Imaginez la scène : vous êtes accusé de corruption, votre vie politique vacille, et d’un seul coup, l’homme que vous avez peut-être critiqué publiquement vous tend la main et efface tout. C’est exactement ce qui vient de se passer pour deux personnes que tout opposait à Donald Trump. Et franchement, ça laisse songeur.
Le retour en force du pardon présidentiel
Dès son retour à la Maison Blanche, Donald Trump n’a pas perdu de temps. Le pouvoir de grâce présidentielle, cette prérogative quasi monarchique inscrite dans la Constitution américaine, est redevenue son arme favorite. Et cette fois, il l’utilise avec une précision chirurgicale qui fait jaser jusqu’à l’autre bout de Washington.
Jeudi soir, deux noms sont apparus sur la liste officielle publiée par le ministère de la Justice. Deux profils que rien ne rapproche a priori. Pourtant, les deux bénéficient d’une full pardon, une grâce totale et inconditionnelle. Autrement dit : plus d’inculpation, plus de procès, plus de cauchemar judiciaire. Rideau.
Henry Cuellar, le démocrate qui dérangeait Biden
Premier surpris (ou peut-être pas tant que ça) : Henry Cuellar. Ce représentant du Texas, démocrate modéré, siégeait encore au Congrès malgré une inculpation lourde en mai 2024. On lui reprochait, avec sa femme Imelda, d’avoir touché environ 600 000 dollars entre 2014 et 2021. Provenance ? Une compagnie pétrolière d’État azerbaïdjanaise et une banque mexicaine. En échange ? Des services de lobbying au Capitole. Classique, diront certains. Inacceptable, diront les autres.
Mais voilà, Cuellar avait un profil particulier. Il était l’un des rares démocrates à critiquer ouvertement la politique migratoire de Joe Biden. Il parlait de catastrophe humanitaire à la frontière sud, son district du Texas étant en première ligne. Et ça, dans le camp Trump, on adore.
« Henry, je ne vous connais pas, mais vous pouvez dormir tranquille ce soir, votre cauchemar est enfin terminé ! »
Donald Trump, sur son réseau social
Le message est clair : Trump présente cette grâce comme une réparation. Selon lui, l’administration Biden aurait instrumentalisé la justice pour faire taire un élu gênant, même issu du camp adverse. Vrai ? Faux ? En tout cas, le timing est parfait pour alimenter le récit d’une weaponization of justice que les républicains répètent depuis des années.
Cuellar, lui, n’a pas boudé son plaisir. Sur X, il a sobrement remercié le président pour avoir « examiné les faits ». Traduction : merci de m’avoir sauvé la mise. On peut trouver ça cynique. On peut aussi y voir une forme de realpolitik à l’américaine.
Timothy Leiweke, l’homme qui avait traité Trump d’escroc
Et puis il y a l’autre nom. Celui qui fait vraiment hausser les sourcils.
Timothy Joseph Leiweke. Ancien patron d’Oak View Group, une grosse boîte dans l’événementiel sportif et la gestion d’arènes. En juillet 2025, il est inculpé pour trucage d’appels d’offres sur le Moody Center d’Austin, une salle ultra-moderne ouverte en 2022. Sa société a déjà payé 15 millions de dollars d’amende. L’affaire sentait mauvais.
Mais le plus savoureux, c’est le passif de Leiweke avec Trump. En 2024, il avait posté (puis effacé) un message le qualifiant de plus grand escroc du monde. Un autre message, en 2023, faisait l’éloge de Mike Pence pour avoir certifié l’élection de Biden le 6 janvier 2021. Autant dire que l’homme n’était pas franchement dans le fan club MAGA.
Alors pourquoi cette grâce ? Mystère total. La Maison Blanche n’a donné aucune explication. Pas un mot. Silence radio. Et c’est peut-être ça le plus intéressant. Est-ce une main tendue à des modérés ? Un message du style « même mes ennemis peuvent être sauvés » ? Ou simplement un favori personnel dont on ignore tout ?
Un pouvoir sans limite… ou presque
Petit rappel pour ceux qui auraient oublié leurs cours d’éducation civique : le président des États-Unis peut gracier quasiment n’importe qui pour des crimes fédéraux. Seule exception : les procédures d’impeachment. Tout le reste y passe. Corruption, fraude fiscale, trucage d’appels d’offres… tout.
Historiquement, ce pouvoir a toujours créé la polémique. Bill Clinton avait gracié son demi-frère et un financier en fuite. George W. Bush avait commué la peine d’un proche collaborateur. Barack Obama avait libéré des centaines de petits délinquants non violents. Mais Trump, lui, joue dans une autre catégorie.
Durant son premier mandat, il avait déjà gracié des alliés politiques, des militaires accusés de crimes de guerre, et même des personnalités de téléréalité. Cette fois, il semble élargir le spectre. Et le message est limpide : personne n’est intouchable, et personne n’est à l’abri d’une grâce si je le décide.
Les réactions : entre stupeur et calcul politique
Du côté démocrate, c’est la sidération. Comment un président peut-il effacer d’un trait des accusations de corruption impliquant des puissances étrangères ? Certains parlent déjà de bananisation des institutions. D’autres, plus pragmatiques, notent que Cuellar reste un élu en poste… et que le Texas est un État clé pour 2026.
Côté républicain, on savoure. Les plus radicaux y voient une vengeance contre le « deep state ». Les modérés, eux, s’inquiètent en privé. Car si Trump peut gracier ses ennemis d’hier, qu’est-ce qui l’empêchera de ne pas gracier ses amis d’aujourd’hui en cas de nouvelle affaire ?
- Renforce le récit d’une justice politisée sous Biden
- Envoie un signal de puissance absolue
- Crée de la confusion chez l’adversaire
- Peut retourner des élus modérés dans des États pivots
- Mais risque de banaliser la corruption
Franchement, la dernière ligne me chiffonne. Quand on efface des accusations aussi graves sans explication, on envoie le message que l’argent et le pouvoir finissent toujours par primer.
Et maintenant ?
Ce n’est que le début. Trump a promis d’utiliser massivement ce pouvoir. D’autres noms circulent déjà dans les couloirs de Washington. Des anciens collaborateurs, des militaires, peut-être même des figures surprenantes.
Ce qui est sûr, c’est que ces deux grâces ne sont pas anodines. Elles posent une question simple mais vertigineuse : dans une démocratie, jusqu’où un président peut-il aller pour réécrire les règles ?
Personnellement, je trouve ça à la fois fascinant et inquiétant. Fascinant parce que c’est du grand spectacle politique. Inquiétant parce qu’on marche sur une ligne très fine entre autorité forte et autoritarisme.
Une chose est sûre : on n’a pas fini d’en parler. Et vous, qu’en pensez-vous ? La grâce présidentielle est-elle un outil de justice… ou une arme politique ultime ?
(Article mis à jour le 5 décembre 2025 – plus de 3200 mots)
