Vous est-il déjà arrivé de croiser un agent de sécurité dans un magasin et de vous dire, sans raison apparente, que quelque chose clochait ? Un regard un peu trop insistant, une proximité qu’on n’avait pas demandée… La plupart du temps, on chasse la pensée. Et pourtant, certaines histoires nous rappellent que le danger peut parfois porter un badge officiel.
C’est exactement ce qui s’est passé dans un supermarché de l’Oise où un homme de 53 ans, ancien militaire de la gendarmerie, avait été embauché comme responsable sécurité… quelques mois seulement après une première condamnation pour agression sexuelle. Le résultat ? Une nouvelle victime, une nouvelle procédure, et une nouvelle condamnation prononcée début décembre 2025. L’affaire est à la fois sidérante et tristement révélatrice.
Quand la récidive frappe là où on ne l’attend plus
Reprenons depuis le début, calmement. En 2023, cet homme – appelons-le par souci de discrétion l’« ex-gendarme » – avait déjà été reconnu coupable d’agression sexuelle et d’outrages sexistes. Une peine, un casier judiciaire entaché, et logiquement une radiation des forces de l’ordre. Jusque-là, rien que de très classique dans la mécanique judiciaire.
Mais voilà : à peine quelques mois plus tard, le voici propulsé responsable de la sécurité d’un hypermarché bien connu des habitants de Pont-Sainte-Maxence. Uniforme noir, talkie-walkie, autorité apparente sur les équipes. Pour les clients et surtout les clientes, il incarne la protection. Pour au moins une employée, il va devenir un cauchemar.
Une « ambiance grivoise » qui cache des gestes graves
Dans le dossier, on parle d’une ambiance grivoise qui aurait dérapé. Le mot est presque trop léger. Des blagues lourdes aux allusions sexuelles quotidiennes, puis des contacts physiques non consentis. Une main posée trop longtemps sur l’épaule, un corps qui se colle « par accident » dans les rayons, des remarques qui font rougir et surtout qui terrifient.
La victime, une jeune employée, a fini par craquer. Plainte déposée, enquête ouverte, confrontation. Et là, surprise : l’homme minimise, parle d’un « climat détendu » dans l’équipe, d’une génération qui ne comprend plus l’humour. Sauf que le tribunal, lui, comprend très bien la différence entre une plaisanterie potache et une agression.
Les faits sont constitués et caractérisés. Ils se situent dans un contexte de récidive légale particulièrement aggravant.
Extrait du délibéré du tribunal correctionnel
Une peine alourdie par le passé
Le 1er décembre 2025, le verdict tombe. Dix mois de prison, dont huit assortis d’un sursis probatoire particulièrement strict : obligation de soins, interdiction d’entrer en contact avec la victime, interdiction d’exercer une activité en lien avec des mineurs ou des personnes vulnérables… Et surtout, révocation partielle d’un ancien sursis : quatre mois ferme supplémentaires.
Concrètement ? L’homme va devoir se présenter devant le juge d’application des peines pour aménager six mois de prison ferme. À 53 ans, avec un casier déjà lourd, c’est une claque. Il ne s’est d’ailleurs même pas présenté à l’audience du délibéré. Peur ? Mépris ? Les deux sans doute.
- 10 mois de prison au total
- 8 mois avec sursis probatoire (2 ans)
- 4 mois de révocation d’un précédent sursis
- 6 mois ferme à exécuter (modalités à définir)
- Interdictions professionnelles renforcées
Comment a-t-on pu l’embaucher aussi vite ?
Franchement, c’est la question qui brûle les lèvres. En France, un agent de sécurité privée doit obtenir une carte professionnelle délivrée par le CNAPS (Conseil national des activités privées de sécurité). Pour l’avoir, il faut un casier judiciaire vierge de certaines condamnations… Dont justement les délits sexuels.
Alors comment est-ce possible ? La réponse est à la fois simple et terrifiante : en 2023, sa condamnation était encore susceptible d’appel ou pas encore définitive au moment de la demande de carte pro. Un vide juridique, une faille temporelle. Résultat : badge en poche, il se retrouve en position d’autorité sur des dizaines de personnes chaque jour.
J’ai échangé avec plusieurs responsables RH de grandes enseignes après cette affaire. Beaucoup m’ont avoué, off the record, vérifier surtout le bulletin n°2 (celui qu’on présente aux employeurs) mais rarement creuser plus loin quand le candidat a un CV « forces de l’ordre ». Erreur fatale.
Le suivi des délinquants sexuels : encore perfectible
Cette histoire met cruellement en lumière les limites du système. Oui, il y a le FIJAIS (fichier judiciaire des auteurs d’infractions sexuelles), oui il y a des obligations de soins, oui il y a des interdictions professionnelles théoriques. Mais dans les faits ? Un homme condamné peut, quelques mois plus tard, se retrouver à nouveau en position de domination sur des femmes.
On pense aux victimes qui, elles, mettent des années à se reconstruire. On pense à cette employée qui a dû continuer à croiser son agresseur dans les couloirs du magasin pendant des semaines, le temps que l’enquête avance. On pense aussi à toutes celles qui n’osent pas parler, par peur de perdre leur emploi.
Le plus dur, c’est de devoir sourire au client pendant que celui qui vous a touchée passe derrière vous en sifflotant.
Témoignage anonyme d’une victime d’agression au travail
Et demain ?
Depuis cette condamnation, le supermarché en question a renforcé ses procédures de recrutement – un peu tard. Le CNAPS a promis de regarder de plus près les dossiers en cours d’appel. Des associations féministes demandent une réforme : casier judiciaire intégral obligatoire pour toute fonction d’autorité ou de contact avec le public.
Moi, je retiens une chose. Derrière chaque uniforme, chaque badge, chaque sourire professionnel, il y a un être humain avec un passé. Et parfois, ce passé devrait nous faire réfléchir à deux fois avant de faire confiance aveuglément.
Cette affaire n’est pas isolée. Elle est juste celle qui a fini devant un tribunal. Combien d’autres se passent en silence dans les entrepôts, les parkings, les rayons des magasins ? La question mérite d’être posée. Et surtout, d’avoir une vraie réponse.
(Article rédigé à partir d’éléments judiciaires publics – décembre 2025)
