Imaginez-vous marcher dans un square paisible, au cœur d’une ville qui ne dort jamais. Les arbres bruissent doucement, le bitume scintille sous une lumière matinale, et là, au détour d’une allée, une plaque discrète attire votre regard. Un nom : Amara Dioumassy. Un homme, un père, un ouvrier. Un symbole. Cette allée, nichée dans le XIIIe arrondissement de Paris, ne porte pas le nom d’un général ou d’un artiste célèbre, mais celui d’un travailleur immigré, mort tragiquement sur un chantier. Pourquoi ce choix ? Parce que, parfois, une ville se doit de rendre hommage à ceux qui la construisent, dans l’ombre, au prix de leur vie.
Un Hommage qui Résonne au-delà des Murs
Le 4 juin 2025, les élus parisiens ont pris une décision qui, à première vue, pourrait sembler anodine : nommer une allée en mémoire d’un ouvrier. Mais derrière ce geste, il y a une histoire, une tragédie, et surtout une prise de conscience. Amara Dioumassy, père de douze enfants, est mort le 16 juin 2023, écrasé par un camion sur le chantier du bassin d’Austerlitz. Ce n’était pas un accident isolé, mais un drame qui a mis en lumière des failles criantes dans la sécurité des chantiers. Pourquoi faut-il qu’un homme perde la vie pour qu’on parle enfin des conditions de travail des plus précaires ?
Je me suis souvent demandé ce que ressentent les familles de ces travailleurs, ceux qu’on voit à peine, casque vissé sur la tête, sous le vacarme des grues. Ce jour-là, à Paris, les élus ont voulu répondre à cette question, non pas avec des mots, mais avec un acte fort : une dénomination. Une façon de dire que chaque vie compte, même celles qu’on oublie trop vite.
Qui Était Amara Dioumassy ?
Amara Dioumassy n’était pas une figure publique. Arrivé du Mali en 2010, il était l’un de ces milliers de travailleurs immigrés qui façonnent nos villes. Il travaillait dur, dans des conditions souvent rudes, pour subvenir aux besoins de sa grande famille. Douze enfants, une vie de labeur, et une fin brutale. Le 16 juin 2023, un camion de chantier, dépourvu de signal sonore en marche arrière, l’a percuté. Un accident évitable, selon de nombreux observateurs. Une tragédie qui aurait pu passer inaperçue si des voix ne s’étaient élevées pour réclamer justice.
Ce drame aurait pu être évité si les normes de sécurité avaient été respectées.
– Un représentant syndical
Ce n’est pas juste une histoire d’accident. C’est l’histoire d’un homme qui incarnait une réalité trop souvent ignorée : celle des travailleurs précaires, souvent immigrés, qui construisent nos immeubles, nos routes, nos métros. Amara Dioumassy n’était pas qu’un nom sur un registre de chantier. Il était un père, un mari, un homme avec des rêves, des espoirs, et une dignité que la société a parfois du mal à reconnaître.
Un Chantier aux Failles Béantes
Le chantier du bassin d’Austerlitz, où Amara a perdu la vie, n’était pas un site estampillé pour les Jeux olympiques, où les normes de sécurité sont souvent plus strictes. Ici, les manquements étaient criants. Pas de bip de recul sur le camion, pas de délimitation claire des voies pour les piétons et les engins, et un manque global de supervision. Des experts du domaine ont pointé du doigt des manquements graves, dénoncés par des inspections et des syndicats. Ce n’était pas une fatalité, mais un échec systémique.
Ce genre de situation me révolte, je l’avoue. Combien de fois a-t-on entendu parler d’accidents sur des chantiers, balayés sous le tapis comme des “risques du métier” ? Ce n’est pas acceptable. Chaque ouvrier mérite de rentrer chez lui le soir, sain et sauf. Pourtant, les statistiques sont implacables : en France, le secteur du bâtiment reste l’un des plus dangereux, avec des centaines d’accidents graves chaque année.
| Secteur | Accidents mortels (2023) | Principales causes |
| Bâtiment | 120 | Chutes, collisions, électrocutions |
| Industrie | 85 | Machines, produits chimiques |
| Transport | 60 | Accidents routiers |
Un Acte de Mémoire et de Justice
Nommer une allée après Amara Dioumassy, c’est plus qu’un simple geste symbolique. C’est une façon de redonner une dignité à ceux que la société relègue trop souvent dans l’ombre. Les élus parisiens, toutes tendances confondues, ont salué cette initiative. Pour certains, c’est une manière de reconnaître la contribution des travailleurs immigrés à l’essor de la ville. Pour d’autres, c’est un rappel que la sécurité au travail doit devenir une priorité absolue.
Nous devons rendre visible ce que la société rend invisible : la dignité des travailleurs.
– Un élu local
En déambulant dans le square Marie-Curie, où cette allée a été inaugurée, on ne peut s’empêcher de réfléchir. Pourquoi faut-il attendre une tragédie pour agir ? Cette question, je me la pose souvent, et je n’ai pas toujours de réponse. Mais ce que je sais, c’est que cet hommage ne doit pas rester un simple nom sur une plaque. Il doit pousser les autorités, les entreprises, et nous tous, à exiger mieux.
La Précarité : Une Réalité Trop Silencieuse
Amara Dioumassy n’était pas un cas isolé. En France, des milliers de travailleurs, souvent immigrés, occupent des emplois précaires dans le bâtiment, l’entretien ou la logistique. Ils sont les rouages invisibles de nos villes, mais leurs conditions de travail restent alarmantes. Contrats temporaires, salaires bas, absence de formation adéquate : la liste des défis est longue.
- Contrats précaires : Beaucoup d’ouvriers travaillent via des agences d’intérim, sans garantie de stabilité.
- Manque de formation : Les travailleurs peu qualifiés sont souvent mal formés aux risques des chantiers.
- Pressions économiques : Les entreprises sous-traitantes, sous pression pour réduire les coûts, rognent parfois sur la sécurité.
J’ai vu, en discutant avec des ouvriers sur des chantiers parisiens, à quel point leur quotidien est fait de sacrifices. Ils se lèvent tôt, enchaînent les heures, et savent que le moindre faux pas peut leur coûter cher. Pourtant, leur travail est essentiel. Sans eux, pas de tours flambant neuves, pas de métros, pas de squares comme celui où repose désormais le nom d’Amara.
Vers une Meilleure Sécurité au Travail ?
Les autorités parisiennes ne sont pas restées les bras croisés. Des mesures ont été promises pour renforcer la sécurité sur les chantiers : contrôles plus fréquents, formations obligatoires, sanctions accrues pour les entreprises négligentes. Mais est-ce suffisant ? D’après les syndicats, il faut aller plus loin. Ils réclament des normes nationales plus strictes et une meilleure protection pour les travailleurs précaires.
La sécurité ne doit pas être une option, mais un droit inaliénable.
– Un militant pour les droits des travailleurs
Ce qui me frappe, c’est que ces mesures, bien qu’essentielles, arrivent souvent après coup. Pourquoi ne pas anticiper ? Pourquoi attendre qu’un drame fasse la une pour agir ? La réponse, souvent, réside dans une question de priorités. Les grands projets urbains, les délais serrés, les budgets limités… tout cela pousse parfois à négliger l’essentiel : la vie humaine.
Un Symbole pour l’Avenir
L’allée Amara Dioumassy, dans le square Marie-Curie, n’est pas qu’un lieu de mémoire. C’est un rappel constant que nos villes, si belles soient-elles, reposent sur le travail de milliers d’hommes et de femmes. C’est aussi un appel à l’action. Chaque pas dans cette allée devrait nous pousser à réfléchir : comment faire mieux ? Comment garantir que plus personne ne perde la vie pour avoir construit la nôtre ?
En tant que rédacteur, je ne peux m’empêcher de voir dans cet hommage une lueur d’espoir. Peut-être que cette plaque, discrète mais puissante, inspirera d’autres villes à reconnaître leurs héros oubliés. Peut-être qu’elle rappellera aux décideurs que la dignité du travail passe par la sécurité et le respect. Et peut-être, juste peut-être, qu’elle permettra à la famille d’Amara de trouver un peu de réconfort dans ce geste.
Et Maintenant, Que Faire ?
Si l’hommage à Amara Dioumassy est un pas dans la bonne direction, il ne doit pas être le dernier. Les chantiers continueront, les villes grandiront, mais à quel prix ? Voici quelques pistes pour aller plus loin :
- Renforcer les contrôles : Des inspections régulières et inopinées sur les chantiers.
- Former les travailleurs : Des sessions obligatoires sur les risques et les bonnes pratiques.
- Sanctionner les négligences : Des amendes lourdes pour les entreprises qui ne respectent pas les normes.
- Valoriser les précaires : Des contrats plus stables et des salaires décents pour les ouvriers.
En fin de compte, l’histoire d’Amara Dioumassy nous rappelle une vérité simple mais essentielle : une ville n’est pas seulement faite de béton et d’acier, mais de vies humaines. Honorer sa mémoire, c’est s’engager à protéger celles et ceux qui, jour après jour, construisent notre avenir.
La prochaine fois que vous passerez dans le XIIIe arrondissement, prenez un moment pour marcher dans cette allée. Lisez le nom sur la plaque. Et pensez à Amara, à sa famille, à tous ceux qui, comme lui, méritent qu’on ne les oublie pas.
