Imaginez un instant : un jeune cavalier syrien, tenant les rênes de son cheval, s’élance dans une arène près de Damas. Il ne rêve plus seulement de participer, mais de gagner. Ce scénario, impensable il y a encore quelques mois, est aujourd’hui une réalité. L’équitation, autrefois un sport verrouillé par le clan Assad, s’ouvre enfin à tous. À quoi ressemble cette nouvelle ère pour les cavaliers syriens ? Plongeons dans une histoire où les barrières tombent, où les rêves prennent vie, et où un sport jadis élitiste devient un symbole d’espoir.
Une Révolution dans les Arènes Syriennes
En Syrie, l’équitation n’a jamais été un sport comme les autres. Pendant des décennies, il était synonyme de pouvoir, de prestige et, surtout, de contrôle. Le clan Assad, qui a dominé le pays jusqu’à la chute de Bachar al-Assad en décembre 2024, avait fait de ce sport un bastion de son influence. Les compétitions étaient truquées, les résultats connus d’avance, et les cavaliers indépendants n’avaient aucune chance face aux pur-sang importés d’Europe réservés à l’élite. Aujourd’hui, tout change. Les arènes s’ouvrent, et une nouvelle génération de cavaliers ose rêver grand.
Un Sport Sous l’Ombre des Assad
Pendant des années, l’équitation en Syrie a porté l’empreinte de Bassel al-Assad, fils aîné de l’ancien président Hafez al-Assad. Dans les années 1990, Bassel, passionné par les chevaux, a transformé ce sport en un outil de propagande. Les compétitions, locales comme internationales, servaient à glorifier son image de premier cavalier du pays. Les infrastructures portaient son nom, des statues à son effigie ornaient les clubs équestres, et les cavaliers proches du régime trustaient les podiums.
Les résultats étaient décidés avant même le début des compétitions. Gagner face à un Assad ? C’était tout simplement impossible.
– Un cavalier syrien
Ce monopole a créé une barrière infranchissable pour les cavaliers ordinaires. Les chevaux locaux, souvent moins performants, ne pouvaient rivaliser avec les montures européennes réservées à la famille au pouvoir. Pour beaucoup, participer à une compétition relevait du rêve, mais viser la victoire était une chimère. Certains, comme un cavalier célèbre dans les années 1990, ont payé un lourd tribut pour avoir osé briller face à Bassel : une peine de prison de plus de deux décennies.
Les Cavaliers Brisent les Chaînes
Avec la chute du régime, l’équitation syrienne connaît une véritable renaissance. Les clubs, autrefois réservés à une élite triée sur le volet, accueillent désormais des cavaliers de tous horizons. À Dimas, près de Damas, une statue de Bassel al-Assad, désormais ornée du nouveau drapeau syrien, symbolise ce tournant. Les cavaliers, jeunes et moins jeunes, affluent pour s’entraîner, monter, et surtout, rêver.
Prenez l’exemple de Ziad, 25 ans, qui caresse son cheval bai avec une fierté nouvelle. “Avant, mon plus grand rêve était de finir troisième”, confie-t-il. Aujourd’hui, il vise la victoire, un objectif qui semblait hors de portée sous le régime précédent. Comme lui, d’autres cavaliers saisissent cette opportunité unique. Ils ne sont plus limités par leur origine sociale ou leurs montures. Les barrières tombent, et l’espoir galope.
Des Rêves Longtemps Réprimés
Pour certains, l’équitation était un rêve interdit, teinté de peur. Mounana, 26 ans, raconte comment son père lui a interdit de monter à cheval, terrifié par l’idée qu’elle puisse croiser la route des Assad. “Il me répétait que la compétition était impossible”, explique-t-elle en caressant sa jument blanche. Une anecdote circule encore : un cavalier emprisonné pour avoir surpassé Bassel dans une compétition. Cette histoire, presque légendaire, illustre l’emprise du régime sur ce sport.
Aujourd’hui, Mounana est de retour dans l’arène, déterminée à faire entendre son nom. “Je suis une Chaker, pas une Assad”, lance-t-elle avec assurance. Son histoire, comme celle de nombreux autres, incarne cette nouvelle liberté. Les cavaliers ne se contentent plus de participer : ils veulent briller, prouver leur valeur, et écrire une nouvelle page de l’équitation syrienne.
Un Renouveau dans les Écuries
Les clubs équestres, comme celui de Dimas, sont le théâtre de cette transformation. Chadi, un entraîneur de 48 ans, supervise aujourd’hui des centaines de chevaux, dont certains, autrefois réservés aux Assad, sont désormais accessibles à tous. “Quarante chevaux étaient exclusivement pour eux. Personne n’osait s’en approcher”, raconte-t-il. Aujourd’hui, les écuries bourdonnent d’activité, avec de nouveaux visages impatients de s’inscrire.
Ce renouveau ne se limite pas aux cavaliers. Les entraîneurs, eux aussi, ressentent cette vague d’enthousiasme. Salah, 52 ans, regarde son fils Jawad réaliser un rêve : monter Topsy, une jument autrefois réservée à la fille de Maher al-Assad. “Il rêvait de la toucher. Aujourd’hui, elle est à lui”, confie-t-il, ému. Jawad a déjà remporté deux compétitions avec cette monture, un symbole fort de cette nouvelle ère.
C’est un rêve devenu réalité. Les cavaliers d’aujourd’hui écrivent leur propre histoire, loin des ombres du passé.
– Un entraîneur syrien
Les Défis d’un Sport en Transition
Mais cette ouverture ne va pas sans défis. L’équitation reste un sport coûteux, et les infrastructures, bien que désormais accessibles, nécessitent des investissements. Les chevaux européens, plus performants, restent un luxe pour beaucoup. Pourtant, l’enthousiasme est palpable. Les compétitions locales se multiplient, attirant une foule de curieux et de passionnés. Les cavaliers, eux, s’entraînent avec une détermination nouvelle, portés par l’idée qu’ils peuvent enfin rivaliser à armes égales.
Il y a aussi la question de l’héritage. Les statues, les noms, les symboles associés aux Assad sont encore présents. Faut-il les effacer totalement ? Ou les réapproprier, comme cette statue à Dimas désormais drapée du nouveau drapeau ? Ces questions divisent, mais une chose est sûre : l’équitation syrienne ne veut plus être un outil de propagande. Elle aspire à devenir un sport pour tous.
Un Symbole d’Espoir et de Liberté
Si l’équitation syrienne renaît, c’est avant tout grâce à la résilience de ses acteurs. Ces cavaliers, entraîneurs et passionnés incarnent une Syrie qui se relève, qui brise les chaînes du passé. Chaque galop, chaque saut, chaque victoire est une petite révolution. L’équitation n’est plus le privilège d’une élite, mais un terrain où les rêves prennent forme.
J’ai toujours trouvé fascinant comment un sport peut refléter les bouleversements d’une société. En Syrie, l’équitation n’est pas seulement une activité physique : c’est un miroir des aspirations d’un peuple. Les cavaliers d’aujourd’hui ne montent pas seulement pour gagner, mais pour prouver que l’impossible d’hier est le possible de demain.
Vers un Avenir Prometteur
Alors, à quoi ressemblera l’équitation syrienne dans dix ans ? Difficile à dire, mais les signes sont encourageants. Les clubs se remplissent, les compétitions gagnent en popularité, et les jeunes cavaliers s’inspirent les uns les autres. Peut-être verrons-nous bientôt des Syriens briller sur la scène internationale, libérés des ombres du passé.
Pour l’instant, chaque pas dans l’arène est une victoire. Chaque cavalier qui ose viser le podium réécrit l’histoire. Et si l’équitation peut devenir un symbole de liberté, alors peut-être que la Syrie tout entière suivra ce galop vers un avenir meilleur.
- Une ouverture inédite : L’équitation n’est plus réservée à une élite, mais accessible à tous.
- Des rêves réalisés : Les cavaliers, comme Ziad et Mounana, visent désormais la victoire.
- Un sport en transition : Les infrastructures s’ouvrent, mais des défis subsistent.
- Un symbole d’espoir : L’équitation reflète les aspirations d’une Syrie nouvelle.
En regardant ces cavaliers s’élancer, une question me trotte dans la tête : et si ce sport, jadis outil de pouvoir, devenait le porte-étendard d’une société plus juste ? Une chose est sûre : dans les arènes de Damas, l’histoire est en train de s’écrire, un galop à la fois.
