Il est un peu plus de minuit quand le centre de Kiev se réveille en sursaut. Des détonations sourdes, puis le hurlement des sirènes. Encore une fois. Mais cette nuit-là, quelque chose cloche dans le timing : quelques heures seulement après que Volodymyr Zelensky a annoncé le départ de son plus proche collaborateur, Andriï Iermak. Coïncidence ? J’ai du mal à y croire.
Quand la politique intérieure et la guerre se télescopent
Je suis ce conflit ukrainien depuis le premier jour, et je peux vous dire une chose : jamais un événement politique aussi lourd n’avait été suivi d’une attaque d’une telle intensité sur la capitale avec une synchronisation aussi parfaite. C’est presque trop gros pour être un hasard.
Reprenons depuis le début.
Une nuit particulièrement violente
Dans la nuit du vendredi au samedi, les défenses antiaériennes ukrainiennes ont abattu des dizaines de drones Shahed et autres engins russes au-dessus de Kiev et de sa région. Mais certains sont passés.
Le bilan officiel, à l’heure où j’écris ces lignes, fait état d’au moins un mort et 11 blessés, dont plusieurs femmes et un adolescent de 13 ans. Des immeubles de 25 et 14 étages ont été touchés, des maisons individuelles détruites, des voitures calcinées. Le genre de scène qu’on ne souhaite à personne, surtout pas en plein hiver qui approche.
« Restez aux abris ! »
Message de l’administration militaire de Kiev à l’aube
À l’aube, nouvelle alerte : un MiG-31K russe décolle avec, à son bord, un missile Kinzhal hypersonique. La menace est prise très au sérieux. Heureusement, cette fois, rien n’a touché la capitale.
Andriï Iermak, l’homme qui concentrait tous les pouvoirs
Pour comprendre l’onde de choc, il faut revenir 24 heures en arrière. Andriï Iermak, 54 ans, ancien producteur de cinéma devenu chef de cabinet de Zelensky, n’était pas simplement un conseiller. C’était l’homme fort du régime.
Il décidait qui voyait le président et qui ne le voyait pas. Il menait les négociations secrètes avec les Américains. Il contrôlait une grande partie des flux financiers liés à la guerre. Beaucoup, à Kiev comme à l’étranger, le surnommaient le « vice-président » ou même le « vrai président ».
Et puis, patatras. Une enquête anticorruption massive éclate. Perquisitions à son domicile, écoutes téléphoniques où il serait désigné sous le pseudonyme « Ali Baba », accusations de détournement de près de 86 millions d’euros dans le secteur énergétique… Le scandale était trop gros pour être étouffé.
Volodymyr Zelensky n’avait plus le choix. Vendredi soir, il annonce qu’Iermak a « présenté sa démission ». Quelques heures plus tard, il signe le décret officiel. Le message est clair : je coupe la branche pour sauver l’arbre.
Un limogeage qui tombe au pire moment
Le timing est catastrophique. Une délégation ukrainienne doit s’envoler ce week-end pour les États-Unis afin de poursuivre les discussions sur le plan américain de sortie de guerre. Iermak était censé en être le chef. Aujourd’hui, tout est à reconstruire.
Zelensky appelle à « ne pas perdre l’unité ». Traduction : j’ai peur que le pays se fracture entre ceux qui me soutiennent encore et ceux qui pensent que je couvre la corruption depuis trop longtemps.
Car oui, même en temps de guerre, la politique reprend ses droits. Et elle reprend même ses droits avec encore plus de violence.
Moscou a-t-il profité de la faiblesse du moment ?
C’est la grande question que tout le monde se pose à Kiev ce matin.
Le Kremlin suit évidemment de très près la situation politique ukrainienne. Voir le clan Zelensky vaciller, c’est une opportunité en or. Lancer une attaque massive sur la capitale juste après le limogeage d’Iermak, c’est envoyer un message très clair : « Vous êtes fragiles, on le sait, et on peut frapper quand on veut. »
Certains analystes militaires que je suis depuis longtemps estiment que la préparation d’une telle attaque prend plusieurs jours. Donc, en théorie, elle était déjà planifiée. Mais le fait de la déclencher précisément cette nuit-là… ça sent la décision politique prise au plus haut niveau russe.
Ce que ça change (ou pas) sur le terrain
À court terme, pas grand-chose. Les drones continueront de pleuvoir, les soldats mourront sur le front, et la population civile continuera de vivre dans la peur.
Mais à moyen terme, ce double événement – limogeage + attaque – pourrait avoir des conséquences lourdes conséquences :
- Une perte de confiance des partenaires occidentaux au moment où l’administration Trump prépare son plan de paix
- Une possible accélération des négociations, car Zelensky est affaibli
- Un durcissement de la population ukrainienne qui pourrait voir dans cette attaque une raison supplémentaire de ne rien céder
- Ou au contraire, une lassitude croissante après quatre ans de guerre et de scandales
Personne ne sait vraiment quelle option l’emportera. L’histoire nous a appris que les Ukrainiens ont une résilience incroyable, mais il y a des limites à tout.
Et maintenant ?
Zelensky doit nommer un nouveau chef de cabinet en urgence. Il doit rassurer ses alliés. Il doit montrer qu’il maîtrise encore la situation. Et surtout, il doit préparer la réponse militaire et diplomatique à cette nouvelle provocation.
De son côté, la Russie va probablement intensifier la pression, persuadée d’avoir trouvé une faille.
Une chose est sûre : nous venons de vivre un tournant. Pas forcément le dernier, mais un de ceux dont on se souviendra quand on écrira l’histoire de cette guerre.
Parce qu’en Ukraine, plus qu’ailleurs, le politique et le militaire ne font qu’un. Et quand l’un vacille, l’autre en profite immédiatement.
Prenez soin de vous. Et gardez les yeux grands ouverts, les prochains jours risquent d’être agités.
