Franchement, il y a des semaines où l’on se demande si les distributeurs se sont donné le mot pour nous rendre dingue. Ce mercredi 3 décembre, on passe du choc brûlant d’un cinéaste qui divise à une comédie qui part en vrille, en passant par un petit bijou de délicatesse qui vous colle les larmes aux yeux sans prévenir. J’ai passé le week-end à enchaîner les avant-premières et, croyez-moi, on n’est pas prêts.
Le programme de la semaine : entre brûlure et tendresse
Chaque sortie hebdomadaire est un petit événement, mais celle-ci a un goût particulier. Huit ans d’attente pour certains, révélation totale pour d’autres. Allons-y sans détour.
Mektoub my Love : Canto Due – Le retour du volcan Kechiche
Huit ans. Huit longues années que l’on attendait la suite – ou plutôt la fin – de cette fresque sensuelle commencée en 2017. Le réalisateur a toujours eu le don de mettre tout le monde d’accord… pour mieux le diviser ensuite. Cette fois, il boucle (peut-être) sa trilogie estivale avec une œuvre qui fait déjà beaucoup parler avant même sa sortie officielle.
Ce qui frappe d’abord, c’est la durée : près de trois heures quarante. Oui, vous avez bien lu. Mais curieusement, le temps passe différemment. On est aspiré dans cette torpeur méditerranéenne où les corps dansent, se frôlent, s’attirent comme des aimants. Les scènes de boîte de nuit, interminables pour certains, hypnotiques pour d’autres, sont filmées avec une liberté presque animale.
« On ne regarde pas un film de Kechiche, on le vit dans sa chair. »
Les actrices et acteurs, souvent non professionnels à l’époque du premier volet, ont grandi avec le projet. On les retrouve transformés, parfois méconnaissables. Il y a quelque chose de bouleversant à les voir évoluer ainsi, comme si le cinéma avait capturé le temps qui passe. Le réalisateur, lui, n’a rien perdu de sa rage de filmer les désirs, les non-dits, les corps en sueur. C’est parfois trop, souvent trop long, mais toujours sincère.
Attention tout de même : certaines séquences sont d’une crudité qui peut mettre mal à l’aise. Ce n’est pas un film pour tout le monde, et c’est précisément pour ça qu’il existe. Si vous aviez aimé (ou détesté) le premier, celui-ci va vous hanter pendant des jours.
Les Enfants vont bien – La claque douce de l’année
À seulement 26 ans, Nathan Ambrosioni signe déjà son cinquième long-métrage. Et quel film. Camille Cottin y incarne Jeanne, une femme qui se retrouve du jour au lendemain à devoir gérer les deux enfants de sa sœur disparue. Rien que l’idée fait mal au ventre, non ?
Ce qui pourrait être un énième drame larmoyant devient ici une merveille d’équilibre. Le jeune réalisateur parvient à filmer le chaos intérieur sans jamais tomber dans le pathos facile. Les enfants ne sont pas des faire-valoir mignons, ils sont bruyants, pénibles, vivants. Et Jeanne, magnifique Camille Cottin, passe par toutes les émotions possibles sans jamais en faire trop.
- Des dialogues qui sonnent terriblement juste
- Une caméra qui sait se faire discrète quand il faut
- Des silences qui en disent plus que bien des discours li>Une fin qui vous laisse KO debout
J’ai rarement vu un film français traiter aussi finement la question du deuil et de la parentalité imposée. C’est le genre de long-métrage qui reste collé à la peau longtemps après la séance. Courez-y, vraiment.
Gérald le conquérant – Fabrice Éboué lâche les chevaux
Après le succès phénoménal de son précédent film, Fabrice Éboué revient avec une comédie historique complètement décomplexée. Imaginez un employé de banque lambda qui se retrouve propulsé au Moyen Âge suite à un accident improbable. Vous avez déjà la moitié des gags en tête ? Attendez de voir le reste.
L’humour est gras, parfois potache, souvent hilarant. Éboué se moque joyeusement des clichés sur l’époque médiévale tout en glissant quelques réflexions bien senties sur notre société actuelle. C’est con, c’est bête, et pourtant ça marche terriblement bien.
Les seconds rôles sont formidables, les situations s’enchaînent à un rythme dingue, et on ressort de la salle avec les zygomatiques en feu. Parfait pour décompresser après une semaine compliquée.
Le documentaire sur l’icône éternelle
Et puis il y a ce documentaire qui arrive pile au moment où on en avait besoin. Une plongée fascinante dans la vie d’une femme qui a révolutionné les codes de la féminité tout en restant prisonnière de son image. Les archives sont incroyables, les témoignages rares, et la réalisation élégante.
Ce qui frappe, c’est à quel point elle était en avance sur son temps. Sur l’écologie, sur la condition animale, sur la liberté d’être soi. Le film ne cherche pas à faire son procès ni à la sanctifier, il propose simplement un regard neuf sur une légende qu’on croyait tout connaître.
« Elle n’appartenait à personne, et pourtant elle était à tout le monde. »
Les autres pépites de la semaine
Parce qu’il n’y a pas que les gros calibres dans la vie, quelques films plus confidentiels méritent le détour :
- Un animation venue d’Asie qui mélange poésie et science-fiction avec une maîtrise folle
- Un thriller islandais glacial qui vous tiendra en haleine jusqu’à la dernière seconde
- Une comédie romantique british qui fait du bien au moral sans jamais être niaise
Et puis il y a cette reprise en version restaurée d’un classique des années 70 qui risque de créer la surprise. Les cinéphiles vont se ruer dessus, et ils auront bien raison.
Alors, on va voir quoi ce mercredi ?
Question difficile. Si vous avez l’âme aventureuse et trois heures quarante devant vous, foncez sur le Kechiche – mais préparez-vous à en ressortir secoué. Si vous préférez les émotions fortes mais maîtrisées, Les Enfants vont bien est une évidence. Et si vous avez juste besoin de rire un bon coup, Gérald le conquérant fera parfaitement l’affaire.
Personnellement ? J’ai déjà réservé ma place pour le film de Nathan Ambrosioni. Parce qu’on n’a pas tous les jours l’occasion de voir une œuvre aussi juste sur des sujets aussi douloureux. Mais je sais déjà que je retournerai voir les autres dans la semaine. C’est ça aussi, le cinéma : cette envie insatiable de tout voir, tout vivre, tout ressentir.
Alors, vous, vous commencez par lequel ?
Peu importe votre choix, une chose est sûre : cette semaine, les salles obscures vont vibrer. Et quelque part, c’est exactement ce dont on avait besoin en ce début d’hiver.
