Imaginez-vous à 1 300 mètres d’altitude, sous un soleil d’été qui tape déjà fort en décembre, face à une équipe sud-africaine réputée pour bouffer ses adversaires à la maison. Et pourtant, en à peine plus d’une heure vingt, tout bascule. L’Union Bordeaux-Bègles vient de signer l’un des exploits les plus fous de ces dernières années en Champions Cup. 33-46, sept essais, et un message envoyé à toute l’Europe : les Girondins sont toujours là, et ils n’ont pas l’intention de rendre leur couronne sans se battre.
Franchement, quand j’ai vu le score à la pause (33-22), je me suis dit que le voyage allait être long jusqu’au retour. Et puis… non. Le rugby, parfois, c’est aussi ça : un sport où tout peut vriller en une mi-temps.
Un début de match complètement dingue
Les vingt-trois premières minutes ? Un festival offensif bordelais qui laisse tout le monde bouche bée. Damian Penaud ouvre le bal dès la 4e minute en bout de ligne, Louis Bielle-Biarrey double la mise huit minutes plus tard en venant se faufiler côté fermé, et Maxime Lamothe, le talonneur, profite d’un trou de souris pour le troisième essai. Trois essais en un rien de temps, 19-7 au tableau, on se dit que l’UBB va marcher sur Pretoria.
Sauf que non. Les Blue Bulls, piqués au vif devant leur public (même si les tribunes étaient désespérément clairsemées), répondent coup pour coup. À chaque fois que Bordeaux marque, les Sud-Afs répliquent presque immédiatement. C’est du ping-pong rugby version XXL. On finit la première période avec cinq essais sud-africains contre trois bordelais. 33-22 à la pause. L’altitude ? La chaleur ? La fatigue du voyage ? Un peu de tout ça sans doute.
« On a été trop laxistes en défense, on a laissé trop d’espaces. Mais on savait qu’on avait la capacité à renverser ça au retour des vestiaires. »
Un cadre de l’UBB, en sortie de match
Le tournant : une seconde période maîtrisée
Ce qui s’est passé après la pause, c’est du rugby de très haut niveau. Yannick Bru et son staff ont visiblement tapé du poing sur la table. L’UBB revient avec un tout autre visage : plus compacte, plus agressive sur les impacts, et surtout bien plus réaliste.
Boris Palu aplatit dès la 49e après une pénaltouche bien négociée. Puis Louis Bielle-Biarrey, encore lui, conclut un contre éclair après un rebond favorable. 33-34, les Bordelais repassent devant. Et là, plus rien ne les arrêtera.
- 69e : combinaison magique Depoortere – Penaud – Jalibert → essai
- 72e : contre supersonique conclu par Salesi Rayasi
- Entre-temps : trois essais sauvés de justesse sur la ligne bordelaise
Sept essais au total. Sept. En déplacement. À Pretoria. Face à une franchise sud-africaine censée dominer la compétition à domicile. Chapeau bas.
Jalibert et Bielle-Biarrey : les flèches qui font mal
Parlons-en, des deux hommes du match. Mathieu Jalibert a été… comment dire… dans un jour avec. Lectures parfaites, jeu au pied chirurgical, et cette capacité à accélérer le jeu quand il le sent. Il a distribué, il a fixé, il a marqué des points au pied quand il le fallait. Un patron.
Et puis il y a Louis Bielle-Biarrey. Le gamin de 22 ans a simplement été injouable. Deux essais, une présence constante sur les contre-attaques, des appuis de feu. Quand il part au ras, il n’y a plus personne. Franchement, voir un ailier français mettre autant le feu en Afrique du Sud, ça fait plaisir.
Damian Penaud, Yorick Moefana, Nicolas Depoortere, Maxime Lamothe… toute la ligne d’attaque a répondu présent. Même Maxime Lucu, discret en première période, a su remettre l’église au milieu du village après la pause.
L’altitude, ce faux ennemi
On l’entend à chaque fois : « Attention, Pretoria, c’est dur, l’altitude, la chaleur… » Oui, c’est vrai. Mais l’UBB a montré que ça se travaille. Les joueurs ont semblé souffrir en première période, c’est clair. Respiration courte, placages manqués, turnovers évitables. Et pourtant, ils ont su s’adapter.
Peut-être que l’expérience de la finale gagnée l’an dernier joue. Peut-être que le groupe est tout simplement plus mature. En tout cas, cette victoire à l’extérieur, face à une équipe du calibre des Bulls, c’est un sacré signal envoyé aux Toulouse, Leinster, Northampton et compagnie.
Ce que ça change pour la suite
Avec ce succès bonifié (5 points), Bordeaux prend déjà une petite option sur la qualification. Dans une poule où chaque point va compter, partir avec une victoire à l’extérieur, qui plus est avec le bonus offensif, c’est énorme.
Prochain rendez-vous ? La réception des Anglais de Northampton, finalistes l’an dernier, le week-end prochain à Chaban-Delmas. Si l’UBB arrive à enchaîner, on pourra vraiment commencer à parler de doublé. Oui, je sais, on n’en est pas là. Mais avouez que ça fait rêver.
« On ne défend pas un titre, on essaye d’en gagner un nouveau. »
Yannick Bru, manager de l’UBB
Et quelque part, cette phrase résume tout. L’UBB ne se repose pas sur ses lauriers. Ils attaquent, ils osent, ils vont chercher les matchs là où ça fait mal. Pretoria en a fait l’expérience. Les autres équipes de la Champions Cup sont prévenues : les Bordelais sont revenus avec la même faim.
Personnellement, je n’ai pas souvenir d’un déplacement aussi réussi pour un club français en Afrique du Sud depuis très longtemps. Peut-être jamais à ce niveau. Ce 33-46, c’est plus qu’une victoire. C’est une démonstration. Et quelque chose me dit que cette saison européenne va encore nous réserver de sacrés moments.
Allez l’UBB. Et rendez-vous la semaine prochaine pour voir si la machine bordelaise peut garder ce rythme infernal. Parce que là, franchement, c’est du très lourd.
