Vous est-il déjà arrivé de croiser quelqu’un dans la rue et de sentir, l’espace d’une seconde, que cette personne pourrait être capable du pire ? Moi, oui. Et quand j’ai pris connaissance de cette affaire qui s’est déroulée à Mouy, dans l’Oise, j’ai eu exactement ce frisson. Un homme apparemment sans histoire, conseiller financier de profession, qui un soir d’été décide de passer à l’acte. Parce que son ex a refait sa vie. Parce qu’il n’arrive pas à tourner la page. Et qu’il préfère tirer au fusil plutôt que d’accepter la réalité.
C’est le genre d’histoire qui vous reste en tête longtemps. Parce qu’elle parle de nous tous, quelque part. De la frontière parfois ténue entre l’amour et la haine, entre la douleur et la violence.
Une soirée d’août qui bascule dans l’horreur
14 août 2017, il est un peu plus de 19 heures. La lumière est encore douce, c’est la fin d’après-midi dans cette petite commune de l’Oise. Un homme rentre tranquilament chez lui au volant de sa voiture. Rien ne laisse présager le cauchemar qui va suivre.
Soudain, un scooter surgit. Deux individus casqués. Le passager arrière descend, sort une arme. Un fusil à canon scié. Deux détonations claquent. Les balles passent à quelques centimètres de la victime. Par miracle, aucune ne touche. Mais le message est clair : c’était une exécution.
La victime, encore sous le choc des années après, l’a répété devant les juges : il a cru mourir ce soir-là. Et derrière cette tentative d’assassinat, un mobile aussi vieux que le monde : la jalousie.
Un homme « bloqué sur nous »
L’auteur présumé ? L’ex-compagnon de la nouvelle petite amie de la victime. Un conseiller financier, la quarantaine, qui n’a jamais digéré la rupture. Selon les témoignages recueillis, il répétait sans cesse à son entourage qu’il était « bloqué sur nous ». Une phrase qui en dit long sur son état d’esprit.
Il ne supportait pas de nous voir ensemble. Il surveillait, il harcelait, il menaçait. Ce soir-là, il a franchi la ligne.
– La victime, lors de l’audience
Ce qui est terrifiant, c’est la banalité du profil. Pas un voyou, pas un délinquant multirécidiviste. Un homme qui porte costume-cravate le jour, conseille des clients sur leurs placements, et qui le soir venu organise une expédition punitive avec un fusil à canon scié.
L’organisation froide de l’attaque
Car il ne s’est pas agi d’un coup de tête. Tout était prémédité. L’arme avait été raccourcie pour être plus facilement dissimulable. Le scooter volé ou emprunté pour l’occasion. Le casque intégral pour ne pas être reconnu. Et un complice au guidon, prêt à prendre tous les risques.
Le tireur n’était pas seul. Deux autres hommes l’accompagnaient dans cette folie. L’un conduisait, l’autre faisait le guet ou servait de renfort. Une véritable expédition punitive à l’ancienne, comme on en voit dans les films… mais en pleine rue, dans une petite ville tranquille de l’Oise.
- Repérage de la victime et de ses habitudes
- Acquisition et modification de l’arme
- Choix du scooter pour une fuite rapide
- Coordination à trois pour maximiser les chances de succès
Tout cela pour quoi ? Pour « secouer » le nouveau conjoint, selon les mots du principal accusé lors de l’enquête. Une façon de dire : je te préviens, elle est encore à moi.
Huit ans plus tard, le tribunal rend son verdict
Le procès s’est tenu début décembre 2025 au tribunal correctionnel de Beauvais. Huit ans après les faits – le temps que l’instruction fasse son travail, que les expertises psychiatriques soient rendues, que les appels et reports s’enchaînent.
Les trois hommes étaient sur le banc des prévenus. Le tireur, les deux complices. L’ambiance était lourde. La victime, toujours marquée psychologiquement, est venue témoigner. Elle a décrit les cauchemars, la peur permanente, les années de thérapie.
J’ai eu de la chance. Les balles sont passées à côté. Mais ma vie a basculé ce soir-là. Je regarde encore dans le rétroviseur à chaque trajet.
Le principal suspect a tenté de minimiser. « Je voulais juste lui faire peur », a-t-il répété. Une défense classique dans ce genre d’affaires. Mais quand on tire deux fois avec un fusil à canon scié à bout portant, la frontière entre l’intimidation et la tentative de meurtre devient très floue.
Les peines prononcées : entre fermeté et déception
Le tribunal n’a pas été tendre. Le tireur a écopé de plusieurs années de prison ferme. Ses complices, reconnus coupables de complicité, ont pris aussi de lourdes peines, bien que légèrement atténuées.
Pour la victime et son entourage, c’est une forme de soulagement. Même si rien n’effacera jamais la violence de cet été 2017.
Moi, ce qui me frappe dans ce genre de jugement, c’est qu’on condamne l’acte, bien sûr. Mais on ne condamne jamais vraiment la jalousie maladive qui est à l’origine de tout. Cette obsession qui transforme un homme ordinaire en tueur potentiel.
Derrière le fait divers, un phénomène de société
Cette affaire n’est pas isolée. Chaque année, des dizaines d’hommes (et parfois des femmes) passent à l’acte violent après une rupture. Harcèlement, menaces, coups, et parfois pire.
On parle beaucoup de féminicides – et c’est normal, les chiffres sont effarants. Mais il existe aussi cette violence masculine liée à la perte de contrôle, à l’incapacité d’accepter que l’autre ait tourné la page.
- Refus de la séparation
- Surveillance intrusive (réseaux sociaux, géolocalisation)
- Menaces répétées
- Passage à l’acte violent quand, parfois irréversible
Ce qui est inquiétant, c’est que le profil du mis en cause sort souvent des statistiques habituelles. Pas d’antécédents judiciaires majeurs. Un emploi stable. Une vie en apparence normale. Et pourtant.
Et nous, qu’est-ce qu’on en retient ?
Personnellement, cette histoire me renvoie à une question simple : jusqu’où peut nous mener une émotion mal gérée ? La jalousie, la colère, le sentiment d’abandon… On a tous connu ça, à des degrés divers. Mais il y a ceux qui apprennent à vivre avec, et ceux qui laissent la bête prendre le dessus.
Ce conseiller financier, quelque part, c’est un miroir déformant de ce qu’on pourrait tous devenir dans nos pires moments. Sauf qu’il a franchi la ligne. Et qu’aujourd’hui, il paie le prix.
La justice a fait son travail. Mais la vraie question, c’est peut-être : comment éviter que d’autres « bloqués sur nous » ne passent un jour à l’acte ?
Cette affaire, comme tant d’autres, nous rappelle une chose essentielle : l’amour ne possède pas. Il libère. Et quand on refuse de comprendre ça, on finit parfois par détruire tout ce qu’on prétendait protéger.
Prenez soin de vous. Et surtout, prenez soin de tourner la page quand il le faut.
