Il est deux heures du matin, la musique de la soirée résonne encore dans la tête, les jambes sont lourdes mais l’air frais fait du bien. On marche seul dans la rue, on se sent libre d’être soi-même. Et puis, d’un coup, tout bascule. Un inconnu, une voiture, une arme. En quelques minutes, la vie peut devenir un cauchemar dont on ne se réveille pas.
C’est exactement ce qui est arrivé, dans la nuit du mercredi 3 au jeudi 4 décembre 2025, à L’Haÿ-les-Roses, dans le Val-de-Marne. Un jeune homme de 25 ans a vécu l’impensable. Et aujourd’hui, il a décidé de parler, de porter plainte, de ne pas se taire. Parce que rester silencieux, ce serait laisser l’autre gagner une deuxième fois.
Une soirée qui tourne au drame en quelques minutes
Le jeune homme sort d’une soirée entre amis. Rien d’extraordinaire, juste une nuit comme tant d’autres où l’on choisit ses vêtements selon son humeur, où l’on assume qui on est. Ce soir-là, il porte des habits féminins. Est-ce que cela a joué un rôle dans ce qui va suivre ? On ne le saura peut-être jamais avec certitude, mais on peut malheureusement le craindre.
Alors qu’il marche calmement en direction de chez lui, une voiture s’approche. L’homme au volant baisse la vitre et propose gentiment de le raccompagner. « Je suis taxi », dit-il. Le ton est presque trop aimable. Le jeune homme refuse poliment, il n’est pas loin, il préfère marcher. Mais l’homme insiste. Et puis, soudain, plus d’amabilité : un couteau apparaît.
Monte, ou je te plante.
À partir de là, tout va très vite. Le couteau sur la gorge, la victime est obligée de monter dans la voiture. Le conducteur démarre, s’éloigne du centre-ville, cherche un coin plus discret. Une fois à l’abri des regards, la violence atteint un autre palier : l’agresseur sort une arme de poing, enfonce le canon dans la bouche du jeune homme et lui impose une fellation.
L’horreur dure le temps que dure l’horreur. Quand l’homme a obtenu ce qu’il voulait, il jette littéralement sa victime hors du véhicule, comme on jette un déchet. Le jeune homme, sonné, traumatisé, trouve la force de rejoindre une amie chez qui il passe le reste de la nuit. Le lendemain, direction l’hôpital Bicêtre, puis le commissariat.
Une plainte pour viol sous la menace d’une arme
Le parquet de Créteil a immédiatement ouvert une enquête pour viol aggravé par usage ou menace d’une arme. C’est l’une des qualifications les plus graves en matière d’agression sexuelle en France : elle est passible de vingt ans de réclusion criminelle.
Les investigations ont été confiées au service de police judiciaire du Val-de-Marne, ce qui montre la gravité avec laquelle les autorités prennent l’affaire. On peut imaginer les enquêteurs déjà à pied d’œuvre : relevés ADN dans la voiture si elle est retrouvée, exploitation de la vidéosurveillance de la commune, géolocalisation téléphonique, portrait-robot… Tout ce qui peut permettre d’identifier l’auteur.
Parce que pour l’instant, il est toujours dans la nature. Et ça, franchement, ça fait froid dans le dos.
Le vêtement comme prétexte à la haine ?
Je ne vais pas tourner autour du pot : quand une victime porte des vêtements dits « du sexe opposé » et qu’elle se fait agresser de cette manière, la question de l’homophobie ou de la transphobie se pose inévitablement. L’agresseur a-t-il ciblé le jeune homme parce que il portait une jupe ou du maquillage ? A-t-il vu en lui une proie « facile » à cause de cela ?
On n’a pas encore la réponse. Mais on sait une chose : les personnes LGBTQIA+ restent particulièrement exposées aux violences, surtout la nuit. Selon le rapport annuel de SOS Homophobie, les agressions physiques ont augmenté de 13 % en 2024. Et les victimes habillées de façon non genrée ou perçues comme « différentes » sont souvent plus vulnérables.
Ce n’est pas une fatalité. C’est le résultat d’une société où certains se croient encore autorisés à « corriger » ceux qui ne rentrent pas dans leurs cases.
- En 2024, 28 % des victimes d’agressions homophobes/transphobes déclaraient avoir été suivies dans la rue avant l’attaque.
- 42 % des faits ont lieu entre minuit et 6 h du matin.
- Seulement 1 plainte sur 5 aboutit à une condamnation (source : ministère de l’Intérieur).
Des chiffres qui font mal. Et qui rappellent qu’on a encore énormément de chemin à faire.
Les faux taxis, un piège malheureusement classique
Se faire passer pour un chauffeur de taxi ou de VTC pour attirer une victime, c’est une technique tristement rodée. Elle fonctionne parce qu’on a tous, un jour, eu envie de croire qu’un inconnu voulait simplement nous aider.
Ces dernières années, plusieurs affaires similaires ont défrayé la chronique :
- 2023 à Lyon : un faux chauffeur Uber agresse sexuellement trois jeunes femmes en une semaine.
- 2024 à Marseille : un homme se faisant passer pour taxi viole une touriste britannique.
- 2025 à Nantes : une série d’agressions par un individu utilisant le même mode opératoire du « gentil chauffeur ».
Le scénario est presque toujours le même : l’agresseur propose son aide, refuse le paiement, devient insistant, puis menaçant. Et quand la victime est dans la voiture, elle est déjà trop tard.
Quelques réflexes simples peuvent sauver :
- Ne jamais monter dans une voiture sans plaque VTC visible ou sans application ouverte devant vous.
- Envoyer sa position en temps réel à un proche dès qu’on monte dans un véhicule inconnu.
- Refuser poliment mais fermement toute proposition spontanée la nuit.
- Appeler le 17 en cas de doute, même si « ça passe crème ».
Ce n’est pas à nous de nous méfier de tout le monde. Mais en attendant que la société change, ces gestes sauvent des vies.
Le traumatisme qui reste, longtemps après
On parle beaucoup de l’acte lui-même, à juste titre. Mais on parle moins de l’après. Ce jeune homme de 25 ans va devoir vivre avec ce qu’il s’est passé. Les cauchemars, la peur de la nuit, la honte qu’on n’explique pas mais qui ronge, la difficulté à refaire confiance.
Les associations spécialisées le disent toutes : un viol, c’est un séisme. Et quand il est commis sous la menace d’une arme, le trauma est encore plus profond. Beaucoup de victimes mettent des années à se reconstruire. Certaines n’y arrivent jamais complètement.
Il existe heureusement des structures d’accompagnement :
- Le 0800 05 95 95 – Violences Femmes Info (anonyme et gratuit, 7j/7)
- Le 3114 – Prévention du suicide, quand tout semble trop lourd
- Les centres de prise en charge psycho-traumatique dans les hôpitaux
- Les associations locales LGBTQIA+ qui connaissent parfaitement ces violences ciblées
Parler, c’est déjà un acte de résistance.
Et maintenant ?
Aujourd’hui, l’enquête suit son cours. Les policiers font leur maximum, on veut y croire. Mais au-delà de cette affaire précise, il y a une question qui nous concerne tous : jusqu’à quand va-t-on accepter que rentrer chez soi la nuit soit un parcours du combattant selon qui on est ou comment on s’habille ?
Ce jeune homme a eu le courage immense de porter plainte. C’est déjà une victoire. Espérons que la justice fera le reste. Et que, petit à petit, on construira un monde où plus personne n’aura à avoir peur d’être soi dans la rue, à 2 heures du matin ou à n’importe quelle heure.
Parce que oui, on a le droit d’être libre. Tout le temps. Partout.
Si vous avez été victime ou témoin d’une agression, n’hésitez jamais à appeler le 17 ou à vous rendre dans le commissariat le plus proche. Votre parole compte. Toujours.
