Imaginez la scène : vous êtes au bord du terrain du Parc des Princes un soir de Ligue des champions, 48 000 personnes hurlent, l’ambiance est électrique… et quelque part dans les tribunes présidentielles, on se dispute encore pour savoir à qui appartient vraiment ce bijou. Drôle, non ? Sauf que ça dure depuis 2013 et que tout le monde commence à être fatigué de cette blague qui n’en est plus une.
Ce week-end, un candidat sérieux à la mairie de Paris a remis une pièce dans la machine. S’il est élu en mars 2026, il n’exclut pas de soumettre la vente du stade au Conseil de Paris. Promesse de campagne ou vraie ouverture ? Franchement, j’ai envie d’y croire cinq minutes… puis je me rappelle le passé et je redescends très vite.
Un dossier qui traîne depuis plus de dix ans
Reprenons depuis le début, parce que sinon on s’y perd. Le PSG veut acheter le Parc des Princes depuis des lustres. Le club met des centaines de millions sur la table pour moderniser l’enceinte, la couvrir, augmenter la jauge, créer des boutiques, des restaurants, bref transformer le lieu en machine à cash toute l’année. Logique : tous les grands clubs européens possèdent leur stade.
Mais à Paris, le Parc appartient à la Ville. Et la Ville, ces dernières années, a toujours répondu la même chose : « Non merci, c’est un équipement public, hors de question de le brader ». Fin de la discussion. Le club menace alors de partir (Stade de France, nouveau stade à Poissy ou ailleurs), la mairie hausse les épaules, et on boucle la boucle.
Entre temps, le bail arrive à échéance en 2032. Sept ans, ça semble loin, mais dans l’immobilier public, c’est demain matin.
Que change vraiment la déclaration récente ?
Sur le papier, c’est énorme : un poids lourd de la majorité sortante ouvre la porte à une délibération au Conseil de Paris. C’est la première fois qu’un responsable de ce niveau dit clairement « pourquoi pas » au lieu du sempiternel « jamais ».
Mais quand on gratte un peu, la musique est moins joyeuse pour le PSG.
- Premier hic : l’intéressé n’est pas encore maire. Il doit d’abord gagner l’élection. Et à Paris, rien n’est joué d’avance.
- Deuxième hic : même élu, il lui faudra une majorité au Conseil. Or les écologistes et une partie de la gauche restent farouchement opposés à toute vente.
- Troisième hic : le prix. La mairie évalue le stade autour de 80-100 millions d’euros. Le club propose beaucoup plus, mais la Chambre régionale des comptes et la justice risquent de bloquer si l’écart est jugé trop important.
En clair : la porte est entrouverte, mais il y a encore dix verrous.
Pourquoi le PSG tient tant à devenir propriétaire
Posséder son stade, ce n’est pas un caprice de riche. C’est une question de survie économique au très haut niveau.
Quand vous êtes locataire, vous payez un loyer (environ 2 millions par an aujourd’hui) et surtout vous ne touchez presque rien les jours sans match. Un stade moderne rapporte 2 à 3 fois plus quand il est exploité 365 jours par an : concerts, séminaires, boutiques ouvertes 7j/7, naming, loges vendues aux entreprises toute l’année…
Regardez les chiffres des concurrents :
| Club | Stade | Recettes billetterie + hospitalités (2023/24) |
| Real Madrid | Bernabeu (propriétaire) | ≈ 260 M€ |
| Manchester United | Old Trafford (propriétaire) | ≈ 210 M€ |
| Tottenham | Tottenham Stadium (propriétaire) | ≈ 180 M€ |
| PSG | Parc des Princes (locataire) | ≈ 90 M€ |
Le fossé est abyssal. Et avec le fair-play financier qui se durcit, impossible de combler ça uniquement avec des sponsors ou des ventes de joueurs.
Les arguments de la mairie (et pourquoi ils tiennent la route)
De l’autre côté, on comprend aussi la position historique de la Ville. Le Parc des Princes n’est pas n’importe quel équipement : c’est un monument classé, situé dans le bois de Boulogne, avec des contraintes urbanistiques folles.
« Vendre le Parc, c’est vendre un morceau du patrimoine parisien » – l’argument revient sans cesse dans les couloirs de l’Hôtel de Ville.
Et puis il y a la crainte du précédent : si on vend au PSG, demain le Stade de France voudra être cédé à la FFR ou à la FFF, et ainsi de suite. Sans parler du risque que le club, un jour, décide de déménager malgré tout et laisse Paris avec un stade vide.
Le scénario du périphérique couvert : l’argument massue du PSG
Le club ne vient pas les mains vides. Son projet inclut la couverture du périphérique sur plusieurs centaines de mètres autour du stade, la création de parcs, de pistes cyclables, d’espaces verts. Coût estimé : plusieurs centaines de millions d’euros pris en charge à 100 % par le club.
C’est malin : transformer une nuisance (le périph qui coupe Paris en deux) en argument positif. Beaucoup d’urbanistes salivent devant ce projet. Mais là encore, la mairie freine : qui paiera l’entretien de cette couverture dans 30 ans ? Qui garantira que les travaux ne bloqueront pas le périph pendant des années ?
Et si on parlait argent (le vrai sujet qui fâche)
Le nerf de la guerre, c’est l’évaluation du stade. La Ville s’appuie sur les domaines qui estiment le Parc autour de 90 millions d’euros. Le PSG, lui, propose entre 300 et 400 millions selon les périodes.
Pourquoi un tel écart ? Parce que les domaines évaluent la vénale brute (valeur du terrain + bâti), alors que le club intègre la valeur d’utilité : ce que rapporte le stade à son exploitant. En droit français, pour une vente d’équipement public, c’est la première méthode qui prime. Résultat : si le PSG propose trop, la justice annulera la vente pour « prix manifestement sous-évalué ».
On a déjà vu ça avec le Stade de France : l’État a bloqué des ventes pour les mêmes raisons.
Les municipales 2026 : le vrai tournant (ou pas)
Maintenant, tout repose sur l’élection de 2026. Tous les candidats vont devoir se positionner. Celui qui promet la vente aura les supporters dans la poche, mais risque de perdre les électeurs écolos et une partie de la gauche traditionnelle.
Celui qui refuse sera applaudi par les gardiens du patrimoine, mais accusé de chasser le PSG de Paris. Perdu-perdu ? Peut-être qu’un compromis sortira : bail emphytéotique de 80 ou 99 ans, vente avec clause de rachat prioritaire par la Ville, partenariat public-privé sophistiqué… Les juristes planchent déjà.
Mon avis (parce qu’on est entre nous)
Franchement ? Je pense que le PSG finira par obtenir gain de cause. Pas en 2026, peut-être en 2028 ou 2030, mais la pression économique est trop forte. Les clubs-États ou clubs possédés par des fonds ont trop d’avance. Paris ne peut pas se permettre de rester avec un stade des années 70 face à des monstres modernes.
Mais la Ville a raison de négocier chèrement : c’est probablement la dernière fois qu’elle a la main sur un actif aussi stratégique. Et les supporters, dans tout ça ? On rêve tous d’un Parc modernisé, couvert, avec 60 000 places et des boutiques ouvertes le dimanche. Mais on sait aussi que le jour où le club partira (et un jour il partira, comme tous les clubs), Paris restera avec le stade sur les bras.
Alors oui, la déclaration récente fait bouger les lignes. Un tout petit peu. Mais on est encore très loin du happy end. Le dossier Parc des Princes, c’est un peu le Brexit du football français : tout le monde veut une solution, personne n’est d’accord sur la méthode, et ça dure, ça dure…
En attendant, on continuera à chanter « Ici c’est Paris » dans un stade qui ne nous appartient pas vraiment. Et quelque part, c’est aussi ça qui fait le charme.
