Vous souvenez-vous de la dernière fois où vous avez vu une vieille Clio ou un Duster d’occasion partir en moins de quarante-huit heures sur un site de petites annonces ? Moi oui. Et franchement, en cette fin 2025, ça n’a rien d’étonnant.
Le marché de la voiture d’occasion vit une révolution silencieuse, presque paradoxale : pendant que les gouvernements poussent à marche forcée vers l’électrique, les acheteurs, eux, reviennent en masse vers le bon vieux thermique sans fioritures. Et pas n’importe lequel : le plus simple possible.
Le grand retour du thermique « canal historique »
On l’avait presque oublié, ce plaisir un peu coupable de conduire une voiture qui démarre à tous les coups, qui ne bipe pas toutes les cinq secondes et dont la réparation ne nécessite pas un doctorat en informatique. Eh bien il est de retour, et en force.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Sur les plateformes d’annonces, les modèles essence ou diesel d’entrée de gamme (souvent des marques roumaines ou coréennes low-cost) affichent des taux de rotation hallucinants. Certains partent avant même d’être mis en ligne officiellement. À l’inverse, les électriques de 2018-2022 s’accumulent, les prix chutent, et les vendeurs finissent parfois par les reprendre en concession pour éviter la perte totale.
Mais pourquoi ce rejet brutal des premières électriques ?
La réponse tient en trois lettres : batterie.
Lorsque vous achetez une voiture électrique de cinq ou six ans, vous achetez surtout une batterie usée à 70-80 % de sa capacité initiale, parfois moins. Et le remplacement ? Entre 12 000 et 25 000 euros selon les modèles. Autant dire que l’équation devient vite absurde pour un véhicule qui valait déjà 15 000 euros.
« J’ai vu une Zoe de 2020 à 8 900 euros avec 132 000 km. Autonomie réelle : 180 km par beau temps. J’ai préféré mettre 9 500 euros dans un Duster GPL de 2019 avec 80 000 km et 5 ans de garantie batterie incluse… »
– Témoignage recueilli sur un forum automobile très suivi
Ce genre de réflexion, on la lit partout. Et elle est implacable.
La simplicité : le nouveau luxe
Il y a dix ans, le « pas cher » rimait avec austérité honteuse. Aujourd’hui, il rime avec sérénité. Les acheteurs ne veulent plus de trente aides à la conduite qui hurlent dès qu’on dépasse une ligne blanche, ni d’écrans tactiles géants qui buggent au moindre rayon de soleil.
Ils veulent une voiture qui :
- Démarre même à -15 °C sans stress
- Se répare chez cualquier garagiste de quartier
- Ne perd pas 50 % de sa valeur en trois ans
- Coûte moins de 800 euros d’entretien annuel
- Ne les oblige pas à planifier leur vie autour des bornes de recharge
Et là, surprise : les vieux thermiques basiques cochent toutes les cases. Mieux, ils les explosent.
Les chiffres qui ne mentent pas
Prenez une Dacia Sandero essence 1.0 SCe de 2021 avec 60 000 km. Cote actuelle : environ 11 500 euros. Prix neuf équivalent en 2021 ? 12 990 euros. Oui, vous avez bien lu : elle se revend presque au prix du neuf, quatre ans plus tard.
Comparez avec une Renault Zoe Intens 2019 (batterie en location à l’époque, rachetée depuis). Prix neuf : autour de 32 000 euros avec bonus. Valeur actuelle : entre 7 000 et 9 000 euros selon l’état de la batterie. La claque.
| Modèle | Prix neuf 2020/21 | Cote déc. 2025 (60-80k km) | Perte de valeur |
| Dacia Duster 1.5 dCi | 18 500 € | 17 000 – 19 000 € | +5 % à –8 % |
| Peugeot 208 PureTech | 21 000 € | 15 500 – 17 000 € | –22 % |
| Renault Zoe (batt. incluse) | 32 000 € | 8 000 – 11 000 € | –70 % |
| Tesla Model 3 SR+ 2020 | 49 600 € | 24 000 – 28 000 € | –48 % |
Le constat est brutal. Seuls les thermiques très simples (et certains hybrides Toyota, mais c’est une autre histoire) limitent la casse. Tout le reste plonge.
L’électronique, ce fléau des temps modernes
J’ai discuté récemment avec un garagiste indépendant en banlieue parisienne. Il m’a confié, mi-amusé mi-désespéré : « Les clients arrivent avec des SUV récents plein d’électronique, une panne d’ADAS, et la facture grimpe à 4 500 euros pour un simple capteur. Alors qu’une vieille Logan, tu changes la pièce à 80 euros et c’est réglé. »
Cette surenchère technologique a un coût. Et pas seulement financier. Elle crée de l’anxiété. Les conducteurs en ont marre des voyants qui s’allument sans raison, des mises à jour obligatoires qui immobilisent la voiture une demi-journée, des écrans noirs au démarrage.
Résultat ? Le marché de l’occasion récompense la robustesse à l’ancienne. Moins il y a de gadgets, plus la cote tient. C’est aussi simple que ça.
Et demain ?
Paradoxalement, ce retour du thermique basique pourrait durer encore quelques années. Les nouvelles électriques chinoises à 15 000 euros arrivent, mais elles sont… bourrées d’électronique et leur réseau après-vente reste embryonnaire en Europe. Quant aux thermiques neufs, ils deviennent hors de prix à cause des normes antipollution toujours plus drastiques.
Du coup, les modèles 2018-2023 simples et robustes risquent de voir leur cote rester au plafond encore un moment. Certains experts parlent même d’un « âge d’or du thermique d’occasion » jusqu’en 2030 au moins.
Alors, la prochaine fois que vous croiserez une vieille Sandero ou un Duster sans options avec un autocollant « vendu » en travers du pare-brise, souriez. Vous venez d’assister à la victoire du bon sens mécanique sur la surenchère technologique.
Et quelque part, c’est plutôt réconfortant.
PS : Si vous hésitez encore entre une électrique d’occasion « pas chère » et un thermique simple un peu plus cher… faites le calcul sur cinq ans. Vous risquez d’avoir une surprise. Très agréable, ou très désagréable, selon le choix que vous ferez.
