Il est 16 h un lundi de décembre à Bruxelles et, dans un petit bar des Marolles, on sert déjà des pastis à côté des pintes de bière belge. Théo, maillot de l’OM sur le dos, discute avec Flupke, supporter de l’Union. Ils sont meilleurs potes depuis l’enfance, pourtant ce soir ils seront dans des tribunes opposées. C’est ça, l’OM : même quand tu es à 900 km de Marseille, tu trouves toujours un frère… ou un cousin de virage.
Cette scène, je l’ai vécue mille fois sous différentes latitudes. Madrid, Lisbonne, Glasgow, et maintenant Bruxelles. Peu importe la destination, il y a toujours cette même énergie. Celle d’un peuple qui voyage, qui chante, qui transforme n’importe quel stade en succursale du Vélodrome. Et franchement, en tant que suiveur du foot français depuis quinze ans, je peux vous le dire : aucun autre club en France n’a cette capacité à déplacer autant de monde, tout le temps, partout.
L’OM, ce n’est pas un club, c’est un mode de vie itinérant
Prenez la rencontre de ce mardi soir contre l’Union Saint-Gilloise. Officiellement, le club belge n’a alloué que quelques centaines de places aux visiteurs. Pourtant, on parle déjà de plus de 1 200 Marseillais qui seront présents dans le stade ou autour. Comment c’est possible ? Tout simplement parce que les supporters olympiens ont développé, au fil des décennies, un réseau impressionnant de fan-clubs délocalisés et une culture du déplacement qui fait partie de leur ADN.
Les fan-clubs, véritables ambassades de l’OM à l’étranger
À Bruxelles, l’OM Fan Club local existe depuis des années. Ilias, son président, me confiait récemment qu’ils sont une petite centaine d’irréductibles. Certains ont fait le déplacement Lille-Union du week-end précédent juste pour enchaîner avec le match de Ligue des Champions. « On paye le prix fort, parfois 300-350 € le billet sur le marché parallèle, mais on assume », explique-t-il avec le sourire. Parce que pour eux, voir l’OM en Europe, ça n’a pas de prix.
« La Belgique et l’OM, c’est une vieille histoire d’amour. Goethals, Gerets… on a des légendes communes. »
Un supporter bruxellois croisé dans le quartier des Marolles
Et Bruxelles n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Il existe des sections officielles ou informelles à Liège (« Les Fadas Liégeois de l’OM » seront 150 ce soir), à Mons, à Charleroi, mais aussi en Suisse, en Espagne, au Portugal… Partout où il y a une communauté francophone un peu importante, il y a des fans de l’OM prêts à tout pour voir leur équipe.
Le centre de la France, terre de mission olympienne
Plus près de nous, dans le centre de la France, c’est la section OM Centre qui fait office de référence. Vincent, surnommé « Bras Cass’ », organise depuis des années des cars complets depuis Orléans. Pour le déplacement belge, deux minibus partiront avec nourriture et boissons à volonté (mais sans excès, précise-t-il). Le package ? 140 € tout compris : trajet, place, restauration. Imbattable.
Ce qui frappe, c’est la régularité. Cette saison, ils ont déjà fait le Real Madrid et le Sporting Portugal. Et ils seront là à Bruges en janvier. « On a nos 30 abonnements au Vélodrome, mais le vrai kiff, c’est le déplacement », confie Vincent. Et il a raison. Gagner à Auxerre ou à Guingamp avec 500 Marseillais dans le parcage, c’est parfois plus fort émotionnellement que de battre le PSG devant 67 000 personnes à domicile.
« L’essence d’un supporter, c’est partout et tout le temps. »
Vincent, responsable OM Centre
Une organisation rodée qui fait envie à toute l’Europe
Comment font-ils pour avoir des places alors que les allocations visiteurs sont minuscules en Ligue des Champions ? Mystère et réseaux. Certains ont des contacts dans les groupes officiels marseillais, d’autres passent par le marché secondaire, d’autres encore profitent des ventes libres quand elles existent. Tout un écosystème parallèle s’est créé autour de cette passion.
- Repérage des ventes libres dès l’ouverture
- Échange de bons plans entre fan-clubs
- Achats groupés pour contourner les restrictions
- Partenariats informels avec des supporters locaux
- Et parfois… un peu de système D à la marseillaise
Résultat ? Même dans les stades les plus hostiles, l’OM arrive à faire du bruit. Souvenez-vous du parcage à Madrid contre le Real : 600 officiels, mais près de 2 000 Marseillais disséminés dans tout le Bernabéu. À Lisbonne contre le Sporting, même chose. Cette capacité à « coloniser » un stade adverse est unique en France et rare en Europe.
Pourquoi cette passion du déplacement est-elle si forte à Marseille ?
Il y a d’abord l’histoire. Marseille a toujours été une ville portuaire, ouverte sur le monde, avec une diaspora importante. Les supporters ont pris l’habitude de voyager dès les années 80-90, époque où l’OM dominait l’Europe. Cette culture s’est transmise de génération en génération.
Ensuite, il y a le Vélodrome lui-même. Quand tu as la chance d’avoir l’un des meilleurs publics d’Europe à domicile, tu veux recréer cette ambiance partout. Et puis soyons honnêtes : à Marseille, on aime le folklore du déplacement. L’arrivée en convoi dans une ville étrangère, les chants dans les rues, la bière (ou le pastis) avec les locaux… tout ça fait partie du rituel.
Enfin, il y a cette phrase que j’entends depuis vingt ans dans les parcages : « On n’est plus forts à l’extérieur qu’à domicile dans les gros matches européens. Et les chiffres tendent à le prouver. L’OM a souvent réalisé ses meilleures performances européennes loin de ses bases, porté par ce 12e homme itinérant.
Et demain ? Cette culture peut-elle perdurer ?
Avec la nouvelle formule de la Ligue des Champions et ses matches uniques, les déplacements vont devenir encore plus compliqués à organiser. Les prix flambent, les restrictions s’accumulent, et les jeunes générations ont parfois d’autres priorités. Pourtant, quand je vois le nombre de gamins de 20 ans qui étaient à Madrid ou qui seront à Bruxelles ce soir, je me dis que la flamme est loin de s’éteindre.
Parce qu’au fond, supporter l’OM, ce n’est pas seulement aller au stade le dimanche soir. C’est faire 1 500 km en voiture pour un match de coupe d’Europe un mardi. C’est dormir dans un hôtel Formule 1 pour payer son billet. C’est chanter sous la pluie à Glasgow ou à Francfort. C’est cette folie douce qui fait que, où que tu ailles en Europe, tu finis toujours par croiser un maillot blanc et ciel.
Ce soir, dans le stade de l’Union Saint-Gilloise, il y aura donc des Provençaux, des Belges, des gars du Centre, peut-être même quelques Suisses ou Luxembourgeois. Tous réunis par la même passion. Et quand le speaker annoncera le coup d’envoi, ils chanteront tous le même hymne.
Parce que l’OM, ce n’est pas qu’un club.
C’est un peuple qui voyage.
Et toi, lecteur, tu as déjà vécu un déplacement européen avec l’OM ? Raconte-nous ton meilleur souvenir en commentaire. Parce que ces histoires-là, elles méritent d’être partagées.
