Vous êtes tranquillement assis dans une salle d’audience, l’odeur du bois ciré, le bruit feutré des robes qui frôlent les bancs, et d’un seul coup… ça part en vrille. Des cris, des insultes, des chaises qui volent, parfois même des coups de tête à travers la vitre du box. Ce n’est pas une série Netflix, c’est la réalité de certains tribunaux français en 2025. Et franchement, ça commence à faire peur.
Il y a quelques jours à peine, une scène digne d’un film d’action a éclaté en pleine cour d’assises. Un accusé craque à la barre, balance enfin le nom du tireur, et bim : ses coprévenus lui sautent dessus. Bagarre générale, sang sur les vitres, gardiens qui se précipitent… L’audience suspendue, le public évacué. Et le lendemain, on reprend comme si de rien n’était, mais en huis clos partiel. Bienvenue dans le nouveau quotidien de la justice.
Quand le tribunal devient un ring
Ce n’est plus exceptionnel, c’est presque devenu la norme dans certains dossiers criminels, surtout ceux qui touchent aux règlements de comptes entre bandes. Les rivalités de quartier ne s’arrêtent pas aux portes blindées du palais. Elles continuent à l’intérieur, parfois avec une violence décuplée.
Ce qui frappe, c’est la rapidité avec laquelle tout bascule. Un regard de travers, une phrase mal interprétée, un accusé qui « lâche » enfin la vérité… et c’est l’explosion. Les gardiens, pourtant nombreux, peinent parfois à contenir dix ou quinze jeunes déterminés à en découdre.
Le box des accusés, une cocotte-minute sous pression
Le box, c’est censé être le lieu le plus sécurisé de la salle. Vitres blindées, menottes, plusieurs agents à proximité. Pourtant, ça ne suffit plus. On a vu des accusés arracher les fixations des bancs, d’autres se servir de leurs chaussures comme projectiles. Un surveillant m’a confié un jour, hors micro : « On est formés, mais on n’est pas des commandos. Quand ils sont dix et qu’ils décident de tout casser, on prend cher. »
« On a l’impression qu’ils se foutent complètement de l’endroit où ils sont. Pour eux, régler leurs comptes passe avant tout, même au tribunal. »
Un greffier expérimenté, sous couvert d’anonymat
Et le pire, c’est que ces incidents ne restent pas toujours confinés au box. Il arrive que la bagarre déborde dans les couloirs, dans les escaliers, voire dans le hall d’accueil. Résultat : des avocats bousculés, des magistrats choqués, des familles terrifiées.
Les causes profondes : des rivalités qui ne désarment jamais
Pourquoi en arrive-t-on là ? Parce que certains dossiers concentrent des haines viscérales. Des jeunes qui se connaissent depuis l’enfance, qui ont grandi dans des cités rivales, qui ont perdu des amis ou des frères dans des fusillades. Quand ils se retrouvent face à face après des mois ou des années de détention, la tension est maximale.
Ajoutez à ça la pression du procès : la peur de la peine, la colère contre celui qui parle trop, le sentiment d’avoir été trahi… Tout ça fait un cocktail explosif. Et parfois, c’est le simple fait de croiser le regard de l’adversaire qui met le feu aux poudres.
- Des accusés issus de quartiers ennemis placés dans le même box
- Des mois de détention qui n’ont rien apaisé
- La peur que l’un « balance » et entraîne les autres dans des peines plus lourdes
- L’envie de montrer qu’on n’a peur de rien, même devant les juges
Ces facteurs, combinés, transforment parfois la salle d’audience en terrain de guerre.
Les réponses de la justice : entre bricolage et renforcement
Face à cette montée de violence, les tribunaux tentent de s’adapter. Mais soyons honnêtes : on a souvent l’impression qu’ils courent derrière le problème.
Première mesure, la plus évidente : renforcer la présence des forces de l’ordre. Dans certaines cours d’assises sensibles, on voit désormais des gendarmes ou des policiers en tenue anti-émeute stationnés dans la salle. Casques, boucliers, tonfas… L’ambiance n’est plus vraiment à la sérénité judiciaire.
Deuxième outil : la séparation physique. De plus en plus, on divise le box en plusieurs compartiments individuels, genre cages en verre. L’idée est simple : empêcher le contact direct. Mais ça coûte cher, et tous les tribunaux n’ont pas les moyens de s’équiper rapidement.
Troisième solution, plus radicale : le huis clos total ou la visioconférence. Certains accusés restent en prison et suivent leur procès par écran interposé. Ça évite les contacts, mais ça pose aussi la question du droit à être présent à son propre jugement.
Les limites du système actuel
Le problème, c’est que toutes ces mesures sont réactives. On renforce la sécurité après l’incident, pas avant. Et entre-temps, des gens prennent des coups : gardiens, avocats, parfois même des magistrats.
J’ai discuté avec plusieurs surveillants pénitentiaires. Beaucoup se disent épuisés. « On n’est pas payés pour faire du maintien de l’ordre dans une salle d’audience », me glisse l’un d’eux. « On est là pour escorter, pas pour encaisser des coups de chaise. »
« On a de plus en plus souvent des bleus en rentrant le soir. Et on sait que le prochain gros dossier sensible, ça va encore partir en live. »
Et puis il y a la question des moyens. Construire des boxes ultra-sécurisés, former plus d’agents, équiper tout le monde en matériel anti-émeute… Tout ça a un coût. Et en période de restrictions budgétaires, ce n’est pas la priorité numéro un.
Et demain ? Vers une justice sous haute tension permanente ?
Ce qui est sûr, c’est que le phénomène ne va pas disparaître tout seul. Tant que les rivalités de quartier continueront à faire des morts, tant que les peines encourues seront aussi lourdes, la tension restera maximale dans certaines salles.
On voit déjà apparaître des tribunaux neufs conçus dès le départ avec des boxes ultra-fractionnés, des sas de sécurité renforcés, des systèmes de visioconférence intégrés. Mais pour les anciens palais de justice, c’est une autre paire de manches.
Certains proposent des solutions plus radicales : juger systématiquement les dossiers sensibles en visioconférence, ou même créer des tribunaux spécialisés avec des unités d’intervention dédiées. Mais ça pose des questions éthiques et démocratiques : peut-on encore parler de justice publique si tout se passe derrière des écrans ?
Ce qui est certain, c’est que le temps où l’on entrait au tribunal comme dans un lieu sacré est révolu. Aujourd’hui, la robe noire côtoie parfois le gilet pare-balles. Et ça, franchement, ça fait réfléchir sur l’état de notre société.
La prochaine fois que vous passerez devant un palais de justice, regardez bien les grilles, les caméras, les agents en faction. Derrière la façade solennelle, il y a parfois une tout autre réalité. Une réalité où la violence n’a plus peur des juges.
Et vous, avez-vous déjà assisté à un incident dans un tribunal ? Ou connaissez-vous quelqu’un qui travaille dans la sécurité judiciaire ? Les témoignages de l’intérieur sont rares, mais précieux. Ils nous rappellent que derrière les grands principes, il y a des femmes et des hommes qui prennent des risques tous les jours pour que la justice, malgré tout, continue à passer.
