Imaginez un instant : un seul coureur qui domine le cyclisme mondial au point de s’imposer sur les trois plus grands Tours la même année. Le Giro en mai, le Tour de France en juillet, puis la Vuelta en septembre. Neuf semaines de course infernales, des milliers de kilomètres, des cols mythiques à gravir sans relâche. Personne n’y est parvenu jusqu’à présent. Mais quand on parle de Tadej Pogačar, tout semble soudain possible.
À seulement 27 ans en cette fin 2025, le Slovène vient de décrocher son quatrième Tour de France avec une maîtrise impressionnante. Il a déjà un Giro à son palmarès et une troisième place sur la Vuelta il y a quelques années. La question n’est plus vraiment de savoir s’il peut gagner chacun de ces Tours séparément – il l’a prouvé – mais s’il peut les enchaîner tous les trois dans la même saison. Un défi qui fait rêver les passionnés et qui trotte visiblement dans un coin de sa tête.
Le triple sacre : un mythe moderne du cyclisme
Dans l’histoire du cyclisme, certains exploits paraissent gravés dans le marbre. Gagner les trois Grands Tours la même année en fait partie. Pourquoi personne n’y est arrivé ? Tout simplement parce que l’exercice demande une combinaison rare de talent brut, de récupération exceptionnelle et d’une motivation à toute épreuve.
Avant 1995, la Vuelta se disputait au printemps, rendant l’enchaînement quasi impossible. Depuis qu’elle a migré à l’automne, la fenêtre existe théoriquement. Pourtant, même les plus grands cannibales du peloton n’ont jamais franchi le cap. Eddy Merckx et Bernard Hinault se sont approchés, avec quatre ou trois Grands Tours sur deux saisons consécutives, mais jamais les trois la même année.
« Si quelqu’un peut le faire aujourd’hui, c’est bien lui. »
– Un observateur historique du Tour de France
Ce que disent les proches de Pogačar
Interrogé récemment, Pogačar a esquivé avec son habituel sourire malicieux. Il a d’abord feint la surprise : « Les trois en une saison ? » Puis il a rappelé qu’il ne voulait pas accaparer toutes les victoires au détriment de ses coéquipiers. Une réponse diplomate, presque trop parfaite. Mais derrière les mots, on sent la réflexion.
Son directeur de la performance a été plus direct. Il reconnaît que le sujet revient parfois dans les discussions, sans être encore planifié. « C’est presque mythique pour un coureur de son niveau », confie-t-il. Et il ajoute que, bien sûr, Pogačar y pense. Comment pourrait-il en être autrement quand on domine la discipline à ce point ?
Un de ses équipiers, habitué à le côtoyer au quotidien, va plus loin : « Physiquement, il peut. C’est surtout le mental qui doit tenir. Il faudrait une saison entièrement dédiée, sans dispersion. Pas forcément la plus fun, mais si quelqu’un est capable, c’est lui. » J’avoue que cette analyse me parle. On oublie souvent à quel point la tête joue un rôle décisif à ce niveau.
Les limites physiques : réalité ou excuse ?
On entend souvent que l’enchaînement des trois Grands Tours est trop exigeant pour le corps humain. Pourtant, ces dernières années, certains coureurs ont disputé les trois courses sans forcément viser la victoire finale. Des gregarios solides, des lieutenants précieux, ont tenu le rythme. Mais être leader partout, avec la pression du maillot, c’est une autre dimension.
Ce qui impressionne avec Pogačar, c’est sa récupération. Ses entraîneurs répètent qu’ils n’ont jamais vu ça. Une capacité à encaisser les efforts intenses et à revenir frais très rapidement. En 2025, sa domination sur le Tour n’a pas semblé entachée par une fatigue accumulée. Au contraire, il donnait l’impression de pouvoir en remettre une couche.
- Récupération hors norme reconnue par tout son entourage
- Capacité à performer sur des terrains variés (montagne, contre-la-montre, classiques)
- Jeunesse relative : encore plusieurs années au plus haut niveau
- Expérience croissante dans la gestion de course
Mais il y a aussi les imprévus. Une chute, une maladie, une mauvaise journée. Sur une saison aussi longue et dense, le risque augmente. Et puis, il y a les rivaux. Même si Pogačar semble un cran au-dessus actuellement, viser trois victoires attirerait forcément une coalition contre lui.
Le facteur mental : le vrai obstacle ?
À ce niveau, le physique suit souvent tant que la tête veut bien. Dedier une année entière à cet objectif implique des sacrifices énormes. Moins de variété, moins de classiques printanières qu’il adore, une préparation monacale. Est-il prêt à renoncer à certaines libertés pour entrer encore plus dans l’histoire ?
Ses déclarations laissent penser qu’il préfère pour l’instant chasser de nouvelles classiques. Les Strade Bianche, le Tour des Flandres déjà gagnés, mais Milan-San Remo ou Paris-Roubaix restent des rêves. En 2026, son programme annoncé privilégie ces monuments. Le triple couronne semble donc reporté.
« Il s’agit surtout de maintenir la motivation. La nouveauté de l’objectif joue beaucoup. »
– Un expert en performance de son équipe
C’est peut-être l’aspect le plus intéressant. Pogačar n’a jamais caché son appétit pour les défis inédits. Une fois les grandes classiques cochées, une fois un cinquième ou sixième Tour en poche, pourquoi ne pas se lancer dans cette quête ultime ? L’histoire du cyclisme attend son prochain chapitre exceptionnel.
Comparaison avec les légendes du passé
Merckx, Hinault, Froome à son époque : tous ont approché le Graal sans l’atteindre sur une seule saison. Merckx dominait outrageusement son époque, pourtant il n’a jamais tenté le triple en ligne. Hinault non plus. Les calendriers étaient différents, certes, mais la charge mentale et physique restait colossale.
Aujourd’hui, avec les avancées en préparation, nutrition, récupération, le cyclisme a changé. Les coureurs encaissent plus. Pogačar incarne cette nouvelle génération qui repousse les limites. Sa polyvalence rappelle d’ailleurs Merckx : capable de gagner partout, tout le temps.
| Légende | Grands Tours gagnés | Meilleur enchaînement |
| Eddy Merckx | 11 | 4 sur 2 saisons |
| Bernard Hinault | 10 | 3 sur 2 saisons |
| Chris Froome | 7 | 3 sur 2 saisons |
| Tadej Pogačar (2025) | 5 | En cours de construction |
Ce tableau montre à quel point le Slovène est déjà dans la cour des très grands. S’il réussissait le triple, il entrerait dans une dimension à part.
Et si c’était pour bientôt ?
Rien n’est annoncé pour 2026, et c’est logique. Les classiques restent une priorité. Mais après ? Une fois certaines cases cochées, l’idée pourrait mûrir. Son entourage laisse la porte ouverte. « Quand il se sentira prêt », disent-ils. Cela pourrait arriver plus vite qu’on ne le pense.
Le cyclisme moderne explose les records de performance. Watts produits, vitesses moyennes, intensité : tout augmente. Dans ce contexte, le triple sacre n’est plus forcément une utopie. Il faut juste le bon coureur, au bon moment, avec la bonne équipe. Tout converge vers Pogačar.
Personnellement, je pense qu’on assistera à cette tentative un jour. Peut-être pas l’an prochain, peut-être dans trois ou quatre ans. Mais quand il se lancera, le peloton entier retiendra son souffle. Car si quelqu’un doit briser ce mythe, c’est bien ce phénomène slovène qui semble écrire l’histoire à chaque coup de pédale.
En attendant, savourons ses performances actuelles. Elles sont déjà historiques. Le reste viendra peut-être en bonus, comme la cerise sur un gâteau déjà immense.
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