Vous est-il déjà arrivé de longer la côte en hiver, quand la mer semble soudain se réveiller avec une colère froide ? Hier soir, en consultant les dernières prévisions, j’ai senti ce petit frisson familier. Ce n’est pas juste une dépression qui passe : c’est un épisode sérieux, de ceux qui marquent les mémoires des Bretons et des Normands.
Cette nuit et demain matin, trois départements du Nord-Ouest basculent en vigilance orange vagues-submersion. Le genre d’alerte qu’on ne prend plus à la légère quand on a vu, une fois, ce que l’océan peut faire quand il décide de monter sur le trottoir.
Une nuit sous haute tension sur la façade Atlantique
À partir de 3 heures du matin, la houle va frapper fort. Très fort. On parle de vagues pouvant dépasser localement les 8 à 10 mètres sur les côtes les plus exposées. Et quand on ajoute à cela des coefficients de marée élevés (autour de 100 ce week-end), le cocktail devient explosif.
Les départements directement concernés par l’orange ? Le Finistère, les Côtes-d’Armor et la Manche. Trois territoires qui n’ont pas besoin qu’on leur explique ce que signifie « submersion marine ». Ils l’ont vécu, parfois durement.
Pourquoi c’est plus grave qu’une simple tempête
Beaucoup de gens confondent encore « gros coup de vent » et « risque de submersion ». Pourtant, ce n’est pas du tout la même chose. Le vent, on le sent. Les vagues qui submergent les digues, on les découvre souvent trop tard.
Le phénomène repose sur trois ingrédients qui, combinés, transforment une forte houle en catastrophe potentielle :
- Une houle très longue et puissante venue du large (ici, générée par une dépression très creuse au large de l’Irlande)
- Des coefficients de marée élevés qui font monter le niveau de base de la mer
- Un vent d’ouest-sud-ouest qui pousse littéralement l’eau vers les côtes
Le résultat ? Des paquets de mer qui passent par-dessus les enrochements, des routes côtières inondées en quelques minutes, des parkings transformés en piscines et, dans le pire des cas, des habitations du front de mer touchées.
Les zones les plus exposées cette nuit
Tous les littoraux ne réagissent pas de la même façon. Certains secteurs, par leur forme ou leur orientation, encaissent beaucoup plus que d’autres.
En Bretagne nord, la côte entre Plougonvelin et Saint-Malo est particulièrement surveillée. Dans la Manche, c’est tout l’ouest du Cotentin qui risque de morfler – oui, j’emploie le mot, parce que les habitants du coin l’utilisent quand ils voient arriver ce type d’épisode.
- Baie de Morlaix et secteur de Carantec
- L’archipel de Bréhat et la côte de Granit Rose
- La pointe du Raz jusqu’à Audierne
- La côte sauvage de Quiberon (même si elle reste en jaune)
- Le secteur Granville – Barneville-Carteret
« Quand on voit les coefficients et la période de la houle, on sait que ça va taper très fort sur les parties basses. On conseille vivement d’éviter tout déplacement côtier entre 3h et 11h du matin. »
Un prévisionniste spécialisé que je connais bien
Et le reste de la côte Atlantique dans tout ça ?
Officiellement, du sud Finistère jusqu’au Pays basque, en passant par la Vendée et la Charente-Maritime, on reste en vigilance jaune. Mais franchement, quand on regarde les cartes de prévision de hauteur de vague, ça n’a rien d’anodin.
Les surfeurs de Lacanau ou d’Hossegor vont se régaler – ou flipper, selon leur niveau. Mais pour les promeneurs, les pêcheurs à pied et les habitants du bord de mer, c’est une tout autre histoire.
J’ai encore en tête les images de 2014 ou de Xynthia en 2010. À l’époque aussi, on parlait de « simple vigilance orange » sur certaines zones… avant que les digues cèdent.
Les bons réflexes à adopter absolument
Si vous habitez ou séjournez près de la côte ce week-end, voilà ce qu’il faut faire – sans paniquer, mais sans traîner non plus.
- Évitez tout déplacement sur le front de mer entre minuit et midi samedi
- Ne vous approchez pas des digues ou des jetées pour « voir les vagues » (chaque année, il y a des blessés graves)
- Rentrez les objets qui pourraient voler dans le jardin ou sur les balcons
- Préparez un kit d’urgence (lampes, eau, papiers) au cas où il y aurait des coupures de courant
- Surveillez les enfants et les animaux – l’eau peut monter très vite
Et surtout, si vous recevez un SMS d’alerte des autorités (ça arrive de plus en plus), prenez-le au sérieux. Ce n’est pas du spam.
Un phénomène qui tend à devenir plus fréquent ?
Ce qui me frappe, c’est qu’on a l’impression de revivre le même scénario tous les deux ou trois hivers maintenant. Est-ce que le changement climatique joue un rôle ? Les spécialistes sont prudents, mais ils notent que les dépressions deviennent plus creuses et plus mobiles.
Ce qui est sûr, c’est que le niveau moyen des mers monte – même de quelques millimètres par an, ça change la donne quand on ajoute une surcote de 80 cm ou 1 mètre.
Du coup, des zones qui étaient « à peu près protégées » il y a vingt ans se retrouvent aujourd’hui en première ligne. Et les collectivités commencent seulement à prendre la mesure du problème.
Que va-t-il se passer concrètement demain matin ?
D’après les dernières modélisations que j’ai pu consulter tard hier soir, le pic d’intensité est attendu entre 6h et 9h du matin. C’est le moment où la marée monte, où le vent est le plus fort et où la houle atteint son amplitude maximale.
Ensuite, ça devrait doucement faiblir dans la journée de samedi, même si la mer restera très agitée jusqu’à dimanche.
Pour ceux qui habitent loin de la côte et qui se disent « ça ne me concerne pas », détrompez-vous. Les images vont tourner en boucle sur les réseaux, et on risque encore de voir des gens prendre des risques inconsidérés pour une photo ou une vidéo.
Personnellement, chaque fois qu’un épisode comme celui-ci arrive, je repense à ce vieux marin de Douarnenez qui m’avait dit un jour : « La mer, elle ne prévient jamais deux fois. La première fois, c’est déjà la dernière. »
Cette nuit, elle va parler fort. Écoutons-la, et restons à distance.
Prenez soin de vous, et si vous êtes sur zone, suivez les consignes. On se retrouve de l’autre côté de la tempête.
