Vous êtes attablé, lumière tamisée, musique électro douce en fond. L’écran géant s’allume. Un homme blond, lunettes futuristes qui cachent ses yeux, vous salue d’une voix chaude : « Bonsoir, je suis votre chef ce soir. » Sauf qu’il n’existe pas vraiment. C’est une intelligence artificielle. Et dans quelques minutes, vous allez goûter… du dinosaure. Bienvenue à Dubaï, là où même la science-fiction finit par passer à table.
Quand l’intelligence artificielle se met aux fourneaux
Franchement, la première fois que j’ai entendu parler d’un « chef IA » qui ouvre un restaurant, j’ai cru à une blague. Un peu comme ces concepts de burgers imprimés en 3D qui font le tour des réseaux tous les six mois avant de disparaître. Et puis j’ai vu les photos. Un cylindre lumineux trônant au milieu de la salle, des hologrammes partout, un avatar qui présente ses créations comme s’il sortait tout droit d’un film de Spielberg. Là, j’ai compris que ça devenait sérieux.
Le lieu s’appelle Woohoo. Situé en plein cœur du downtown de Dubaï – vous savez, là où les immeubles se battent pour toucher le ciel –, il se présente sans détour comme le premier restaurant au monde entièrement conçu par une intelligence artificielle. Pas juste un jouet marketing : l’IA signe les recettes, corrige les assaisonnements, et discute même avec les cuisiniers humains quand quelque chose cloche.
Aiman, la star qui n’a jamais tenu une casserole
Le héros de l’histoire s’appelle Aiman. Un modèle d’intelligence artificielle développé localement, entraîné sur des décennies de recherches en gastronomie moléculaire et des milliers de recettes du monde entier. Visuellement, il apparaît sous la forme d’un hologramme grandeur nature : chemise blanche impeccable, barbe de trois jours, regard masqué par des lunettes high-tech. Un peu le fils caché de Tony Stark et de Gordon Ramsay.
Mais attention : Aiman ne touche à rien. Il ne coupe pas, ne fait pas revenir, ne dresse même pas l’assiette. Son boulot ? Imaginer. Composer des associations que personne n’aurait osé tenter. Et là où ça devient complètement fou, c’est quand il décide de recréer le goût… d’un dinosaure.
Le tartare qui fait trembler Jurassic Park
Oui, vous avez bien lu. L’une des signatures du restaurant s’appelle le tartare de dinosaure. Prix ? Environ 50 euros l’assiette. La viande (ou ce qui en a l’apparence) est servie crue, découpée en petits cubes, posée sur une assiette qui pulse doucement comme si elle respirait. Effet garanti.
Évidemment, personne n’a décongelé un T-Rex. L’idée repose sur des études génétiques et des modélisations biochimiques : en analysant l’ADN fossile et les animaux les plus proches (oiseaux, crocodiles), l’IA a tenté de reconstituer ce que pouvait être le profil gustatif d’un stégosaure ou d’un vélociraptor. Le résultat ? Un mélange savant de viandes maturées, d’épices oubliées et de textures inattendues. Certains clients jurent que ça a un petit goût de gibier préhistorique. Moi, je reste sceptique… mais curieux.
« C’était une vraie surprise. Absolument délicieux. Un peu comme du bœuf très tendre avec une pointe sauvage que je n’arrive pas à identifier. »
Un client turc, juste après avoir fini son assiette
Derrière le rideau : des humains sauvent encore la mise
Ne nous mentons pas. Si l’IA conçoit, ce sont bien des cuisiniers en chair et en os qui exécutent. Et parfois, ils corrigent. Le chef exécutif – un vrai, lui – goûte, fronce les sourcils, retourne voir l’écran géant et lance : « Aiman, c’est trop pimenté. » L’intelligence artificielle recalcule, propose une version 2.0 en quelques secondes. On est loin du robot qui fait tout tout seul.
C’est d’ailleurs là que le bât blesse pour beaucoup de professionnels. Un grand chef syrien installé à Dubaï, étoilé s’il vous plaît, a été très clair :
« Un chef IA, ça n’existe pas. En cuisine, il y a le nafas, cette âme, cette émotion que seul un humain peut transmettre. Une machine peut copier, jamais créer avec le cœur. »
Difficile de lui donner complètement tort. Après tout, la cuisine, c’est aussi des souvenirs d’enfance, des voyages, des ratés magnifiques à 3 heures du matin. Est-ce qu’une IA peut vraiment comprendre ça ?
Dubaï, terrain de jeu parfait pour ce genre de folie
Mais soyons honnêtes : si cet endroit devait voir le jour quelque part, c’était forcément là. Dubaï adore le « premier », le « plus grand », le « jamais vu ». Un restaurant avec un chef holographique ? Ça colle parfaitement à l’ADN de la ville. Les influenceurs se bousculent déjà, les stories Instagram explosent, le compte officiel de l’IA poste des reels où Aiman explique comment il a « rêvé » sa dernière création.
Et le public suit. Parce qu’ici, on ne vient pas seulement manger : on vient vivre une expérience. Un peu comme aller voir un spectacle immersif, mais où on peut avaler le décor.
- Hologrammes qui dansent entre les tables
- Assiettes qui changent de couleur selon la température
- Parfums diffusés en salle pour renforcer les arômes
- Musique générée en temps réel selon l’humeur détectée des clients
On est loin du petit bistrot de quartier, et c’est précisément le but.
L’IA va-t-elle vraiment révolutionner nos assiettes ?
La question qui brûle toutes les lèvres : est-ce le futur ou juste un feu de paille spectaculaire ? Personnellement, je penche pour un entre-deux. L’intelligence artificielle excelle déjà à optimiser, à trouver des accords improbables, à réduire le gaspillage. Des grands groupes l’utilisent d’ailleurs en coulisses depuis des années pour mettre au point des recettes industrielles.
Mais remplacer la créativité humaine ? J’ai du mal à y croire. La cuisine, c’est aussi l’imperfection, le feeling, le « oups j’ai mis trop de sel mais en fait c’est génial ». Une IA auraait difficilement des erreurs heureuses.
Cela dit, ce restaurant pose une question fascinante : et si demain, les plus grands chefs n’étaient plus des humains, mais des algorithmes capables d’avoir goûté – virtuellement – toutes les cuisines du monde ? Un peu flippant. Beaucoup excitant.
Ce que ça dit de notre époque
Au-delà du gadget, Woohoo est un miroir grossissant de notre rapport à la technologie. On veut du neuf, du jamais-vu, même si c’est parfois too much. On accepte qu’une machine prenne des décisions créatives, là où il y a dix ans on aurait crié au sacrilège.
Et puis il y a cette course permanente à l’expérience ultime. Manger n’est plus suffisant. Il faut que ça pulse, que ça brille, que ça fasse une story. Est-ce que c’est grave ? Pas forcément. Tant que de temps en temps, on se rappelle aussi le plaisir simple d’un plat de grand-mère.
En attendant, je garde une place dans un coin de ma tête – et de mon agenda – pour aller tester ce fameux tartare de dinosaure. Parce qu’après tout, qui peut résister à l’idée de dire un jour : « J’ai mangé du T-Rex, et c’était pas mal. »
Et vous, prêts à laisser une IA vous concocter votre prochain dîner ? Ou vous restez fidèles au bon vieux chef qui râle quand on lui demande bien cuit ? Dites-moi tout en commentaire, je suis curieux de savoir où vous placeriez la limite.
