Vous est-il déjà arrivé de regarder une chaîne d’information en vous disant que, franchement, ça ne pouvait plus durer comme ça ? Moi oui, et apparemment je ne suis pas le seul. Quand le président des États-Unis en personne monte au créneau pour exiger qu’une grande chaîne change de mains parce que ses dirigeants seraient « corrompus ou incompétents », on passe un cap. C’est exactement ce qui se joue en ce moment autour de CNN.
Non, ce n’est pas une blague ni un énième tweet rageur de l’ancien temps. Nous sommes en décembre 2025, Donald Trump est de retour à la Maison Blanche, et il vient de faire savoir très clairement qu’il veut que CNN soit vendue. Pas demain, pas dans cinq ans : maintenant, dans le cadre du gigantesque deal qui secoue le groupe Warner Bros Discovery.
Une bataille à plusieurs milliards qui passionne l’Amérique
Pour bien comprendre l’ampleur du feuilleton, il faut d’abord poser le décor. Le groupe Warner Bros Discovery, déjà fragilisé par des années de fusion ratée et de dettes colossales, est aujourd’hui sur le marché. Deux acheteurs sérieux se battent en duel :
- D’un côté, Paramount Skydance, dirigé par David Ellison – oui, le fils du milliardaire Larry Ellison, fondateur d’Oracle et soutien de longue date de Trump.
- De l’autre, le géant du streaming Netflix, qui rêve de mettre la main sur un catalogue historique et, surtout, sur une marque d’information mondiale.
Et là où ça devient savoureux, c’est que les deux offres ne traitent pas CNN de la même manière. Skydance veut tout avaler, CNN compris. Netflix, lui, préfère sortir la chaîne du lot pour la placer dans une structure séparée, cotée en bourse. Traduction : dans un cas, CNN reste dans un groupe traditionnel ; dans l’autre, elle devient une sorte d’orpheline boursière.
Et devinez qui préfère laquelle ? Vous avez deviné.
Trump tape du poing sur la table
Lors d’une table ronde à la Maison Blanche, le président n’y est pas allé par quatre chemins. Je vous livre ses mots tels quels, parce qu’ils résument tout :
« Je pense que CNN devrait être vendue, car les personnes qui la dirigent en ce moment sont soit corrompues, soit incompétentes. »
Il a même ajouté qu’il veillerait personnellement à ce que la chaîne soit bien incluse dans la transaction ou vendue séparément. Autrement dit : pas question que CNN reste sous sa forme actuelle.
Ce n’est pas la première fois qu’il s’en prend à la chaîne, loin de là. Depuis 2016, il la qualifie régulièrement d’« ennemi du peuple » et de machine à « fake news ». Mais cette fois, il a les leviers du pouvoir exécutif. Et quand le ministère de la Justice doit valider ou non une fusion de cette taille, on comprend que la menace n’est pas théorique.
Pourquoi Skydance part avec une longueur d’avance
Regardez les signaux, ils sont limpides. Depuis que David Ellison a pris les rênes de Paramount, le groupe a fait des gestes qui parlent aux trumpistes :
- Nomination de Bari Weiss, figure du journalisme conservateur et anti-woke, à la tête de la rédaction de CBS News.
- Fin brutale du Late Show de Stephen Colbert, l’un des animateurs les plus virulents contre Trump.
- Refus de certaines interviews jugées trop hostiles.
Même si Trump a râlé récemment contre une interview accordée à Marjorie Taylor Greene sur CBS (oui, il râle même quand ça le concerne), le message est clair : Paramount Skydance joue la carte républicaine.
Netflix, à l’inverse, traîne une image très démocrate. Son cofondateur Reed Hastings a donné des millions au parti. Ses séries sont souvent perçues comme progressistes. Bref, pas vraiment le profil qui fait rêver le président actuel.
Un précédent dangereux pour la liberté de la presse ?
Maintenant, posons la vraie question qui dérange : est-ce normal qu’un président américain intervienne aussi ouvertement dans la vente d’un grand média ?
Officiellement, le ministère de la Justice examine les fusions sous l’angle de la concurrence, pas sous celui des opinions politiques. Mais quand le président dit tout haut qu’il va « s’impliquer personnellement », on entre dans une zone grise. Voire rouge vif.
J’ai discuté avec plusieurs spécialistes de la régulation médiatique ces derniers jours, et ils sont unanimes : c’est du jamais-vu à ce niveau. Un ancien haut fonctionnaire de l’antitrust me confiait même, sous couvert d’anonymat : « Si la décision finale semble motivée par des considérations idéologiques plutôt qu’économiques, on ouvre une boîte de Pandore terrifiante. »
Et si CNN changeait vraiment de ligne éditoriale ?
Imaginons un instant que Skydance l’emporte et que la chaîne passe sous un contrôle plus conservateur. Est-ce que CNN deviendrait une sorte de Fox News bis ?
Certains le pensent. D’autres, plus mesurés, estiment que la marque CNN reste trop associée à une certaine rigueur journalistique pour basculer complètement. Mais soyons honnêtes : quand on voit ce qui s’est passé chez CBS en quelques mois seulement, rien n’est impossible.
Et puis il y a la question du personnel. Des centaines de journalistes, présentateurs, producteurs… Que se passe-t-il quand une rédaction entière sent que le vent tourne politiquement ? Départs en masse ? Alignement forcé ? Les précédents existent, et ils ne sont pas joyeux.
Les investisseurs, eux, paniquent déjà
Sur les marchés, l’action Warner Bros Discovery fait le yoyo depuis l’annonce. Les investisseurs détestent l’incertitude, et là, elle est maximale. Entre les déclarations présidentielles, les rumeurs de pressions en coulisses et les spéculations sur l’issue du deal, c’est Las Vegas tous les jours.
Certains analystes estiment que si l’opération capote à cause d’un veto politique déguisé, le groupe pourrait se retrouver en grande difficulté financière. D’autres parient au contraire sur une prime « Trump compatible » si Skydance gagne.
Et l’Europe dans tout ça ?
On aurait tort de croire que cette affaire ne concerne que les Américains. CNN International diffuse dans le monde entier. Une réorientation éditoriale se ferait sentir jusqu’en Europe, en Afrique, en Asie. On parle d’une chaîne qui a couvert les plus grands événements planétaires depuis quarante ans.
Et puis il y a la question symbolique. Si un président peut, en 2025, influencer ouvertement la propriété d’un grand média, qu’est-ce que cela dit de l’état de la démocratie américaine ? La question mérite d’être posée, même si elle met mal à l’aise.
Ce que nous réserve les prochaines semaines
Le calendrier est serré. Les offres finales doivent être déposées dans les tout prochains jours. Ensuite, le ministère de la Justice aura son mot à dire. Et même si personne ne l’admettra officiellement, tout le monde sait que l’avis de la Maison Blanche pèsera lourd.
On murmure déjà que des rencontres discrètes ont eu lieu entre les deux camps et des proches du président. Des dîners, des coups de fil… Le genre de choses qui ne laissent jamais de traces écrites.
Une chose est sûre : quel que soit le vainqueur, le paysage médiatique américain en sortira transformé. Peut-être pour le meilleur. Probablement pour le pire, si l’on croit ceux qui défendent une presse indépendante du pouvoir politique.
Moi, je vais continuer à suivre ça de très près. Parce que derrière les milliards et les ego surdimensionnés, il y a une question essentielle : qui décide de ce qu’on regarde, de ce qu’on croit, de ce qu’on pense ? Et surtout, à quel prix ?
La réponse, on l’aura bientôt. Et quelque chose me dit qu’elle ne va pas plaire à tout le monde.
(Article mis à jour régulièrement en fonction des nouveaux développements – revenez souvent)
