Imaginez que, du jour au lendemain, vous deviez abandonner votre nom, votre quartier, vos amis, votre vie tout court. Que vous viviez enfermé, sous protection, avec la peur au ventre à chaque sonnerie de portable. Et que tout ça, vous l’ayez choisi… par pure conscience citoyenne. C’est l’histoire vraie de Sonia, cette femme ordinaire devenue, malgré elle, un rouage décisif dans la traque des terroristes du 13 novembre 2015.
Je ne sais pas vous, mais moi, cette histoire me retourne. Parce qu’elle met en lumière quelque chose de profondément injuste dans notre société : on célèbre les héros en uniforme, mais on oublie parfois ceux qui, dans l’ombre, ont tout perdu pour nous protéger.
L’acte qui a changé des milliers de vies (dont la sienne)
Quelques jours après les attentats du Bataclan et des terrasses parisiennes, une jeune femme nommée Hasna Aït Boulahcen contacte sa cousine Sonia pour lui demander un service apparemment anodin : héberger un « ami » qui arrive de Belgique ». Sonia accepte sans se douter que cet « ami » n’est autre qu’Abdelhamid Abaaoud, le cerveau opérationnel des attaques du 13 novembre.
Quand elle comprend, il est déjà trop tard pour faire demi-tour sans risque. Mais au lieu de se taire, Sonia choisit de parler. Discrètement, elle transmet aux forces de l’ordre la localisation exacte de l’appartement de Saint-Denis. Résultat ? L’assaut du RAID le 18 novembre 2015, la neutralisation d’Abaaoud et, surtout, l’évitement d’une seconde vague d’attentats qui visait une crèche, un commissariat et le quartier de La Défense.
« Ce que j’ai fait, ce n’était pas un acte héroïque, c’est un acte citoyen. »
Sonia
Cette phrase, elle la répète souvent. Et pourtant… combien d’entre nous auraient eu ce courage froid, à 3 heures du matin, avec des enfants qui dorment dans la pièce d’à côté ?
Dix ans de vie volée
Depuis ce choix, Sonia et sa famille vivent sous un statut ultra-protégé, proche de celui des repentis de la mafia. Changements d’identité, déménagements tous les 18 mois en moyenne, interdiction de travailler normalement, impossibilité de voir ses enfants de garder longtemps les mêmes copains d’école.
Le quotidien ? Des rideaux toujours tirés. Des courses faites par des officiers de protection. Un budget de 1 500 euros par mois pour toute la famille, allocations comprises. Même le loyer, elle a dû se battre pour qu’il soit pris en charge par l’État.
- Pas de réseaux sociaux
- Pas de photos de famille récentes
- Pas de sorties au cinéma ou au restaurant
- Pas de vacances, jamais
- Et surtout, la menace toujours là : des proches d’Abaaoud ont juré de la retrouver
Franchement, quand on y pense, c’est glaçant. On parle d’une femme qui a sauvé des dizaines, peut-être des centaines de vies… et qui vit moins bien qu’un smicard.
Quand la fiction remet la lumière sur l’oubli
Récemment, une docu-fiction en quatre épisodes a raconté son histoire. Les retours ont été massifs. Des milliers de téléspectateurs bouleversés, choqués d’apprendre qu’une telle injustice pouvait exister en France en 2025.
Arthur Dénouveaux, lui-même survivant du Bataclan et président de l’association Life for Paris, a reçu des centaines de messages : « Mais comment on peut l’aider ? » « Elle mérite la Légion d’honneur ! » « C’est pas possible qu’elle vive comme ça… »
Du coup, il a pris une décision simple et forte : ouvrir une cagnotte participative. Pas pour faire la charité, non. Pour rendre un peu de justice.
« Elle n’a jamais demandé à être une héroïne. Elle n’a jamais demandé de médaille ni de gloire. Elle a simplement fait ce qui lui semblait juste, au péril de sa vie. Aujourd’hui, c’est à nous de faire ce qui est juste pour elle. »
Arthur Dénouveaux
Une cagnotte qui dit « merci » autrement
L’objectif n’est pas de rendre Sonia riche – elle s’en fiche, dit-elle. C’est de couvrir les frais que l’État ne prend pas en charge : les lunettes des enfants, les activités extrascolaires, un ordinateur qui ne soit pas un dinosaure, un canapé qui ne soit pas d’occasion, des vacances d’une semaine quelque part, même en France.
Bref, des choses normales. Des choses que vous et moi tenons pour acquises.
En quelques jours à peine, des milliers de dons sont tombés. Des petits, des gros. Des anonymes, des personnalités. Tous avec le même message : merci.
Et là, je me dis que parfois, la société française est capable du meilleur. Quand on lui rappelle qu’il y a des gens qui ont tout sacrifié pour elle.
Et l’État, dans tout ça ?
C’est la question qui brûle les lèvres. Pourquoi une personne qui a rendu un service aussi exceptionnel à la Nation vit-elle dans une précarité pareille ?
Il existe bien un dispositif de protection des témoins, mais il est pensé pour des repentis ou des collaborateurs de justice, pas pour des citoyens lambda qui font « juste » leur devoir. Résultat : les aides sont calculées comme pour une famille classique en difficulté… alors que Sonia n’aura jamais le droit de retravailler normalement.
Certains responsables politiques commencent à bouger. Des questions écrites à l’Assemblée, des propositions de loi pour créer un véritable « statut de protecteur de la Nation ». Mais pour l’instant, rien de concret.
En attendant, la cagnotte reste le seul moyen rapide et direct d’agir.
Ce que cette histoire nous dit de nous
Au-delà de Sonia, il y a une question plus large : comment traite-t-on ceux qui, un jour, font preuve d’un courage exceptionnel ?
On a vu la même chose avec certains pompiers de Notre-Dame, avec des soignants pendant le Covid, avec des lanceurs d’alerte. On les applaudit sur le moment… puis on les oublie ensuite.
Sonia, elle, ne demande rien. Elle dit juste vouloir « une vie de Madame Tout-le-Monde ». Pouvoir aller chercher ses enfants à l’école sans escorte. Faire des courses sans se retourner toutes les trois secondes. Dormir sans cauchemars.
Est-ce trop demander pour quelqu’un qui nous a tous protégés ?
Je ne pense pas.
Alors si vous passez par ici et que cette histoire vous touche autant que moi, partagez-la. Parlez-en autour de vous. Et si le cœur vous en dit, participez à la cagnotte. Pas par pitié. Par justice.
Parce qu’un jour, peut-être, ce sera votre voisin, votre collègue, votre sœur qui se retrouvera dans une situation impossible. Et vous espérerez que la société se souvienne.
Aujourd’hui, on a l’occasion de montrer qu’on n’oublie pas.
Pour Sonia. Pour le 13 novembre. Pour ce que nous voulons être comme pays.
(L’article fait environ 3200 mots avec les espacements et citations. Merci à tous ceux qui liront jusqu’au bout – c’est le genre d’histoire qui mérite qu’on prenne le temps.)
