Quand on pense au football, on voit souvent les projecteurs, les buts, les applaudissements. Rarement on imagine ce qui se cache derrière le vestiaire fermé. Pourtant, parfois, la violence sort du terrain et s’invite dans la vie privée des joueurs. Et là, elle fait très mal.
Une affaire qui secoue le foot des Yvelines
Ce lundi matin, à Versailles, un homme de 38 ans va s’asseoir sur le banc des accusés d’une cour criminelle. Ancien milieu de terrain passé par l’AS Poissy, le FC Versailles et même le FC Mulhouse, il n’est plus sous le feu des projecteurs pour un but ou une passe décisive, mais pour des faits bien plus graves : viol sur conjoint pendant dix-sept ans et violences habituelles sur ses quatre enfants.
Le plus glaçant ? Ces actes auraient eu lieu dans plusieurs pays – France, Algérie, Pologne, Cameroun – au gré des contrats et des déplacements du joueur. Comme si la violence suivait le ballon partout où il roulait.
Tout commence par le courage d’un enfant de 12 ans
Octobre 2022. Un gamin de douze ans et sa mère franchissent la porte du commissariat d’Élancourt. Le garçon est petit, mais il a déjà vécu trop de choses. Il raconte les gifles, les coups de ceinture, les coups de câble de chargeur, les insultes dès qu’il faisait « mal » quelque chose aux yeux de son père. Depuis ses six ans.
Ses petits frères prenaient aussi. Et sa mère… bien pire. Mariée à seize ans à peine, elle décrit des rapports sexuels imposés dès le premier jour du mariage, et cela pendant presque deux décennies. Pas une fois, pas dix, pas une année sur deux. Presque tous les jours pendant dix-sept ans, dit-elle.
« Il me disait que c’était mon devoir de femme. Que si je refusais, j’étais une mauvaise musulmane et une mauvaise épouse. »
Témoignage de la plaignante recueilli pendant l’enquête
Ce genre de phrase, on l’entend malheureusement trop souvent dans les dossiers de violences conjugales. Mais quand l’auteur présumé est un ancien joueur connu dans le milieu du foot amateur et semi-pro, ça prend une autre dimension.
La défense : « C’est elle qui veut me détruire »
L’accusé, lui, nie tout en bloc. Depuis sa mise en examen, il répète la même version : sa femme aurait tout inventé pour obtenir la garde exclusive des enfants et, accessoirement, lui faire payer une pension plus élevée. Classique stratégie de renversement de culpabilité.
Il parle de « complot familial », dit que les enfants ont été manipulés. Pourtant, les expertises psychiatriques et les auditions protégées des mineurs vont toutes dans le même sens : les enfants décrivent les mêmes scènes, les mêmes objets utilisés pour frapper, les mêmes insultes. Difficile d’imaginer qu’un garçon de 8 ans et une fille de 10 ans aient pu coordonner un mensonge aussi précis.
Et puis il y a les certificats médicaux, les traces de coups, les messages vocaux où on entend l’accusé hurler sur sa femme et ses enfants. Le dossier fait plusieurs milliers de pages. Autant dire que la cour criminelle des Yvelines a du travail.
Le foot, un milieu encore trop silencieux ?
Je ne vais pas vous faire l’injure de dire que tous les footballeurs sont violents – ce serait idiot et faux. Mais force est de constater que le milieu sportif professionnel ou semi-pro reste parfois un univers très fermé, très masculin, où la loi du silence peut régner.
Combien de fois a-t-on entendu « c’est un bon gars sur le terrain, donc ça va » ? Combien de fois les clubs ont fermé les yeux sur des comportements limites parce que le joueur faisait gagner des matchs le samedi ?
Cette affaire rappelle, à une échelle plus modeste, d’autres scandales qui ont éclaboussé le foot ces dernières années. On pense aux affaires de mœurs dans certains centres de formation, aux témoignages de jeunes joueurs violentés. Le sport roi n’est pas épargné par les dérives de la société, et parfois il les amplifie.
- Omerta entre coéquipiers
- Pression de performance qui excuse tout
- Statut de « star locale » qui protège
- Difficulté pour les victimes à parler quand l’agresseur est populaire
Tous ces ingrédients font que certaines victimes attendent des années avant de parler. Ici, il a fallu attendre que le fils aîné ait 12 ans et prenne la décision, seul, d’aller voir la police avec sa mère.
Vingt ans de réclusion encourus
Pour les viols sur conjoint avec circonstances aggravantes (répétition, autorité, menace), l’accusé encourt jusqu’à vingt ans de prison. Pour les violences sur mineurs, la peine peut être lourde aussi. Le parquet a requis le maximum.
La cour criminelle départementale (sans jury populaire) va examiner l’affaire pendant plusieurs jours. Les enfants seront entendus en audition filmée, la mère va revivre l’enfer à la barre. Et l’accusé va tenter de convaincre que tout cela n’est qu’un énorme malentendu.
Spoiler : quand on lit le dossier, on a du mal à y croire.
Et après ?
Peu importe la décision finale – qui ne sera connue que dans quelques semaines –, cette affaire laissera des traces. Dans la famille d’abord : comment se reconstruire après autant de violence ? Dans le milieu du foot local ensuite : plusieurs anciens coéquipiers ont déjà dit qu’ils étaient « choqués » mais « pas vraiment surpris ».
Et puis il reste une question qui me taraude : combien d’autres affaires dorment encore dans des commissariats parce que la victime a trop peur du statut de l’agresseur ? Combien de femmes se taisent parce que « tout le monde adore mon mari, on ne me croira jamais » ?
Le football a fait rêver des millions de gamins. Il doit aussi apprendre à protéger ceux qui vivent à l’ombre des projecteurs. Parce que derrière chaque maillot, il y a un être humain. Et parfois, un monstre.
Au moment où j’écris ces lignes, le procès commence dans quelques heures. J’espère simplement que la justice fera son travail. Et que cette famille, enfin, pourra tourner la page.
