Vous est-il déjà arrivé de regarder un match et de sentir que quelque chose de plus grand que le football se jouait sous vos yeux ? Ce genre de soirée où un but en toute fin de partie fait basculer tout un pays dans l’euphorie collective. En novembre 2025, l’Irlande a vécu ça. Et au centre de cette folie, un gamin de 23 ans originaire des quartiers nord de Dublin : Troy Parrott.
Je me souviens encore de ces images qui ont tourné en boucle : un attaquant qui embrasse le ballon comme s’il s’agissait d’un trésor, des supporters en larmes dans les pubs, un aéroport rebaptisé à son nom pour rire. L’Irlande, qui n’avait plus rêvé aussi fort depuis l’époque glorieuse de Jack Charlton, s’est réveillée avec la gueule de bois joyeuse des grands soirs. Et tout ça grâce à un triplé complètement fou face à la Hongrie.
Mais derrière cette explosion de joie, il y a une histoire bien plus profonde. Une histoire de résilience, de choix difficiles, de rédemption. L’histoire d’un gosse qui a grandi entouré par la misère et les tentations, et qui a fini par rallumer la flamme du football dans tout un pays.
Le gamin des rues qui a choisi le ballon
Dublin, début des années 2000. Dans certains quartiers au nord de la ville, la vie n’est pas tendre. Précarité, gangs, drogue qui circule partout. C’est là qu’est né Troy Parrott en 2002. Un environnement où les pièges sont nombreux et où il est facile de prendre la mauvaise direction.
Ses premiers entraîneurs se souviennent d’un petit qui jouait au foot absolument partout. Un vrai street footballer, comme ils disent. Il commence même comme gardien – il a tâté du foot gaélique aussi – avant de se découvrir une vraie vocation devant le but. À 8 ans, il intègre le Belvedere FC, un club formateur réputé de la capitale irlandaise.
“Il vivait dans ce qui était probablement le pire quartier. Il y avait de la drogue partout autour de lui. Sa mère a été cruciale pour l’empêcher de prendre un mauvais chemin.”
– Un de ses premiers entraîneurs
Ce témoignage résume bien la réalité. Sa mère, Jennifer, a joué un rôle déterminant. Elle a veillé à ce qu’il reste concentré sur le football, qu’il évite les mauvaises fréquentations malgré la pression constante. Parce que dans ces quartiers, les dealers n’hésitent pas à cibler les gamins prometteurs pour les embarquer dans leurs affaires.
Parrott, lui, n’a jamais dévié. Toujours à l’heure aux entraînements, travailleur acharné, doué d’un sens du but exceptionnel dès le plus jeune âge. Les recruteurs européens commencent vite à tourner autour de lui. Et très tôt, on commence à le comparer à une légende : Robbie Keane.
L’héritier annoncé de Robbie Keane
Robbie Keane, 146 sélections, 68 buts avec l’Irlande. Le recordman absolu. Quand un jeune attaquant irlandais commence à empiler les buts dans les catégories de jeunes, la comparaison arrive forcément. Et pour Parrott, elle est devenue pesante très vite.
À 15 ans seulement, il signe à Tottenham. Un départ précoce, presque vital selon ceux qui l’ont connu petit. Loin des tentations de Dublin, loin de certaines personnes qui gravitaient déjà autour de lui à cause de la hype. Parce qu’en Irlande, on voyait déjà en lui le successeur tant attendu.
À Londres, il découvre un autre monde. Il signe pro en 2019, fait ses débuts en Coupe de la Ligue sous Pochettino, puis en Premier League avec Mourinho. À 17 ans, il porte déjà le maillot de la sélection nationale. Tout semble aller très vite. Trop vite, peut-être.
Parce que José Mourinho, connu pour ne pas avoir la langue dans sa poche, ne tarde pas à le recadrer publiquement. Il lui reproche une attitude parfois arrogante en catégories jeunes, ce sentiment d’être déjà arrivé. Des mots durs qui marquent. Et surtout, il y a Harry Kane devant lui. Un mur infranchissable.
Les années galère en prêts successifs
À partir de 2020, c’est la valse des prêts. Millwall, Ipswich, Milton Keynes, Preston North End… Partout, ça coince. Blessures à répétition, performances en dents de scie, difficulté à s’imposer. Il ne brille nulle part vraiment.
Certains commencent à penser que l’histoire va s’arrêter là. Que le grand espoir va doucement disparaître des radars. En Irlande, on parle déjà moins de lui. Les comparaisons avec Keane deviennent presque cruelles.
- Blessures qui tombent au mauvais moment
- Concurrence féroce dans les clubs prêteurs
- Peut-être aussi une maturité à acquérir
- Le poids des attentes beaucoup trop lourd
Parrott lui-même l’admettra plus tard : il a traversé une phase instable. Des distractions, des échecs qu’il a dû digérer. Il a fallu tomber plusieurs fois pour apprendre à se relever plus fort.
Et puis arrive ce prêt qui va tout changer : l’Excelsior Rotterdam, en Eredivisie. Un club modeste, mais un environnement où il peut enfin jouer régulièrement. 17 buts en 32 matchs. Le plaisir retrouvé, la confiance qui revient. On commence à reparler de lui positivement.
La renaissance aux Pays-Bas
En 2024, il quitte définitivement Tottenham pour rejoindre l’AZ Alkmaar. Un choix payant. Dès sa première saison, il plante 36 buts en 69 rencontres. Des chiffres impressionnants qui le remettent sur le devant de la scène.
Aux Pays-Bas, il trouve la stabilité qu’il cherchait. Loin des projecteurs écrasants de la Premier League, il peut se concentrer sur son football. Et en sélection, il commence à marquer des points aussi. Petit à petit, il redevient titulaire.
Mais personne n’aurait pu prédire ce qui allait arriver en novembre 2025. Deux matchs décisifs pour les barrages de la Coupe du Monde 2026. D’abord contre le Portugal, puis en Hongrie. L’Irlande joue sa survie footballistique.
La semaine qui a tout changé
Contre le Portugal, à domicile : doublé de Parrott, victoire 2-0. Le pays commence à y croire. Les pubs se remplissent, l’ambiance monte. Trois jours plus tard, déplacement à Budapest face à la Hongrie. Un match tendu, accroché.
À la 90e+6, l’Irlande est virtuellement éliminée. Et là… Parrott sort de sa boîte. Un but du bout du pied, puis un triplé complètement dingue. 3-2, victoire, qualification pour les barrages. Des scènes de liesse incroyables dans tout le pays.
“C’est la première fois que je pleure depuis des années. Je ne pense pas que je vivrai une meilleure soirée de toute ma vie.”
– Troy Parrott, juste après le match
Des gens qui sautent de leur canapé au risque de se faire mal au dos, des pères qui pleurent avec leurs fils, des pubs bondés jusqu’au petit matin. L’Irlande revivait les grandes heures des années 90, l’époque où on allait en quarts de finale de Mondial.
L’aéroport de Dublin rebaptisé temporairement “Troy Parrott International Airport”, des écharpes à son nom vendues partout, des sollicitations à n’en plus finir. Le gamin des quartiers nord était devenu un héros national.
Pourquoi cette histoire touche autant
Ce qui rend l’histoire de Parrott si particulière, c’est qu’elle dépasse largement le cadre sportif. C’est l’histoire d’un gosse qui a échappé aux pièges de son environnement grâce au football. Qui a connu les doutes, les critiques, les échecs. Et qui a su rebondir au moment où plus personne n’y croyait vraiment.
En Irlande, le football n’avait plus fait vibrer comme ça depuis longtemps. Les nouvelles générations commençaient presque à se détourner du sport roi. Et là, un seul joueur a réussi à rallumer la passion collective.
J’ai trouvé ça fascinant de voir comment un triplé peut transformer un joueur en icône. Comment il peut redonner espoir à tout un pays. Parce que derrière les buts, il y a toute une histoire humaine qui résonne particulièrement.
Aujourd’hui, l’Irlande prépare ses barrages. Deux matchs décisifs pour retourner à la Coupe du Monde après 23 ans d’absence. Et tout le monde n’a d’yeux que pour lui. Pour ce gamin qui porte désormais les espoirs de toute une nation sur ses épaules.
Parrott, lui, continue sa vie tranquille aux Pays-Bas. Loin du tumulte, concentré sur son football. Mais il sait ce qu’il représente désormais. Et quelque part, je pense qu’il en est fier. Fier de montrer que peu importe d’où on vient, avec du travail et de la détermination, on peut accomplir des choses extraordinaires.
L’histoire de Troy Parrott n’est peut-être pas terminée. Les barrages arrivent bientôt. Et qui sait, peut-être qu’il nous réserve encore de nouveaux chapitres légendaires. En attendant, il a déjà réussi l’essentiel : redonner le sourire à tout un peuple grâce à un ballon rond.
Et ça, franchement, ça vaut tous les trophées du monde.
