Quand on parle du Paris Saint-Germain, les noms qui reviennent immédiatement sont ceux de Nasser Al-Khelaïfi, Luis Enrique ou Luis Campos. Et pourtant, juste en dessous, il y a un homme que l’on voit rarement mais dont on ressent la présence partout. Un type discret, presque effacé, qui préfère les coulisses aux projecteurs. Victoriano Melero, 56 ans, directeur général du club depuis octobre 2024. Certains l’appellent « Victor le nettoyeur ». D’autres, plus caustiques, « l’Infantino du football français ». Deux surnoms qui en disent long sur la manière dont il est perçu.
Moi, ce qui me fascine chez lui, c’est cette capacité à avancer masqué tout en pesant lourd. Très lourd. On le croise peu en conférence de presse, jamais sur les plateaux télé. Et pourtant, quand il s’agit de négocier avec la Ligue, de faire avancer le projet de nouveau stade ou de calmer les tempêtes internes, c’est souvent lui qui est aux manettes. Alors, qui est vraiment Victoriano Melero ?
Un parcours taillé pour le pouvoir footballistique
Avant d’atterrir au PSG, Melero n’était pas un inconnu des couloirs du foot français. Loin de là. Juriste de formation, il a débuté dans des mondes très éloignés du ballon rond : droit des médias chez TF1, puis avocat spécialisé chez Clifford Chance. Un profil brillant, technique, habitué aux dossiers complexes.
Le virage football arrive en 2013. Il devient directeur général adjoint de la Fédération Française de Football, puis chef de cabinet de Noël Le Graët. Là, il gère les ressources humaines, les relations sociales, les crises. C’est à cette époque qu’il gagne son premier surnom : Victor le nettoyeur. Parce qu’il règle les problèmes. Parce qu’il sait trancher dans le vif quand il le faut. Et parce qu’il ne laisse jamais de traces.
En 2017, il pose ses valises au PSG comme secrétaire général sous Jean-Claude Blanc. Il observe, apprend, comprend très vite comment fonctionne le système Al-Khelaïfi : diviser pour mieux régner. Créer des rivalités contrôlées entre le sportif et le business. Encourager les tensions quand ça arrange. Melero intègre parfaitement la mécanique.
L’attente de dix mois qui en dit long
L’histoire est savoureuse. Quand Jean-Claude Blanc quitte le club début 2023, tout le monde pense que Melero va prendre sa place immédiatement. Erreur. Nasser Al-Khelaïfi fait traîner. Dix mois. Il cherche ailleurs, teste d’autres profils. Melero patiente. Travaille dans l’ombre. Convainc jour après jour. Et finit par décrocher le poste. Pas par piston. Par compétence et surtout par fidélité absolue.
« Il a construit sa carrière à travers différentes expériences qui lui permettent aujourd’hui d’avoir toutes les palettes. Il navigue très bien et il a un bon relationnel. Quand on n’est pas d’accord, c’est un vrai adversaire. »
Un président de club de Ligue 1, sous couvert d’anonymat
Foot Unis : le bras armé de Doha dans le foot français ?
Depuis sa nomination, Melero cumule un autre rôle explosif : président du syndicat Foot Unis, l’organisation qui regroupe les clubs professionnels à la LFP. Un poste stratégique. Et hautement symbolique. Car il n’est pas président de club. Il représente pourtant les intérêts du PSG… et par extension ceux du Qatar.
Pour beaucoup, c’est la preuve ultime de la mainmise parisienne sur le football français. Comment accepter qu’un dirigeant salarié d’un club – le plus riche, le plus puissant – préside le syndicat censé défendre tous les intérêts ? Le parallèle avec Gianni Infantino, qui dirige la FIFA tout en gardant une aura parfois contestée, fuse immédiatement.
- Il connaît tous les dossiers sur le bout des doigts
- Il maîtrise parfaitement les arcanes institutionnelles
- Il négocie dur, très dur
- Mais il bloque souvent les réformes qui gêneraient le PSG
David Terrier, président de l’UNFP (le syndicat des joueurs), ne mâche pas ses mots :
« Quelque part, c’est l’Infantino du football français. Il est très intéressant de discuter avec lui mais également très difficile de trouver des compromis. »
Un management par la tension assumée
Au PSG, la cohabitation entre le pôle sportif (Luis Campos) et le pôle business (Melero) n’est pas un long fleuve tranquille. Et ce n’est pas un hasard. Nasser Al-Khelaïfi cultive cette rivalité. Il l’entretient. Parce que ça le place au-dessus de tout le monde.
Les deux hommes se regardent en chiens de faïence. Parfois ça clashe. Souvent ça passe par le président pour arbitrer. Melero sait jusqu’où aller. Jamais trop loin. Il gère les dossiers brûlants :
- Les négociations CVC (600 millions d’euros pour les clubs)
- Les astuces pour respirer sous le fair-play financier
- Le projet pharaonique PSG Land
- La cité éducative au Campus Poissy
Il a monté une garde rapprochée solide : Benoit Le Sech (finances), Richard Heaselgrave (revenus), Anne Descamps (com), Grégory Durand (secrétaire général). Une équipe qui tourne comme une horloge.
Un homme qui ne laisse rien au hasard
Ce qui frappe, c’est son sens du détail. Sa mémoire. Sa capacité à ressortir un dossier de 2018 pour appuyer une négociation en 2025. Il anticipe. Il prépare le terrain des mois à l’avance. Même ses rares interviews (deux en tout, via agence de com externe) sont ultra-cadrées. Pas un mot de trop.
On raconte qu’il travaille encore parfois avec cette agence pour peaufiner ses messages. Preuve qu’il ne laisse rien au hasard. Même pas sa propre image, pourtant quasi inexistante.
Alors, Victoriano Melero, simple exécutant ou véritable numéro 2 bis ? Les deux à la fois, probablement. Un homme qui a compris que dans le football moderne, le vrai pouvoir n’est pas forcément sous les projecteurs. Parfois, il est dans l’ombre. Juste à côté du boss. Prêt à nettoyer, négocier, bloquer ou faire avancer. Selon les besoins.
Et pendant que tout le monde regarde Mbappé, Vitinha ou le prochain mercato, lui continue de tisser sa toile. En silence. Avec une efficacité redoutable. Le genre d’homme dont on se dit, en le découvrant vraiment : « Ah. C’est donc lui qui fait tourner la boutique. »
Le PSG version 2025-2026 ? Plus structuré, plus stable, mieux rangé qu’il y a quelques années. Et une grosse partie de ce calme apparent, on la doit à cet homme de 56 ans que presque personne ne connaît. Paradoxal, non ?
