Vous êtes-vous déjà promené devant un bâtiment abandonné en vous disant qu’il avait une âme ? Moi, oui. Et quand j’ai découvert le projet de l’ancienne chaufferie des Tarterêts, à Corbeil-Essonnes, j’ai tout de suite senti que quelque chose de fort était en train de naître. Un mastodonte de béton, laissé à l’abandon depuis plus de dix ans, qui va devenir… un lieu de vie culturel ultra-moderne. Et le plus beau dans l’histoire ? Ce sont les habitants eux-mêmes qui écrivent le scénario.
Quand un quartier décide de changer son destin
Les Tarterêts, on en entend parler, pas toujours en bien. Stigmatisation, image négative, tout le topo classique des quartiers prioritaires. Pourtant, derrière les clichés, il y a des gens, des histoires, une énergie folle. Et aujourd’hui, il y a surtout un projet qui fait battre le cœur plus fort : transformer l’ancienne chaufferie centrale, classée aux monuments historiques, en un espace culturel ouvert à tous.
20 millions d’euros, une livraison prévue au printemps 2029, un bâtiment incroyable de 1 200 m²… Les chiffres impressionnent. Mais ce qui marque vraiment, c’est la méthode. Depuis plus d’un an, un jury citoyen composé d’habitants du quartier et d’ailleurs planche avec les architectes. Pas de décision prise en haut sans concertation : ici, on co-construit.
Un bâtiment qui a déjà une histoire folle
Imaginez : une forme toute en courbe, presque organique, coiffée d’une cheminée de 36 mètres. Quand on entre dedans, même à l’état de ruine végétalisée, on a le souffle coupé. Un architecte que j’ai pu croiser sur place m’a glissé : « On se croirait dans une cathédrale en béton. C’est technique, brut, mais il y a une poésie incroyable. »
« Elle a une forme incroyable. Quand on entre dedans, on a l’impression d’une cathédrale en béton. »
Un architecte amoureux du lieu
Construit pour chauffer tout le quartier à l’époque où le chauffage urbain était roi, le bâtiment a été désaffecté en 2013. Depuis, depuis, la nature a repris ses droits : lierre, arbustes, oiseaux… Une beauté sauvage qui contraste avec l’image parfois dure qu’on colle au quartier.
Les habitants au cœur de tout
Ce qui rend ce projet différent des autres ? Les habitants ne sont pas consultés pour la forme. Ils décident. Fayad, 19 ans, étudiant en prépa compta-gestion et enfant du quartier, fait partie du jury citoyen. Il m’a confié, avec le franc-parler de sa génération :
« Au début, j’y croyais pas trop. Je me disais : encore un projet pour faire joli sur le papier. Mais là… si les assos du quartier sont vraiment associées, ça peut être énorme. »
Il connaît chaque recoin du bâtiment, son passé, ses légendes. Pour lui, recréer un lieu culturel ici, c’est aussi réparer quelque chose. « On a perdu la médiathèque en 2014, incendiée… Alors oui, un nouvel espace comme ça, ça redonne de l’espoir. »
À ses côtés, Virginie, 51 ans, qui avoue avoir longtemps évité le quartier par préjugés. « J’ai tout fait pour ne pas y habiter. Et aujourd’hui, je participe à créer son avenir. C’est une vraie réconciliation. »
À quoi ressemblera le futur lieu ?
Accrochez-vous, la liste est longue et alléchante :
- Une médiathèque dernier cri
- Ateliers numériques et fablab
- Une scène pour concerts, théâtre, spectacles
- Un studio d’enregistrement professionnel
- Une grande cuisine partagée et un restaurant
- Des espaces extérieurs aménagés pour se poser toute l’année
Fayad éclate de rire : « La bouffe, dans le quartier, c’est sacré ! Un resto ici, c’est obligatoire. » Il n’a pas tort. Rien de tel qu’un bon plat pour créer du lien.
Le cabinet d’architectes retenu a une approche globale : paysagiste, éclairagiste, designer… Tout est pensé pour que le lieu soit beau, fonctionnel et surtout approprié par les habitants.
Changer l’image, changer les regards
Le maire l’a dit sans détour : ce projet est une « locomotive » pour toute la ville. Et il a raison. Quand un quartier stigmatisé se dote d’un équipement aussi ambitieux, ça force le respect. Les gens viendront, enfin, pour autre chose que les préjugés.
J’ai discuté avec trois retraités assis sur un banc juste à côté de la grille qui entoure le site. L’un d’eux m’a lancé avec un grand sourire : « On pourra même y prendre le café ! » C’est tout bête, mais ça résume tout. Redonner de la vie normale, du quotidien agréable, là où on ne voyait que des problèmes.
Un calendrier ambitieux, mais réaliste
Les études approfondies démarrent dans un an à un an et demi, suivies de deux ans de chantier. Livraison espérée au printemps 2029. Ça semble loin, mais quand on voit la complexité du bâtiment (classé, technique et patrimonial), c’est plutôt raisonnable.
Pendant les travaux, des animations sont prévues sur place. Histoire de ne pas attendre 2029 pour que le lieu commence à vivre.
Et après ? L’effet boule de neige
Un projet comme celui-ci, ça ne s’arrête pas à l’inauguration. C’est un signal fort envoyé à tous les quartiers prioritaires : oui, on peut transformer l’image d’un territoire quand on associe vraiment les habitants. C’est une leçon de démocratie participative en grandeur nature.
Personnellement, j’ai rarement vu un projet qui mêle à ce cocktail : patrimoine industriel sauvé, architecture audacieuse, inclusion citoyenne maximale, et ambition culturelle démesurée. Les Tarterêts sont en train d’écrire une page qu’on étudiera peut-être un jour dans les écoles d’urbanisme.
Alors oui, il reste des sceptiques. Oui, il faudra une communication au top pour embarquer tout le monde. Mais quand je vois l’enthousiasme des uns, la curiosité des autres, et cette bâtisse qui semble attendre depuis toujours qu’on lui redonne une âme… je me dis une chose :
Dans quelques années, on viendra des quatre coins de l’Essonne, et même de Paris, pour voir cette « cathédrale de béton » devenue le cœur battant d’un quartier qui a décidé de ne plus se laisser définir par les autres.
Et ça, franchement, ça fait du bien.
