Vous est-il déjà arrivé de regarder les pistes noires bondées depuis le télésiège et de vous dire : « Non, pas aujourd’hui » ? Moi, oui. De plus en plus souvent. L’appel de la montagne sauvage, celle où l’on n’entend que le crissement des peaux de phoque et son propre souffle, est devenu irrésistible. Alors, quand on m’a proposé deux jours complets de ski de randonnée à Val d’Isère, je n’ai pas réfléchi longtemps.
Val d’Isère, c’est un peu le Saint-Graal pour qui veut sortir des sentiers battus tout en gardant une sécurité relative. Des itinéraires pour tous les niveaux, des refuges chaleureux, une neige souvent exceptionnelle et surtout cette sensation unique : être seul au monde à 3 000 mètres.
Pourquoi le ski de randonnée explose (et pourquoi j’ai craqué)
Depuis la pandémie, les chiffres sont formels : + 70 % de pratiquants en cinq ans dans les Alpes françaises. Les remontées mécaniques fermées nous ont forcés à redécouvrir la montagne autrement. Et franchement ? Beaucoup ne sont jamais revenus aux files d’attente des œufs.
Ce qui me plaît le plus, c’est cette dualité : l’effort intense de la montée qui vide la tête, suivi de cette récompense brutale que représente une descente dans une neige profonde, sans trace, où chaque virage écrit votre signature éphémère.
« Le ski de randonnée, c’est 80 % de montée pour 20 % de descente… mais ces 20 % valent tous les efforts du monde. »
Un moniteur croisé au Pisaillas
Jour 1 – Le baptême parfait : le vallon du Pisaillas
Premier jour, rendez-vous à 8 h au Fornet. Le moniteur arrive avec ce sourire tranquille des gens qui passent leur vie dehors. Objectif : le vallon du Pisaillas, un classique accessible mais tellement beau.
Les quinze premières minutes sont… rudes. Les cuisses brûlent, le sac semble peser une tonne, et je me demande pourquoi je ne suis pas resté au lit avec un chocolat chaud. Puis, magie : le rythme se cale, la respiration devient régulière, et je commence à regarder autour de moi.
Le soleil se lève derrière la Tsanteleina, la lumière rose inonde les faces nord. Pas un bruit à part le glissement rythmé des skis. On croise deux chamois qui nous regardent comme si on débarquait de Mars. Moment suspendu.
- 1 h 45 de montée pour 800 m de dénivelé
- Pente moyenne 25-30°, jamais trop raide
- Température ressentie –18 °C au départ, mais on finit en t-shirt
Arrivés au col, on retire les peaux, on boit un thé brûlant sorti du thermos. Et là… la récompense. 800 mètres de poudreuse légère, pas une trace. Je hurle comme un gamin dans la première descente. Le genre de virage où tu disparais jusqu’à la taille et où tu ris tout seul.
Jour 2 – On passe au niveau supérieur : la face ouest de la Sana
Le lendemain, on vise plus ambitieux. Départ depuis le Manchet, direction la face ouest de la Sana (3 050 m). Cette fois, c’est sérieux : 1 200 m de dénivelé positif, des passages à 35°, et une exposition qui demande un peu plus de vigilance.
La météo est parfaite, grand bleu, –10 °C, pas un souffle de vent. Les conditions idéales pour une neige transformée juste comme il faut en haut et encore froide en ubac.
Vers 2 800 m, on sort des arbres. Le paysage s’ouvre brutalement : toute la vallée de la Tarentaise à nos pieds, le Mont-Blanc au loin qui joue à cache-cache avec les nuages. Je m’arrête net. Parfois, la montagne vous rappelle simplement qui commande.
« Prends trente secondes. Regarde. Ça, personne ne pourra te l’enlever. »
Mon guide, en me voyant scotché
La descente ? Un rêve éveillé. La neige a légèrement croûté en surface, mais dessous c’est de la crème. On enchaîne les virages dans un silence absolu, juste le sifflement des spatules. À mi-parcours, une petite barre à sauter naturellement – je n’ai même pas réfléchi, j’y suis allé. Atterrissage parfait dans trente centimètres de fraîche. Souvenir gravé à vie.
Le matériel qui change tout (et les erreurs à ne pas faire)
Si vous débutez, ne faites pas l’impasse sur le matériel adapté. J’ai testé plusieurs configurations ces dernières années, voici ce qui marche pour moi :
- Skis : entre 85 et 95 mm au patin pour le compromis montée/descente
- Fixations : les pin (type Plum ou ATK) si vous voulez gagner 400 g par pied
- Peaux : mohair synthétique pour la glisse, ou mixte si vous montez souvent raide
- DVA-pelle-sonde : obligatoire, et sachez vous en servir (stage ARVA annuel recommandé)
- Vêtements : système trois couches + doudoune ultra-légère dans le sac
Erreur classique : trop charger le sac. 6-7 kg maximum tout compris (eau, pique-nique, matériel sécurité, vêtements). Chaque gramme superflu vous le payerez à la montée.
Où dormir et où manger quand on fait du ski rando à Val d’Isère
Perso, j’adore l’hôtel Avenue Lodge – emplacement parfait, sauna pour récupérer, et un petit-déjeuner de compet’. Mais il y a aussi des appartements très corrects si vous venez à plusieurs.
Pour manger le soir : La Fruitière (au pied de la Folie Douce) pour une fondue mémorable, ou L’Atelier d’Edmond (deux étoiles Michelin) si vous voulez vous faire vraiment plaisir après 1 500 m de dénivelé dans les jambes.
Alors, prêt à lâcher les remontées mécaniques ?
Le ski de randonnée, ce n’est pas qu’un sport. C’est une philosophie. On ralentit, on observe, on savoure. On accepte que pour vivre des moments rares, il faut parfois suer un peu – beaucoup.
Val d’Isère offre un terrain de jeu exceptionnel pour ça : des sorties à la journée accessibles depuis les remontées jusqu’aux grandes courses engagées vers le refuge de Prariond ou la traversée vers Bonneval.
Si vous hésitez encore, posez-vous cette simple question : préférez-vous faire la queue à Bellevarde avec 500 personnes ou tracer votre propre ligne dans un vallon immaculé au lever du soleil ?
Pour ma part, le choix est fait. Les peaux de phoque sont déjà prêtes pour la prochaine sortie. Et vous, vous venez quand ?
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Petit bonus : les 5 itinéraires que je rêve de faire la saison prochaine à Val d’Isère
- La traversée des dômes de la Vanoise
- Le couloir des Lessières en face nord
- Le tour du Charvet par le col de la Rocheure
- La descente du Grand Cocor depuis le col Pers
- Une nuit au refuge de la Femma pour le lever de soleil sur la Grande Casse
La liste est longue, et la saison ne fait que commencer…
