Imaginez la scène : vous êtes en 2016 et quelqu’un vous dit que Donald Trump, l’homme qui promettait une guerre sans merci contre la drogue, va, neuf ans plus tard, pousser pour assouplir la réglementation fédérale sur le cannabis. Vous rigoleriez jaune. Et pourtant, c’est exactement ce qui est en train de se passer sous nos yeux.
Le sujet n’est plus tabou, il est devenu un enjeu économique colossal. Et quand on parle argent, Trump écoute. Très attentivement.
Un virage à 180° qui n’en est pas vraiment un
Non, le président élu n’est pas soudain devenu un militant de la première heure pour la liberté individuelle. L’explication est plus pragmatique, presque triviale : l’industrie du cannabis pèse aujourd’hui plus de 30 milliards de dollars par an aux États-Unis et pourrait dépasser les 100 milliards d’ici 2030 si les barrières fédérales tombent.
Quand un secteur génère autant d’emplois, de taxes et d’investissements, même les plus conservateurs commencent à revoir leur copie. C’est du Trump tout craché : idéologie oui, mais business d’abord.
Schedule I ou Schedule III : qu’est-ce qui change concrètement ?
Aujourd’hui, le cannabis est classé Schedule I au niveau fédéral. Cela signifie, selon la loi américaine, qu’il n’a « aucun usage médical accepté » et présente un « fort potentiel d’abus ». Il est rangé dans la même catégorie que l’héroïne ou le LSD. Absurde quand on sait que 38 États ont déjà légalisé le cannabis médical et 24 l’usage récréatif.
Passer en Schedule III le mettrait au niveau de certains antalgiques codéinés ou de la kétamine : reconnu comme ayant un usage médical, mais toujours sous contrôle. Ce n’est pas la légalisation totale, mais c’est une révolution.
- Les entreprises pourraient enfin ouvrir des comptes bancaires normalement
- Les déductions fiscales deviendraient possibles (actuellement interdites)
- La recherche médicale exploserait
- Les investisseurs institutionnels entreraient massivement dans le secteur
En clair : on passerait d’une économie parallèle à une industrie mature, cotée en bourse et régulée. Wall Street salive déjà.
L’appel qui a tout changé
L’histoire est presque comique. Lors d’un appel avec Mike Johnson, président républicain de la Chambre des représentants, Trump aborde le sujet. Johnson, conservateur louisianais, sort ses études : « Monsieur le Président, les jeunes, la santé mentale, les accidents… »
À l’autre bout du fil, Trump a convoqué des patrons du secteur et même le futur secrétaire à la Santé. Chacun répond point par point. Johnson reste sceptique, mais Trump, lui, sort de l’appel plus déterminé que jamais.
« On étudie la question. Certains sont pour, d’autres contre. Personnellement, je penche plutôt vers l’assouplissement.
– Donald Trump, août 2025
Cette phrase, prononcée il y a quelques mois, prend aujourd’hui tout son sens.
Un secteur qui fait déjà vivre des millions d’Américains
On a tendance à l’oublier, mais le cannabis légal emploie déjà plus de 400 000 personnes à temps plein aux États-Unis. Plus que l’industrie du charbon à son apogée. Et ce chiffre explose chaque année.
Dans le Colorado, les taxes sur le cannabis ont financé des écoles. En Californie, elles comblent des trous budgétaires. Même des États républicains comme l’Oklahoma ou le Missouri ont sauté le pas, tant les rentrées fiscales sont juteuses.
J’ai discuté récemment avec un cultivateur du Michigan. Il me disait : « Avant, j’étais fermier de maïs. Aujourd’hui, je gagne trois fois plus et je paie mes impôts. Qui sont les vrais criminels ? » La réponse est évidente.
Les résistances persistent (et elles sont sérieuses)
Tout n’est pas gagné. Une partie du camp républicain reste vent debout. Les arguments ? Santé mentale des jeunes, augmentation des psychoses, accidents de la route. Ils ne sortent pas de nulle part : certaines études montrent une corrélation entre forte consommation et troubles psychiatriques chez les adolescents.
Mais – et c’est là que ça devient intéressant – les mêmes études montrent que la légalisation encadrée réduit la consommation chez les mineurs (car le marché noir disparaît) et fait chuter les arrestations pour possession simple. Le diable est dans les détails.
Et Biden dans tout ça ?
Beaucoup l’ont oublié, mais l’administration Biden avait déjà lancé le processus de reclassement en 2023. La DEA avait recommandé le passage en Schedule III… puis tout s’est enlisé dans les méandres administratifs. Trump risque simplement de reprendre le dossier là où son prédécesseur l’a laissé.
Ironie de l’histoire : la réforme qui pourrait devenir l’une des plus marquantes du second mandat Trump a été initiée par… Joe Biden.
Ce que ça changerait pour vous (oui, vous)
Si vous êtes investisseur, préparez-vous à une vague verte en bourse. Les titres comme Curaleaf, Green Thumb ou Trulieve pourraient doubler en quelques mois.
Si vous êtes consommateur dans un État légal, pas grand-chose au quotidien. Mais vous paieriez probablement moins cher (fin des marges folles liées à l’insécurité juridique).
Si vous êtes parent, les études sont partagées. Mais une chose est sûre : le cannabis ne disparaîtra pas. Mieux vaut un marché régulé, testé et taxé qu’un marché noir aux produits frelatés.
Et demain ?
La décision finale n’est pas encore prise. Trump peut encore changer d’avis – il l’a déjà fait sur bien des sujets. Mais tous les signaux sont au vert (sans jeu de mots).
Ce qui est certain, c’est que nous assistons peut-être à la fin d’un tabou vieux de cinquante ans. La War on Drugs version Nixon appartient peut-être bientôt au passé. Et c’est un président républicain, ancien champion de la ligne dure, qui pourrait porter le coup de grâce.
La politique, parfois, réserve des surprises qu’aucun scénariste n’aurait osé écrire.
À suivre de très près.
