Franchement, il y a des idées qui paraissent géniales à 2 heures du matin lors d’une réunion de crise municipale… et qui, à la lumière du jour, font grincer des dents jusqu’à Modène. Mettre une patinoire autour de la statue toute neuve d’un des plus grands ténors du XXe siècle ? Sérieusement ? C’est pourtant ce qui vient d’arriver dans une jolie ville italienne, et la veuve du maestro n’a pas du tout apprécié le clin d’œil.
On imagine la scène : la place illuminée, les enfants qui rient, les haut-parleurs qui diffusent Jingle Bells… et au milieu, lui. Luciano Pavarotti, figé pour l’éternité dans son geste signature, bras ouverts comme s’il allait entonner Nessun Dorma, encerclé par des patineurs qui, selon le maire, étaient même invités à lui « taper dans la main ». Avouez que ça fait bizarre.
Quand l’hommage devient attraction foraine
L’histoire commence pourtant avec les meilleures intentions du monde. L’an dernier, la ville avait inauguré une statue grandeur nature du grand Luciano. Lieu symbolique : une place centrale, juste devant le théâtre Rossini, là où le ténor avait une maison et où il aimait flâner. Smoking impeccable, mouchoir blanc (indispensable accessoire pavarottien), posture théâtrale : tout y était pour rendre hommage à l’enfant du pays adopté.
Puis arrive Noël 2025. L’équipe municipale cherche l’idée qui va faire briller la ville sur Instagram. Quelqu’un lève la main : « Et si on faisait une patinoire sur la place ? Ça attire les familles ! » Un autre renchérit : « Et on laisse la statue au milieu, ça fait repère visuel ! » Applaudissements, bravo, on valide. Personne, apparemment, n’a pensé à demander son avis à la famille.
« Je regrette que la ville ait laissé faire une chose pareille, car cela nuit à l’image de Luciano et au respect qu’il mérite. C’est tout simplement inadmissible. »
Nicoletta Mantovani, veuve du ténor
Une indignation légitime ou exagérée ?
Nicoletta Mantovani, 56 ans, seconde épouse et mère de la petite Alice, n’a pas mâché ses mots. Déçue, en colère, bouleversée : elle a tout dit. Et on la comprend. Quand on perd l’amour de sa vie, on a parfois l’impression de devenir le gardien de sa mémoire. Voir cette mémoire transformée en poteau central de patinoire, ça fait mal.
Moi, personnellement, j’ai un faible pour les hommages qui respirent la dignité. Une statue dans un parc calme, un banc où s’asseoir pour écouter ses airs préférés au casque, une plaque discrète… Ça me parle plus qu’un manège de Noël. Mais je reconnais que les villes doivent vivre aussi. Le défi, c’est de trouver le juste milieu entre animation populaire et respect.
Le rétropédalage express de la mairie
Très vite, les réseaux sociaux s’enflamment. Les Italiens, qui n’ont pas la langue dans leur poche quand il s’agit de culture, crient au sacrilège. Le téléphone sonne chez le maire. On sort le communiqué : « Aucune intention de manquer de respect », « on pensait faire sourire », « déplacer la statue coûterait trop cher »… Classique.
En vingt-quatre heures, l’affaire fait le tour du pays. On parle même d’erreur de communication plus que d’erreur tout court. Résultat ? La patinoire reste, la statue aussi, mais on promet dorénavant que personne ne touchera le bronze. Un peu comme dire : « On garde le gâteau sur la table, mais on ne mange plus la cerise dessus ». Bof.
Pavarotti, plus grand que la polémique
Remettons les choses en perspective. Luciano Pavarotti, c’était une voix qui faisait vibrer les stades entiers. Un homme qui a popularisé l’opéra comme personne. Un gars simple, gourmand, généreux, qui chantait O Sole Mio dans les mariages de ses amis mécaniciens. Transformer sa statue en élément de décor festif, c’est peut-être maladroit, mais ça ne diminue en rien ce qu’il a été.
- Il a vendu plus de 100 millions de disques.
- Il a rempli Wembley 14 fois de suite.
- Il a fait pleurer des footballeurs brésiliens avec Nessun Dorma en 1990.
- Il a créé une fondation qui forme encore des jeunes chanteurs.
Une patinoire, même mal placée, ne peut pas effacer ça.
Le débat de fond : jusqu’où peut-on « animer » un hommage ?
Ce qui est fascinant, c’est que cette histoire minuscule révèle une question énorme : comment une ville honore-t-elle ses grands hommes dans l’espace public ? Faut-il des lieux figés, presque religieux ? Ou peut-on accepter que la vie continue autour, avec ses rires, ses glissades et ses guirlandes lumineuses ?
En Italie, on a déjà vu pire : des statues de poètes transformées en portiques à selfies, des fontaines baroques devenues piscines pour touristes. À Paris, on a bien mis une pyramide de verre devant le Louvre… Personne n’a crié au scandale éternel.
Mais il y a une différence : l’accord de la famille. Quand celle-ci dit stop, il faut savoir écouter. Point final.
Et si on imaginait d’autres solutions ?
Franchement, il y avait mille façons de faire cohabiter fête et recueillement :
- Mettre la patinoire à 50 mètres, sur la place d’à côté.
- Installer un cercle de protection lumineux autour de la statue, genre aura sacrée.
- Diffuser les airs de Pavarotti sur la patinoire le soir à 20h, histoire que les patineurs tournoient sur Caruso.
- Organiser un vrai concert hommage gratuit une fois par an sur cette même place.
Des idées, il y en a. Il suffisait de demander à ceux qui l’ont aimé plus que tout.
Conclusion : le mouchoir blanc reste le symbole
Au final, cette polémique passera. La glace fondra au printemps, les guirlandes seront rangées, et la statue restera là, bras ouverts, prête à accueillir ceux qui viendront se recueillir ou simplement sourire en pensant à la voix qui a fait trembler le monde.
Quant à Nicoletta Mantovani, elle continuera à veiller sur l’héritage de son géant. Parce que l’amour, le vrai, ne glisse pas sur la glace : il reste debout, solide comme une statue de bronze, mouchoir blanc à la main.
Et nous, on continuera à écouter Nessun Dorma en se disant que, finalement, aucune patinoire au monde n’arrivera jamais à faire taire cette voix-là.
