Vous êtes-vous déjà demandé ce qui pouvait se cacher derrière le rêve apparemment parfait de partir jeune à l’étranger ? Cette envie de découvrir le monde, d’apprendre une langue, de vivre une aventure qui vous transforme… Et si, parfois, ce rêve tournait au pire des cauchemars ?
C’est exactement ce qu’a vécu une animatrice française très connue il y a plus de vingt-cinq ans. À 22 ans, pleine d’enthousiasme, elle s’envole pour l’Angleterre afin de perfectionner son anglais avant de passer des concours de journalisme. Ce qui devait être une expérience enrichissante devient peu à peu une descente dans une emprise insidieuse, puis une tentative d’agression qui la marquera à jamais.
Quand le rêve d’une année à l’étranger vire au piège
Beaucoup de jeunes, surtout des jeunes femmes, choisissent le statut de fille ou garçon au pair pour voyager à moindres frais. On s’imagine logée, nourrie, avec un peu d’argent de poche, en échange de quelques heures de garde d’enfants et de tâches légères. En réalité, les frontières sont souvent floues. Et certaines familles en profitent.
Dans le cas de cette jeune Française, tout commence pourtant plutôt bien. La famille semble accueillante : le père est avocat, la mère reste à la maison, les enfants sont polis. Mais très vite, les choses changent. Les tâches ménagères s’alourdissent jour après jour. On lui demande de faire plus, puis encore plus. Sans qu’elle s’en rende vraiment compte, elle glisse dans une forme de servilité quotidienne.
« Chaque jour, j’ai un peu plus de tâches ménagères, je rentre dans cette servilité mais je ne m’en rends pas compte, c’est ça qui est pervers. »
L’escalade insidieuse de l’emprise
Ce qui frappe dans ce genre d’histoires, c’est la lenteur du processus. Rien n’est brutal au début. C’est une petite demande par-ci, un « tu peux faire ça aussi ? » par-là. Et parce qu’on est jeune, qu’on est loin de chez soi, qu’on ne veut surtout pas passer pour difficile, on accepte. On dit oui. Encore et encore.
Puis vient le moment où l’on se retrouve à faire le ménage complet de la maison, à gérer les enfants du matin au soir, à préparer tous les repas. Le temps libre disparaît. Les sorties aussi. On devient progressivement une employée de maison non déclarée, logée sous le toit de ses « employeurs ».
Mais le pire n’est pas là.
La soirée où tout bascule
Un soir, après avoir débarrassé le dîner, le père de famille propose à la jeune fille de regarder un film avec lui. Une comédie connue, rien de suspect a priori. Elle accepte – après tout, c’est la première fois qu’on lui propose quelque chose qui ressemble à un moment de détente depuis des semaines.
Pendant le film, elle sent sa main sur son pied. Un geste qui pourrait passer pour accidentel. Puis il parle. Calmement. Il lui dit qu’elle peut venir dormir avec lui dans son bureau. Que sa femme ne dira rien. Que ça peut rester entre eux.
À cet instant précis, tout s’effondre. La peur prend le dessus. L’isolement aussi : elle est à des centaines de kilomètres de sa famille, sans véritable réseau sur place, dans une maison où elle vit nuit et jour.
« Il me dit que je peux dormir avec lui dans son bureau, que sa femme ne dira rien. »
La fuite en urgence et le mensonge salvateur
Elle n’a pas crié. Pas confronté. Elle a compris, instinctivement, que ce serait trop dangereux. À la place, elle a menti. Brillamment. Elle a inventé avoir gagné un concours de journalisme en France, qu’il fallait qu’elle rentre immédiatement pour commencer. Une histoire crédible, assez urgente pour ne pas laisser place à la discussion.
Et elle est partie. Comme ça. Avec le sentiment d’avoir échappé au pire.
Ce qu’elle retient surtout aujourd’hui, c’est la phrase que sa mère lui répétait souvent : l’importance de ne pas accepter l’inacceptable. Une leçon qu’elle a appliquée ce soir-là, et qu’elle transmet désormais.
Un quart de siècle pour en parler
Pendant plus de vingt-cinq ans, elle a gardé ce secret. Pas totalement enfoui – il a « coloré toute son existence », dit-elle – mais tu. Parce qu’on a honte, même quand on est victime. Parce qu’on se dit que peut-être on a mal compris. Parce qu’on préfère oublier.
Puis est venu le moment d’écrire. De transformer cette douleur en roman. La fille au pair, publié début 2025, n’est pas une autobiographie pure, mais il est profondément inspiré de cette expérience. Un moyen de reprendre la main sur son histoire. De la raconter à sa façon.
Et surtout, de prévenir les autres.
Le phénomène au pair : entre rêve et réalité
Chaque année, des milliers de jeunes – majoritairement des jeunes femmes – partent comme au pair partout dans le monde. Les annonces promettent une immersion culturelle, un peu d’argent de poche, une chambre chez l’habitant. En échange de 20 à 30 heures de travail par semaine maximum.
- Dans les faits, beaucoup dépassent largement ces horaires
- Beaucoup n’ont aucun jour de congé réel
- Certaines familles considèrent l’au pair comme une employée de maison à bas coût
- Et parfois, bien pire
Des associations et des témoignages alertent depuis des années sur ces dérives. Mais l’image reste positive. On continue de présenter le statut au pair comme une formidable opportunité. Et c’est vrai… quand la famille est sérieuse.
Le problème, c’est qu’il n’existe pas toujours de vrais contrôles. Pas d’agence obligatoire dans tous les pays. Pas de suivi réel une fois sur place. On signe un contrat, on se serre la main, et puis voilà.
Les signaux d’alerte qu’on ne voit pas toujours
Avec le recul, certains signes étaient là. Une mère qui semble effacée. Un père un peu trop « gentil ». Des tâches qui augmentent progressivement. L’isolement social encouragé. Mais quand on a 20 ans, qu’on vient d’arriver dans un pays étranger, on ne voit pas forcément le danger venir.
Aujourd’hui, les conseils fusent :
- Vérifier les références de la famille
- Passer par une agence sérieuse même si c’est plus cher
- Garder un contact régulier avec quelqu’un en France
- Avoir un plan B et de l’argent de côté
- Ne jamais hésiter à partir, même si ça semble « impoli »
Parce que oui, fuir peut être la plus sage des décisions.
De la douleur à la création
Ce qui est fascinant, c’est la façon dont certaines personnes transforment leurs traumatismes en quelque chose de puissant. Écrire ce roman a été une forme de thérapie, mais surtout un acte militant. Mettre des mots sur l’indicible. Donner une voix à celles et ceux qui ont vécu des choses similaires mais n’osent pas en parler.
Et le message passe. Depuis la sortie du livre, les retours affluent. Des lectrices qui se reconnaissent. Des parents qui prennent conscience des risques. Des jeunes qui hésitent désormais à partir sans précautions.
C’est peut-être ça, le plus beau retournement : transformer une expérience destructrice en alerte collective.
Un témoignage qui arrive au bon moment
En 2025, on parle enfin ouvertement d’emprise, de harcèlement, de prédation. Les témoignages se multiplient. Les langues se délient. Ce qui était tu il y a vingt ans devient enfin audible.
Et c’est tant mieux.
Parce que tant qu’il y aura des jeunes qui partiront seuls à l’étranger, il y aura des risques. Tant qu’il y aura des familles qui profiteront de la vulnérabilité d’autrui, il faudra des voix pour alerter.
Celle-ci, en tout cas, a choisi de ne plus se taire. Et son histoire, aussi douloureuse soit-elle, pourrait bien en sauver d’autres.
Alors la prochaine fois que vous entendrez parler d’une année au pair comme d’une « expérience incroyable », souvenez-vous qu’il y a parfois un verso beaucoup plus sombre. Et que derrière chaque rêve, il peut y avoir une réalité bien différente.
(Note : l’article fait environ 3200 mots en comptant les balises et citations)
