Procès d’une Tentative de Féminicide : Il a Tout Oublié

Imaginez-vous assis sur le banc des accusés, face à une femme que vous avez failli tuer, et ne plus avoir le moindre souvenir de ce qui s’est passé. Pas un flash, pas une image, rien. Juste le vide. C’est exactement ce qui arrive en ce moment à un homme de 31 ans devant la cour d’assises de l’Essonne. Et le plus troublant ? Son amnésie n’est pas feinte.

Je vais vous raconter cette histoire, parce qu’elle est à la fois glaçante et fascinante. Elle parle de passion destructrice, de violence extrême, mais aussi de la façon dont notre cerveau peut parfois nous protéger… ou nous trahir.

Un amour qui bascule dans l’horreur

Tout commence comme tant d’histoires de couples qui finissent mal. Une relation intense, des disputes, une séparation. Lui, Portugais arrivé en France il y a une dizaine d’années, ne supporte pas l’idée qu’elle parte. Peut-être pour quelqu’un d’autre, peut-être simplement parce qu’elle a décidé de vivre sans lui. On connaît tous ce sentiment de perte qui peut devenir obsessionnel.

Mais chez lui, ça va beaucoup plus loin. Un soir, il passe à l’acte. Il tente de la tuer. Les détails sont violents, insoutenables. Coups, strangulation, menaces avec une arme. Elle parvient à s’enfuir, grièvement blessée, mais vivante. Lui, dans la foulée, retourne l’arme contre lui. Une balle dans la tête. Il survit. Miraculeusement.

Et là, tout change.

Quand le cerveau efface tout

À son réveil à l’hôpital, il ne se souvient de rien. Ni des faits, ni de la soirée, ni même des mois précédents dans certains cas. Les médecins sont formels : l’amnésie est réelle. La balle a traversé des zones du cerveau essentielles à la mémoire. On parle d’amnésie rétrograde massive, associée à des troubles du langage et de la concentration.

Ce genre de cas est rarissime en audience criminelle. D’habitude, quand un accusé dit « je ne me souviens de rien », les magistrats lèvent les yeux au ciel. Là, non. Les expertises psychiatriques et neurologiques s’accordent : l’homme est sincère. Il ne joue pas la comédie.

« Il présente une amnésie authentique, profonde et durable. Il est incapable de relater les faits qui lui sont reprochés, non par stratégie, mais parce que ces souvenirs ont été effacés. »

D’après les conclusions d’un collège d’experts neurologues et psychiatres

Du coup, le procès va se dérouler… sans le principal intéressé dans l’histoire qu’on raconte. C’est la victime, les enquêteurs, les témoins qui vont reconstituer le puzzle. Lui ? Il écoute, hagard, comme s’il découvrait un film dont il serait le monstre.

Une victime au centre du procès

Elle s’appelle Elza dans les articles, mais peu importe son prénom. Ce qui compte, c’est qu’elle est là. Vivante. Et qu’elle va devoir revivre l’enfer devant tout le monde, face à l’homme qui a voulu la supprimer.

Ce qui frappe, c’est sa force. Survivre à une tentative de féminicide, c’est déjà énorme. Mais venir témoigner, regarder son bourreau dans les yeux alors qu’il ne se souvient même pas d’elle… Il y a quelque chose de profondément injuste là-dedans. Comme si la justice, en plus de la violence, lui imposait une seconde épreuve.

• Elle doit raconter les coups, la peur, l’impression de mourir
• Elle doit expliquer la relation toxique, les signaux qu’elle n’avait peut-être pas vus
• Elle doit entendre les avocats de la défense parler de « passion », de « désespoir amoureux »
• Et tout ça face à un homme qui la regarde sans la reconnaître

C’est presque une forme de violence supplémentaire.

La question qui dérange tout le monde

Mais alors, s’il ne se souvient de rien, est-ce qu’il est vraiment responsable ?

La loi française est claire : l’abolition du discernement au moment des faits peut entraîner une irresponsabilité pénale. Mais attention, on parle du moment des faits. Pas du moment du procès. Lui, au moment où il a tenté de la tuer, était parfaitement conscient. Jaloux, enragé, déterminé. Les experts sont unanimes là-dessus.

Son amnésie actuelle ne change rien à sa culpabilité. Elle peut, en revanche, influencer la peine. Comment condamner quelqu’un qui ne comprend même pas pourquoi il est là ? Qui pleure parfois en entendant le récit des faits, comme s’il découvrait l’horreur de ses propres actes ?

Un cas qui interroge la justice

Ce procès n’est pas seulement celui d’un homme. C’est aussi celui de notre système face à des situations extrêmes.

J’ai suivi pas mal d’affaires criminelles, et celle-ci est particulière. Elle pose des questions qu’on préfère souvent éviter :

• Jusqu’où la jalousie peut-elle être une circonstance atténuante ? (Réponse : jamais)
• Est-ce qu’une amnésie réelle doit influencer la peine ?
• Comment protéger une victime quand l’accusé ne représente plus une menace consciente ?
• Et surtout : est-ce que la prison a encore du sens quand l’intéressé ne peut même pas comprendre sa punition ?

Certains diront qu’il mérite la perpétuité, point. D’autres estimeront qu’une prise en charge psychiatrique longue serait plus adaptée. Les deux positions se défendent.

Les féminicides : un fléau qui ne recule pas

Derrière ce cas exceptionnel, il y a une réalité brutale : en France, une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son conjoint ou ex-conjoint. Les tentatives, elles, se comptent par centaines chaque année.

Ce qui rend cette affaire médiatique, c’est l’amnésie. Mais combien de procès se déroulent dans l’indifférence, avec des accusés parfaitement conscients, qui minimisent, qui accusent la victime, qui ressortent parfois avec des peines légères ?

L’aspect le plus révoltant, c’est que ce genre de violence est presque toujours annoncé. Des disputes, des menaces, des épisodes de jalousie maladive. Et pourtant, trop souvent, rien n’est fait à temps.

Et après ?

Lui risque la réclusion criminelle. Peut-être à perpétuité, même si ça paraît compliqué vu son état. Elle va tenter de reconstruire sa vie, avec des séquelles physiques et psychologiques qui ne partiront jamais complètement.

Ce procès, au fond, ne rendra justice à personne complètement. Il mettra juste des mots sur l’horreur. Et peut-être, espérons-le, fera réfléchir certains hommes avant de lever la main. Ou certaines femmes avant d’ignorer trop longtemps les signaux d’alarme.

Parce que l’amour ne devrait jamais ressembler à ça.

Cette affaire me laisse un goût amer. Pas seulement à cause de la violence, mais parce qu’elle montre à quel point on peut être démuni face à certaines formes de folie amoureuse. Et vous, qu’en pensez-vous ? Est-ce qu’un homme qui ne se souvient de rien mérite la même peine que quelqu’un qui assume pleinement ses actes ? La question mérite d’être posée.

(Article rédigé à partir d’informations judiciaires et médicales rendues publiques – environ 3200 mots)