Vous souvenez-vous quand on accusait sans relâche son prédécesseur d’être trop âgé pour le poste ? La roue tourne, et parfois elle tourne très vite. Hier, en début d’après-midi, le président des États-Unis a vécu un moment que ses adversaires n’auraient même pas osé imaginer dans leurs rêves les plus fous : pris en flagrant délit de somnolence prolongée devant les caméras, en pleine réunion de cabinet.
Et pourtant, quelques minutes plus tôt, il jurait ses grands dieux qu’il n’avait jamais été aussi alerte. L’ironie est tellement énorme qu’elle en devient presque comique. Ou tragique, selon le camp dans lequel on se trouve.
Sleepy Donald : quand la réalité rattrape la rhétorique
Reprenons depuis le début. La réunion avait à peine commencé que le président, sourire éclatant et ton martial, balayait d’un revers de main les inquiétudes sur sa forme physique. « Je suis plus vif qu’il y a vingt-cinq ans », a-t-il lancé avec cette assurance qu’on lui connaît. Le message était clair : à 79 ans, il reste l’homme infatigable qui a conquis l’Amérique deux fois.
Et puis, quinze minutes plus tard, le tableau change radicalement.
Les yeux se font lourds. Les paupières papillonnent. La tête penche doucement sur le côté. Ce qui ressemblait au départ à une simple seconde d’inattention se transforme rapidement en une lutte acharnée contre le sommeil. Et cette lutte, il la perd. Pendant de longues minutes, parfois plusieurs dizaines de secondes d’affilée, le président semble carrément ailleurs.
Un moment particulièrement gênant
Le pic de l’incident ? Quand l’un de ses plus fidèles lieutenants tente une blague sur le football universitaire. Normalement, ce genre de clin d’œil fait mouche à tous les coups auprès de lui. Là, rien. Pas un sourire, pas un hochement de tête. Juste ce regard vitreux qui dit tout.
À l’écran, l’image est brutale. On voit un homme qui lutte, littéralement, pour rester présent. Et on se dit que trois heures de réunion marathon, ça commence à faire beaucoup quand on approche des 80 printemps.
« Il écoutait attentivement et menait l’entière réunion »
La porte-parole de la Maison Blanche, quelques heures après l’incident
Bien sûr, l’équipe de communication a réagi au quart de tour. Version officielle : tout va bien, le président est en pleine forme, il a simplement choisi de fermer les yeux pour mieux se concentrer. Une explication qui a fait sourire jaune jusqu’au fond des rédactions.
Ce n’est pas la première fois
Et non, malheureusement pour lui, ce n’est pas une première. Il y a quelques semaines déjà, des images similaires avaient circulé. Même décor, même posture, même combat perdu d’avance contre Morphée. À l’époque, on avait parlé d’un « moment de fatigue passager ». Aujourd’hui, le doute s’installe un peu plus.
Parce que quand on passe son temps à moquer l’âge de ses adversaires – rappelez-vous les « Sleepy Joe » à répétition –, on s’expose inévitablement au retour de bâton. Et là, le bâton est particulièrement lourd.
L’âge, ce sujet qu’on n’osait plus aborder… jusqu’à présent
Pendant la campagne, la question de l’âge était quasiment taboue dès qu’on parlait du candidat républicain. On pointait du doigt l’adversaire démocrate, on parlait gériatrie, déclin cognitif, tout le répertoire. Mais dès qu’un journaliste osait poser la même question de l’autre côté, c’était immédiatement taxé de parti pris médiatique.
Aujourd’hui, les images parlent d’elles-mêmes. Et elles sont impitoyables.
À 79 ans, il reste le plus vieux président en exercice de l’histoire américaine au début de son second mandat. Un record qu’il partage ironiquement avec celui qu’il a tant critiqué. La différence ? L’un a choisi de passer la main. L’autre a décidé de repartir pour quatre ans.
- Des journées raccourcies selon plusieurs observateurs
- Des signes de fatigue de plus en plus visibles
- Des absences remarqués lors de certains événements
- Une communication qui insiste lourdement sur sa « vitalité exceptionnelle »
Tous ces éléments, mis bout à bout, dessinent un portrait bien différent de l’image d’Énergizer Bunny qu’il veut renvoyer.
Les démocrates se régalent (et ils ne s’en privent pas)
Forcément, l’opposition n’a pas attendu vingt-quatre heures pour sortir l’artillerie. Sur les réseaux, les détournements fusent. « Sleepy Donald » devient viral en quelques heures. Les mèmes pleuvent. Et certains responsables démocrates, d’habitude plus prudents, se lâchent complètement.
Le gouverneur de Californie, jamais le dernier pour une petite phrase qui fait mal, a été particulièrement inspiré. Son tweet a été vu des dizaines de millions de fois. Et il n’est pas le seul. On sent que quelque chose a changé dans le ton. Comme si un barrage venait de sauter.
Et maintenant ?
La question qui brûle toutes les lèvres : est-ce que cet incident va vraiment changer quelque chose ? Probablement pas dans l’immédiat. Sa base reste fidèle, convaincue que ces images sont truquées ou sorties de leur contexte. Mais à moyen terme, c’est une autre histoire.
Parce que les Américains, même les plus fervents supporters, commencent à se poser des questions quand ils voient leur président lutter pour garder les yeux ouverts à 14 heures de l’après-midi. Et quand on sait que le rythme ne va pas ralentir – au contraire –, on peut légitimement se demander combien de temps ce genre d’incident restera anecdotique.
Ce qui est sûr, c’est que le débat sur l’âge et la capacité à gouverner n’est plus l’apanage d’un seul camp. Il concerne désormais tout le monde. Et c’est peut-être la leçon la plus cruelle pour celui qui avait fait de ce sujet une arme électorale majeure.
La politique, parfois, a un sens de l’humour particulièrement grinçant.
Personnellement, je trouve que cet épisode en dit long sur notre rapport collectif au vieillissement en politique. On accepte mal que nos dirigeants soient humains, tout simplement. On veut des surhommes infatigables, alors qu’on sait tous que le corps, à un moment, dit stop. La vraie question, ce n’est pas de savoir si untel a somnolé cinq minutes. C’est de se demander si notre système est prêt à gérer la fatigue, l’âge, la maladie, sans que ça devienne immédiatement une crise nationale.
Pour l’instant, on en est loin. On préfère le spectacle, les surnoms, les mèmes. Mais un jour, peut-être, on parlera sérieusement de limite d’âge, de certificats médicaux transparents, de transition apaisée. En attendant, on regarde le cirque. Et on se marre jaune.
Parce qu’au fond, Sleepy Donald, c’est peut-être juste un miroir tendu à toute une société qui refuse de vieillir.
