Je me souviens encore du jour où j’ai ouvert, un peu par hasard, le premier tome de L’Accro du shopping. J’étais dans le train, il pleuvait des cordes, et en quelques pages j’éclatais déjà de rire devant les catastrophes financières de Becky Bloomwood. Comme des millions de lectrices, j’étais accro. Ce matin, en apprenant la nouvelle, j’ai eu le cœur serré : Sophie Kinsella n’est plus là.
À 55 ans à peine, l’autrice britannique s’est éteinte des suites d’un cancer du cerveau particulièrement agressif. Une maladie qu’elle combattait en silence depuis plusieurs années et dont elle avait parlé avec une dignité bouleversante. Elle qui nous faisait rire aux éclats avec les frasques de son héroïne nous laisse aujourd’hui une immense sensation de vide.
Une plume qui a changé la littérature feel-good
Avant d’être Sophie Kinsella, elle s’appelait Madeleine Wickham. Une jeune femme brillante, diplômée d’Oxford, qui signait déjà des romans sous son vrai nom. Mais c’est en 2000, avec Confessions d’une accro du shopping (titre original : The Secret Dreamworld of a Shopaholic), qu’elle a tout fait basculer. Le pseudonymes Sophie Kinsella naît presque par jeu, pour distinguer cette nouvelle voix : plus légère, plus drôle, plus libre.
Et quel succès. Le livre devient instantanément un phénomène. Traduit dans plus de quarante langues, il s’écoule à des millions d’exemplaires. Becky Bloomwood, journaliste financière incapable de gérer son propre compte en banque, parle à tout le monde. Ou presque. Parce qu’au fond, qui n’a jamais craqué pour une paire de chaussures hors de prix en se jurant « c’est un investissement » ?
Une série qui a traversé les époques
Neuf tomes plus tard, la saga continue de séduire. On a suivi Becky à New York, à Hollywood, en lune de miel, enceinte, mère de famille… Elle grandit avec nous. Et c’est peut-être ça le génie de Sophie Kinsella : transformer une héroïne apparemment frivole en personnage profondément humain.
- L’Accro du shopping à Manhattan – le rêve américain qui tourne à la catastrophe hilarante
- L’Accro du shopping dit oui – le mariage le plus chaotique de l’histoire de la chick-lit
- L’Accro du shopping a une sœur – l’arrivée de Jess, l’opposée parfaite de Becky
- Mini-accro du shopping – quand Becky devient maman (et que tout part en vrille, évidemment)
Chaque tome est une bouffée d’oxygène. On rit, on s’identifie, on se moque gentiment de soi-même. Et surtout, on referme le livre avec le sourire.
Plus qu’une simple comédie : une vraie réflexion sur la consommation
Derrière l’humour, il y a quelque chose de plus profond. Becky est une addict. Une vraie. Elle ment, elle triche, elle se met dans des situations impossibles à cause du shopping. Certains critiques ont reproché à la série de faire l’apologie de la surconsommation. Je ne suis pas d’accord. Au contraire : en poussant le vice à l’extrême, Sophie Kinsella nous tend un miroir. Et on rit jaune, parfois.
« Je crois que beaucoup de femmes se reconnaissent dans Becky, même si elles ne l’avouent pas toujours. Le shopping, c’est une façon de se sentir vivante, spéciale. »
Sophie Kinsella, dans une interview de 2019
Cette phrase résonne particulièrement aujourd’hui.
D’autres pépites hors Becky Bloomwood
Si Becky reste son personnage le plus célèbre, Sophie Kinsella a écrit bien d’autres merveilles. Des romans standalone qui valent largement le détour :
- Can You Keep a Secret ? (Sais-tu garder un secret ?) – probablement mon préféré, une comédie romantique parfaite
- Remember Me ? (Souvenez-vous de moi) – une amnésique qui découvre sa vie d’avant… et n’est pas sûre d’aimer ce qu’elle voit
- Twenties Girl – une grand-tante fantôme des années 20 qui hante sa petite-nièce : hilarant et touchant
- My Not So Perfect Life – sur les illusions des réseaux sociaux, tellement actuel
Chaque fois, la même recette magique : une héroïne imparfaite, des situations absurdes, beaucoup d’humour british et une bonne dose de cœur.
L’adaptation cinéma : un succès en demi-teinte
En 2009 sort Confessions of a Shopaholic avec Isla Fisher dans le rôle de Becky. Le film est coloré, rythmé, divertissant. Mais soyons honnêtes : il manque un peu l’âme des livres. Les fans ont été partagés. Personnellement, j’ai trouvé Isla Fisher parfaite en Becky, mais l’adaptation mélange les deux premiers tomes et perd en finesse.
Cela n’a pas empêché le film de cartonner et d’introduire toute une nouvelle génération à l’univers de Sophie Kinsella.
Un combat courageux contre la maladie
En 2020, on diagnostique à Sophie Kinsella un glioblastome, une forme particulièrement agressive de cancer du cerveau. Elle choisit d’abord le silence. Puis, en 2024, elle décide d’en parler publiquement. Pas pour se plaindre. Juste pour dire merci.
« Je me considère incroyablement chanceuse. J’ai une famille merveilleuse, des amis formidables, et j’ai eu la carrière dont je rêvais. »
Elle continue d’écrire pendant ses traitements. Elle poste des messages pleins d’humour sur ses réseaux. Elle reste Sophie jusqu’au bout : lumineuse, positive, reconnaissante.
Ses derniers mots, publiés par sa famille ce matin, sont déchirants de beauté :
« Elle est partie en paix, entourée d’amour, de musique, de chaleur humaine, de Noël et de joie. »
On imagine mal une plus belle sortie pour celle qui nous a tant fait rire.
Un héritage immense
Plus de 50 millions de livres vendus. 60 pays. Des générations de lectrices qui se sont reconnues dans ses héroïnes maladroites mais attachantes. Sophie Kinsella a littéralement inventé un genre : la chick-lit moderne, drôle, intelligente, sans jamais être méprisante.
Elle a prouvé qu’on pouvait écrire des comédies légères sans être superficielle. Que les histoires de filles, de mode, d’amour et d’amitié méritaient toute leur place en littérature.
Aujourd’hui, des milliers de messages affluent sur les réseaux. Des lectrices racontent comment ses livres les ont aidées à traverser des moments difficiles. Comment Becky leur a appris à rire d’elles-mêmes. Comment Sophie leur a donné envie d’écrire à leur tour.
Elle n’est plus là, mais ses livres, eux, continueront de nous faire sourire. Dans le métro, dans un canapé sous un plaid, en vacances ou en attendant chez le médecin. Becky Bloomwood va continuer ses folles emplettes encore longtemps.
Merci Sophie. Merci pour les rires, pour les larmes, pour toutes ces heures de bonheur en papier.
Repose en paix, reine du shopping et des cœurs.
Et vous, quel est votre tome préféré de la saga ? Quel personnage de Sophie Kinsella vous a le plus marqué ? Dites-le moi en commentaire, j’ai envie de lire vos souvenirs.
