétiques qui peuvent perforer l’estomac s’ils sont avalés
Et pendant ce temps-là, l’algorithme continue de pousser les « bons plans » sur TikTok. C’est ça qui rend dingue les députés.
Pourquoi Shein pense pouvoir se permettre ça
La vérité, c’est que Shein n’a presque pas de structure en France. Quelques bureaux à Paris, mais l’entreprise est basée à Singapour, les serveurs en Chine, les usines un peu partout en Asie. Juridiquement, c’est un vrai casse-tête pour les contraindre.
Leur modèle ? Importer des colis de moins de 150 € pour éviter la TVA et les droits de douane (jusqu’à récemment). Résultat : un tee-shirt vendu 4 € arrive en France pour un coût réel de… 40 centimes en taxes. Pendant ce temps, une marque française qui joue le jeu paie 20 % de TVA + charges + normes environnementales. Vous voyez le déséquilibre ?
D’ailleurs, depuis que l’Europe a fermé la faille des 150 €, Shein hurle au protectionnisme. Mais quand on vend des produits dangereux, on va pas vraiment jouer la victime, si ?
L’impact environnemental qui donne le vertige
On parle souvent prix, mais rarement planète. Pourtant, l’ultra fast-fashion, c’est une catastrophe écologique. Shein, c’est principalement du polyester issu du pétrole. Chaque vêtement = 15 à 20 litres d’eau (contre 2 700 pour un jean classique, déjà énorme). Et comme les vêtements sont portés 7 à 10 fois maximum avant la poubelle… bonjour les microplastiques.
Une étude récente estimait que si Shein était un pays, il serait dans le top 20 des émetteurs de CO₂ liés au transport. Rien que le fret aérien pour livrer vos colis en 10 jours partout dans le monde, c’est délirant.
Et maintenant, on fait quoi ?
La plainte déposée par la députée, c’est un signal fort. Mais soyons honnêtes : est-ce que ça va vraiment faire trembler le géant ? Probablement pas tout de suite. Par contre, ça participe à un mouvement de fond.
En Europe, les textes se durcissent : éco-score obligatoire dès 2026, interdiction de détruire les invendus, responsabilité élargie des plateformes. La France pousse même pour une taxe sur l’ultra fast-fashion (l’idée d’un « malus Shein » à 5 € par colis circule sérieusement).
Et puis il y a nous, les consommateurs. Parce que oui, on peut toujours pointer du doigt les politiques, mais quand on commande 15 articles pour 40 € « juste pour essayer »… on fait partie du problème.
« Le jour où les jeunes filles arrêteront de commander 30 vêtements Shein par mois pour faire des haul TikTok, l’entreprise s’effondrera plus vite que n’importe quelle loi. »
Un expert du secteur, avec un brin de cynisme
Je ne jette la pierre à personne. J’ai moi-même déjà craqué sur une robe à 12 € qui ressemblait comme deux gouttes d’eau à une pièce de créateur. Sauf que maintenant, quand je vois la chaise vide à l’Assemblée, je me dis qu’on est peut-être à un tournant.
Un tournant où acheter moins cher ne veut plus dire acheter n’importe comment.
Un tournant où une entreprise, même chinoise, même intouchable en apparence, devra peut-être rendre des comptes devant une démocratie.
Et franchement ? J’ai hâte de voir la suite. Parce que cette chaise vide, elle en dit long. Beaucoup plus long que tous les communiqués lisses que Shein nous sortira dans les prochains jours.
À suivre. Très attentivement.
