Imaginez la scène : vous êtes à Ernest-Wallon, il fait doux pour un mois de décembre, et dès la quatrième minute Ange Capuozzo file déjà à l’essai comme si les Sharks n’existaient pas. Frisson dans le dos, stade en feu, et le sentiment que Toulouse vient de déclarer la guerre à l’Europe entière. Hier après-midi, les Rouge et Noir ont signé une entrée en Champions Cup aussi brutale que réjouissante : 56-19 face à Durban, bonus offensif en poche dès la 24e minute et un festival qui rappelle les plus belles heures du Stade.
Franchement, on avait presque oublié à quel point ce club peut être terrifiant quand tout roule.
Capuozzo, l’homme qui ne sait pas ne pas marquer
Il y a des joueurs qui marquent un essai par ci par là. Et puis il y a Ange Capuozzo. L’Italien a encore frappé, et pas qu’un peu : un triplé, son huitième essai en six matchs sous le maillot toulousain cette saison. Huit. En six matchs. Laissez-moi répéter ça lentement pour que ça rentre bien.
Dès le coup d’envoi, Thomas Ramos, repositionné à l’ouverture après le forfait de Romain Ntamack, lui envoie une merveille de coup de pied par-dessus. Capuozzo ajuste son radar, contrôle du bout des doigts et aplatit. 7-0 après quatre minutes. Le ton est donné.
Mais ce n’est que l’apéritif. En seconde période, alors que les Sharks croient encore pouvoir revenir, l’ailier plante deux banderilles supplémentaires à la 63e et à la 71e. Des finitions chirurgicales, des appuis de feu, un sens du timing diabolique. À ce rythme-là, il va falloir lui construire un en-but personnel à l’entraînement.
Quand Ange a le ballon, on sait tous que ça sent l’essai. C’est devenu une évidence.
Un coéquipier, dans le vestiaire après le match
Dupont : 35 minutes et déjà patron
Antoine Dupont est revenu en Top 14 la semaine dernière, mais hier c’était son vrai retour sur la grande scène européenne. Entré à la 45e minute à la place de Paul Graou, il a joué un peu plus d’une demi-heure. Et croyez-moi, ça a suffi pour que tout change.
Plus de rythme, plus de vitesse dans les sorties de ruck, des passes laser, des coups de pied tactiques qui font mal. On a senti les Sharks suffoquer dès qu’il a pris les commandes. Pas encore à 100 % physiquement, c’est évident, mais mentalement il est déjà là. Et quand le corps suivra… bon courage à l’Europe.
J’ai particulièrement aimé son entrée : premier ballon, il fixe deux défenseurs, accélère, passe après contact à Ahki qui n’a plus qu’à servir Capuozzo pour le deuxième essai de l’Italien. Clinique.
Une conquête en béton et un bonus en 24 minutes
Julien Marchand a signé un doublé en première période (14e et 21e), preuve que la mêlée et les mauls toulousains restent une arme fatale. Le talonneur international a été monstrueux en défense aussi, avec des plaquages qui font mal aux côtes rien qu’à les regarder.
Et puis il y a eu ce quatrième essai, celui du bonus offensif, signé Kalvin Gourgues dès la 24e minute. Le jeune troisième ligne a conclu un mouvement de 80 mètres initié par… Capuozzo, évidemment. À ce moment-là, on s’est dit que la rencontre allait tourner à la correction.
- 4e : Capuozzo (transformation Ramos) – 7-0
- 14e : Marchand (transformation Ramos) – 14-0
- 21e : Marchand (transformation Ramos) – 21-0
- 24e : Gourgues (transformation Ramos) – 28-0
- 63e : Capuozzo – 35-12
- 71e : Capuozzo – 42-12
- 76e : Aldegheri – 49-12
- 80e : Thomas – 56-19
Des errements qui auraient pu coûter cher
Parce qu’il faut être honnête : tout n’a pas été parfait. Entre la 30e et la 55e minute, Toulouse a un peu perdu le fil. Des fautes de main, des plaquages manqués, une défense parfois passive. Les Sharks en ont profité pour inscrire deux essais et revenir à 28-12 à la pause. On a senti une petite frayeur dans les tribunes.
Mais c’est aussi ça, la force de cette équipe : même quand elle joue à 70 %, elle gagne de 37 points. L’entrée de Dupont a recadré tout le monde, et la seconde période a été un récital.
Ramos, l’assurance tous risques à l’ouverture
Avec Ntamack forfait, Thomas Ramos a dépanné au poste de numéro 10. Et franchement, il a été excellent. 100 % au pied (7/7), des coups de pied tactiques millimétrés, une vista impressionnante. On oublie parfois à quel point il est complet. Hier, il a rappelé qu’il pouvait être bien plus qu’un simple buteur.
Son duel à distance avec le buteur sud-africain a tourné à son avantage, et ça n’a rien d’anodin quand on sait que les matchs européens se jouent souvent à quelques points près.
Et maintenant ? Glasgow, le vrai test
Parce que soyons clairs : battre les Sharks à domicile, c’est bien. Mais le vrai test arrive dès samedi prochain en Écosse. Glasgow, finaliste l’an dernier, vient de cartonner Leicester. Le Scotstoun est une forteresse, le public est bouillant, et les Warriors jouent un rugby ultra-rapide.
Si Toulouse reproduit la même copie là-bas, avec un Dupont à 60-70 minutes et un Ntamack peut-être de retour, alors on pourra vraiment commencer à parler de favori numéro 1. Mais pour l’instant, savourons. Parce que ce genre de dimanche après-midi, ça n’a pas de prix.
56 points de moyenne lors de la phase de poules la saison dernière, 56 points hier… La machine est relancée. Et quelque chose me dit que Capuozzo n’a pas fini de nous faire rêver.
Allez le Stade. Et rendez-vous samedi pour la suite du spectacle.
